Inquiétudes autour de l'impact d'une classe de fongicides sur la santé


Paris, France | AFP | mardi 24/04/2018 - L'ONG Générations Futures a réclamé mardi la suspension de l'utilisation d'une classe de fongicides qui se retrouvent dans la nourriture, après l'alerte lancée par des scientifiques sur les risques potentiels de ces produits pour l'homme.

Le 15 avril, dans une tribune publiée dans Libération, des chercheurs (CNRS, INRA, Inserm) avaient pointé du doigt les pesticides SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase), utilisés "à grande échelle" en agriculture pour détruire les moisissures qui se développent sur les céréales ou les fruits.
Cette substance vise "à bloquer une étape clé de la respiration des champignons, celle assurée par la succinate déshydrogénase (SDH). Or, les cellules de tous les êtres vivants respirent", expliquaient-ils. Selon leurs travaux, le blocage de cette enzyme SDH peut "entraîner à long terme un changement de la structure de notre ADN: ce sont des phénomènes de modifications épigénétiques", qui peuvent provoquer la survenue de cancers. 
Mais ces modifications, contrairement aux mutations génétiques plus généralement associées aux substances cancérogènes, "ne sont pas détectées, ni testées, au cours des tests de toxicité conduits avant la mise sur le marché des pesticides", dénonçaient-ils, appelant à suspendre l'utilisation de ces fongicides SDHI en attendant la réalisation de nouvelles expertises.
Quelques jours plus tard, l'agence sanitaire Anses annonçait la mise en place d'un "groupe d'experts" pour "examiner sans délai les éléments évoqués par les scientifiques lanceurs d'alerte".
Mais pour Générations Futures, il ne faut pas attendre les résultats de ce groupe, certains produits de la classe SDHI étant "omniprésents" dans l'environnement et dans les aliments.
L'ONG pointe en particulier du doigt le boscalid, mettant en avant des analyses publiées ces dernières années ayant montré la présence de résidus de cette substance dans l'air, les eaux de surface et les aliments.
Ainsi, selon un rapport de l'Agence européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) d'avril 2017, le boscalid est le pesticide le plus fréquemment retrouvé dans les aliments testés en Europe. Les résidus apparaissent notamment dans les échantillons de raisins, de blé, de bananes ou de poivrons.
"Générations Futures demande à l’Anses de suspendre immédiatement les autorisations de mise en marché des produits contenant du boscalid et autres SDHI, à titre conservatoire", a déclaré son porte-parole François Veillerette, réclamant une modification des procédures d'homologation des pesticides.
L'ONG appelle également la France à s'opposer au renouvellement au niveau européen de la licence du boscalid qui arrive à échéance fin juillet.
Le collectif "Sauvons les fruits et légumes", qui rassemble quelques dizaines de producteurs, a accusé Générations Futures de chercher "à créer des peurs infondées", dénonçant "une mise en scène qui ne repose sur aucun fondement scientifique".
"Les producteurs de fruits et légumes ne font confiance qu'à l'expertise des autorités sanitaires. Jusque-là, ils rappellent que les conditions d'emplois de ces substances se sont toujours faites selon les normes françaises et européennes, garantissant ainsi aux consommateurs des produits bons et sains", a ajouté le collectif dans un communiqué.
De son côté, l'Union pour la protection des plantes (UIPP), qui réunit 22 adhérents du secteur agricole, a déclaré à l'AFP que "dans les études toxicologiques préparées pour l’autorisation de mise sur le marché de ces produits, les effets avancés par les chercheurs de cette tribune ne sont pas retrouvés". 
Selon la tribune, en France environ 70% des surfaces de blé tendre et près de 80% de celles d'orge d'hiver sont traitées par des fongicides SDHI. Sont également concernés semences, raisins et agrumes, ainsi que des pelouses, notamment celles des terrains de golf.

le Mercredi 25 Avril 2018 à 06:30 | Lu 642 fois