Inflation, les médecins encore patients


Docteur Didier Bondoux, président du syndicat des médecins libéraux de Tahiti.
Tahiti, le 10 janvier 2023 – En métropole, les médecins généralistes sont en grèves depuis plusieurs semaines pour obtenir un doublement des prix des consultations. En Polynésie aussi, le mécontentement existe, –peu atténué par une augmentation de 200 Fcfp par consultation en octobre dernier–, sans pour autant qu’une grève ne menace.
 
Les consultations des médecins généralistes ne sont toujours pas assez chères pour le docteur Didier Bondoux, président du syndicat des médecins libéraux de Tahiti. En métropole, les généralistes ont reconduit leur mouvement de grève, débuté le 26 décembre. Ils revendiquent un doublement du tarif des consultations qui est pour l’instant de 25 euros (soit 2 983 Fcfp). En Polynésie aussi, les médecins militent pour l’augmentation du prix des consultations, qui en octobre dernier était passé de 3 600 à 3 800 Fcfp, après sept ans de pourparlers. “Le prix des consultations était de 3 300 Fcfp au début des années 2000. Les tarifs ont augmenté de 500 Fcfp en 20 ans, explique le docteur Bondoux, au regard de l’inflation, le prix est bien inférieur à ce qu’il devrait être”. D’ailleurs, plusieurs augmentations d’autres types de consultations spéciales, comme celle de pédiatrie, sont en attente de validation par l’Arass, qui “agace” le syndicat par son inaction.
 
Le sentiment d’être sous-estimés
 
Depuis des années, les médecins exerçants, autant en France qu’en Polynésie, se sentent sous-estimés. “Le prix d’une consultation en Polynésie est semblable à celui du Maroc”, explique le président du syndicat, “ce n’est pas normal, surtout quand on voit les prix pratiqués en Europe”. A titre d’exemple, au Royaume-Uni, un rendez-vous avec un médecin généraliste coûte entre 95 et 315 euros (11 297 – 37 457 Fcfp, en Allemagne 75 euros (8 919 Fcfp) ou encore 100 euros (11 891 Fcfp) en Suisse et 80 euros (9 513 Fcfp) en Italie. Didier Bondoux demande que le prix de la consultation s’aligne sur l’inflation. Il ajoute : “tous nos frais fixes ont énormément augmenté, les loyers, le matériel, les salaires des secrétaires. Tout, sauf le tarif des consultations médicales”.
 
Attractivité et médecine à distance
 
La Polynésie était attractive pour les médecins polynésiens et métropolitains, elle ne l’est plus” regrette le docteur Bondoux, “le niveau tarifaire et les difficultés de connexion avec la CPS découragent les généralistes. Il faut changer les choses pour faire revenir les médecins”. Pour lui, il faudrait également moderniser le système en instaurant la médecine à distance qui pourrait aider les habitants des îles isolées à avoir un meilleur accès aux soins. “Il faudrait également établir une dématérialisation des dossiers, on passe beaucoup trop de temps à faire de la paperasse. Des heures de perdues qu’on pourrait consacrer à nos clients” continue Didier Bondoux, “on souhaite aussi que l’échange de données entre les docteurs et l’hôpital soit amélioré”.
 
Le président du syndicat des médecins libéraux de Tahiti s’est également exprimé sur le régime du médecin traitant, entré en vigueur en 2021 puis suspendu depuis le 1er janvier 2023. “Ce qui est valable pour la métropole ne l’est pas pour la Polynésie. On doit revoir ce système pour l’adapter à la réalité du territoire. Bien que peu de patients aient pris le temps de choisir leur médecin traitant, le vrai problème est le manque de retour d’information après une consultation” explique le docteur Bondoux. Le gouvernement doit présenter prochainement un nouveau texte de loi à l’assemblée sur ce sujet. Malgré l’ensemble de leurs revendications, les médecins généralistes n’entendent pas imiter leurs collègues métropolitains et se lancer dans une grève.

 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 10 Janvier 2023 à 16:39 | Lu 1023 fois