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Indonésie: sept militants papous condamnés à de la prison pour trahison


Balikpapan, Indonésie | AFP | mercredi 17/06/2020 - Sept militants papous ont été condamnés mercredi à des peines de prison pour trahison par un tribunal indonésien en liaison avec une vague de manifestations antiracistes qui avaient secoué la Papouasie, la province la plus à l'est de l'archipel d'Asie du Sud-Est l'an dernier.

Des manifestations et des émeutes avaient éclaté en Papouasie et d'autres régions d'Indonésie pendant plusieurs semaines l'an dernier, faisant des dizaines de morts, après l'arrestation d'étudiants papous et des injures racistes proférées à leur encontre à Surabaya, la deuxième ville du pays.

Buchtar Tabuni, un leader du mouvement indépendantiste papou a été condamné à 11 mois de prison. "Si ses actes restent impunis, il deviendra une menace pour l'intégrité du pays", a indiqué Sutarno, le juge principal du tribunal qui, comme de nombreux Indonésiens, ne porte qu'un nom.

Deux autres militants, Agus Kossay et Steven Itlay, ont aussi reçu des peines d'emprisonnement de 11 mois, tandis que quatre étudiants jugés à leurs côtés ont écopé de 10 mois de prison.

Les juges ont estimé que les manifestations antiracistes avaient été utilisées par les accusés pour promouvoir l'indépendance de la province au cours de rassemblements et sur les réseaux sociaux.

La vague de manifestations déclenchée par des incidents racistes avait relancé les appels à l'autodétermination de la Papouasie riche en matières premières. 

La sentence prononcée contre Buchtar Tabuni, par visioconférence pour cause de pandémie, est bien plus légère que les 17 ans de prison requis initialement. Mais le militant a indiqué qu'il ferait appel.  

"Du fond de mon coeur, je ne suis pas coupable", a-t-il déclaré à des journalistes.

Le procès avait été délocalisé de Papouasie à Balikpapan sur l'île de Bornéo pour des raisons de sécurité.

"Nous saluons le fait que les juges ont pris l'initiative de prononcer des sentences plus légères que ce que le parquet avait requis", a indiqué l'avocat des militants Gustaf Kawer.

Mais "pour être équitable (les juges) auraient dû les libérer au lieu de les condamner pour trahison", a-t-il ajouté.

Les Papous victimes de racisme

"Ces activistes et étudiants papous ne devraient pas même passer une seule nuit derrière les barreaux", a protesté Andreas Harsono, collaborateur de l'ONG Human Rights Watch en Indonésie.

"Ils manifestaient contre le racisme et ils ont été condamnés pour trahison".

Des militants ont organisé des manifestations cette semaine pour dénoncer le racisme contre les Papous, des Mélanésiens chrétiens à la peau noire, qui ont peu de liens culturels avec le reste des Indonésiens en majorité musulmans.

Si les manifestations n'ont rassemblé que quelques dizaines de personnes, le hashtag #PapuanLivesMatter s'est répandu sur les réseaux sociaux dans la foulée du mouvement #BlackLivesMatter provoqué par la mort de George Floyd aux Etats-Unis.

Jakarta a eu recours de façon croissante aux accusations de trahison contre les voix discordantes. Une cinquantaine de militants papous ont été accusés de trahison et une dizaine d'activites critiques du gouvernement après les manifestations de l'an dernier.

Certains ont été condamnés pour avoir brandi le drapeau indépendantiste papou, qui est interdit en Indonésie.

L'armée et la police indonésiennes sont accusées d'abus contre la population de Papouasie dans leur répression d'une rébellion indépendantiste à l'activité sporadique.

Ancienne colonie hollandaise, la Papouasie est passée sous le contrôle de l'Indonésie dans les années 60, après un référendum d'autodétermination contesté. 

le Mercredi 17 Juin 2020 à 08:00 | Lu 924 fois