Indemnisation des victimes des essais nucléaires : la CPS scrute la décision du Conseil d'Etat


Le Conseil d'Etat a examiné vendredi la question de la Caisse de prévoyance sociale.
PARIS, le 30 septembre 2016. La Caisse de prévoyance sociale a demandé au Conseil d'Etat de répondre à la question : l'Etat indemnise-t-il les victimes des essais nucléaires français en tant que personne responsable du dommage ou en tant que garant de la solidarité nationale ? Si l'Etat intervient en tant que responsable, la CPS pourrait demander à être indemnisée.

La CPS peut-elle engager une action en justice contre l’Etat pour obtenir le remboursement des frais liés aux victimes des essais nucléaires ? C’est en substance la question que la cour administrative d’appel de Paris a transmise pour avis au conseil d’Etat, et qui était examinée vendredi, en séance publique.

Ici, c’est le dossier de madame Tapi Roometua, veuve Roux, qui est en jeu. Son défunt mari a passé plusieurs séjours comme magasinier sur l’atoll de Moruroa, entre 1966 et 1974. Il est mort en 1983, d’un cancer broncho-pulmonaire. Le Civen, le comité d’indemnisation qui étudie les dossiers des victimes potentielles, avait conclu au risque négligeable, décision contestée devant le tribunal administratif.

« L’originalité », de cette affaire, comme le note le rapporteur public, c’est que la CPS s’en mêle. La Caisse de prévoyance sociale polynésienne agit-elle légitimement ou est-ce un excès de pouvoir de sa part en se substituant à la victime dans cette affaire (ce qui s’appelle une action subrogatoire) ? Pour le savoir, il faut se pencher sur la nature du régime d’indemnisation instituée par la loi Morin en 2010.
Il y a deux options : l'Etat indemnise-t-il les victimes des essais nucléaires français en tant que personne responsable du dommage ou en tant que garant de la solidarité nationale ?

Le premier cas repose sur le principe selon lequel la réparation d’un dommage incombe à celui qui l’a créé. Dans le second cas, l’Etat n’est pas responsable mais, incarnant la solidarité nationale, il prend en charge les dommages de grande ampleur. Entre les deux, la loi Morin reste « muette » et ne se rattache ni à la solidarité nationale ni à un régime de responsabilité pour faute ou sans faute.

Le rapporteur public rappelle que durant les débats au Parlement, il n’a été fait aucune référence à la solidarité nationale mais qu’au contraire, la responsable du ministère de la Défense a souvent été évoquée. Il ajoute que plus récemment, le président de la République, François Hollande, a semblé reconnaître la responsabilité de l’Etat mais « sans admettre de faute ». En revanche, si c’est le principe de la solidarité nationale qui était retenue, la CPS « ne pourra pas » engager d’action.

UN COUT DE 54 MILLIARDS
La décision qui sera rendue par la juridiction sera regardée à la fois par la direction de la CPS mais aussi par le gouvernement.
En effet, si le Conseil d'Etat reconnait que l'Etat indemnise en tant que personne responsable, cela ouvrira la possibilité à la CPS d'engager des procédures en réparation. Pour rappel, la Caisse comptabilise près de 54 milliards de dépenses pour le traitement de malades atteints par des cancers reconnus comme potentiellement radio-induits par le décret d'application de 2012 de la loi Morin.

Peu avant la venue du président de la République, le ministre de la Santé avait indiqué qu'il souhaitait "demander à l'Etat de nous aider en ce qui concerne les patients touchés malheureusement pas des maladies radio-induites". François Hollande à la présidence n'a pas parlé de responsabilité à Papeete. Il a reconnu "que les essais nucléaires menés entre 1966 et 1996 en Polynésie française ont eu un impact environnemental" et "provoqué des conséquences sanitaires". Ces propos pourraient servir d'argument à ceux qui demandent la prise en charge financière des maladies liées aux essais nucléaires par l'Etat.

Jusqu'ici lors de l'examen des demandes d'indemnisation par les victimes des essais nucléaires, le tribunal administratif a omis tout dédommagement à la CPS. Pour cette juridiction, la loi Morin est prévue pour indemniser les victimes et leurs ayants-droit. Si le Conseil d'Etat venait à confirmer ceci, la CPS devrait trouver une autre voie que celle de la loi Morin pour remplir son portefeuille.
Le Conseil d’Etat n’est pas tenu par un délai strict pour rendre son avis dans ce dossier.

Rédigé par Avec Serge Massau, à Paris le Vendredi 30 Septembre 2016 à 15:25 | Lu 2560 fois