Tahiti, le 25 janvier 2021 - L'explosion de la demande en conteneurs au départ de la Chine, assortie aux perturbations des ports d'escales de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, du fait du Covid notamment, provoquent des ruptures d'approvisionnement et une hausse des prix du fret qui posent problème au fenua. « Du jamais vu » selon les professionnels de l'import-export.
A l'ère du Covid, marchandises et matières premières circulent plus que les hommes. C'est tellement vrai que l'espace vient à manquer sur les navires. Particulièrement dépendante des importations, essentiellement maritime notamment en produits de grande consommation (99 % du volume selon l'autorité polynésienne de la concurrence), la Polynésie n'est pas épargnée. De l'avis général, les effets d'une reprise explosive du trafic maritime se font ressentir depuis septembre.
« C'est du jamais vu » résume un professionnel de l'import-export. Nombreux à quai pendant le confinement, les navires du monde entier sont désormais tous mobilisés par les compagnies maritimes face à une demande qui surpasse l'offre de très, très loin. « C'est simple, toutes les ressources disponibles sont sur l'eau, indique le responsable. On assiste à une explosion des volumes transportés dans le monde ».
Dynamique inflationniste
Mais c'est d'Asie et plus précisément de Chine, suivie de l'Asie du Sud-Est, que vient la pénurie d'équipement depuis la reprise du trafic. « Il y a énormément d'exportation au départ de ces pays, les bateaux sont plein à craquer quand ils partent vers les pays occidentaux qui sont loin de compenser le flux dans l'autre sens, mais comme il y a beaucoup moins d'export vers l'Asie, il y a un déficit d'équipement, analyse Maeva Siu, présidente du syndicat des agences maritimes. Les compagnies sont parfois obligées de renvoyer des conteneurs vides ce qui génère des coûts et qui ne rapporte rien. Il y a pénurie non seulement de conteneurs, mais aussi d'espace disponible sur ces navires. » Loi de l'offre et de la demande oblige, le coût du fret augmente au grand dam des « clients chargeurs ».
Dans cette dynamique inflationniste, tous les secteurs sont touchés. « On subit les tarifs et on ne parle pas de 10% d'augmentation » glisse Gaël Lamisse, président du syndicat des industriels de Polynésie française (Sipof). « Ça fait plusieurs mois que ça dure et on a des stocks de matières premières avec des flux industriels assez costauds. » Du côté des syndicats du BTP, on rapporte ainsi depuis des mois des ruptures d'approvisionnement. L'impact sur les chantiers a d'ailleurs poussé les professionnels à réfléchir à des pistes, comme celle de prolonger les délais de livraison des chantiers.
Incertitudes en réapprovisionnement
« On est sur des délais complètement délirants ! » s'exclame Gaël Lamisse. De grosses compagnies à l'instar de CFA CGM ont dû fermer dès le 10 janvier les réservations pour les navires prévus au départ le 6 mars, soit sept semaines à l'avance contre deux à trois semaines en temps normal. Non seulement ces bateaux sont pleins, mais la compagnie enregistre 120 à 130% de plus en demande de booking.
Aux incertitudes en réapprovisionnement, vient s'ajouter la surcharge des navires. « L'effet pervers c'est que les transbordements ne se passent pas toujours bien, ce qui rallonge les délais. On a des conteneurs qui restent au port, et comme ils n'arrivent pas assez vite, on ne les libère pas assez vite, pour qu'ils puissent tourner plus vite... » Paradoxalement, quelque 24 millions d'unités sont en circulation dans le monde. Un record.
Dans ce contexte, il ne fait pas bon être « nomade ». « Il faut que les importateurs aient suffisamment de trafic régulier pour négocier des réservations avec leurs transitaires », commente Gérard Burlats. Secrétaire de la fédération générale du commerce (FGC), il rapporte lui aussi des « soucis » d'approvisionnement. « Il y a plus de conteneurs qui veulent partir, moins de bateaux, et comme le prix de revient tient compte des frais d'approche, mathématiquement les prix augmentent sur les produits. »
De nombreux port congestionnés
Soumis eux aussi à un envol des prix, les fournisseurs européens annoncent la couleur aux clients du fenua. « En septembre 2020, nous achetions notre transport pour un conteneur 40 pieds au prix moyen de 1 500 dollars (148 000 fcfp, Ndlr), aujourd’hui le prix atteint 11 000 dollars (1 million de Fcfp, Ndlr) ! » pour les marchandises transportées entre la Chine et l’Europe. Dans un « marché parallèle de surenchère », on signifie pudiquement un « réajustement des conditions tarifaires ».
Fort heureusement, le surcoût des conteneurs pour la Polynésie n'atteint pas encore ces proportions. « Il n'y a pas de hausse particulière sur la route Europe-Polynésie, en revanche en sortie d'Asie, ça explose, parce que la plupart des lignes qui viennent sur Tahiti desservent aussi l'Australie et la Nouvelle-Zélande » veut rassurer Maeva Siu. Et c'est là que ça coince. Car si toutes les compagnies ont appliqué une GRI (General Rate Increases), c'est aussi pour compenser « une hausse des frais de congestion ».
Appliqués lorsque le bateau transporteur doit attendre au port pour décharger et charger sa cargaison, ces frais ont vraisemblablement marqué une hausse aux ports de Nouvelle-Zélande et d'Australie. Responsable en grande partie de l'énorme arriéré de cargaisons importées et d'une longue file de navires en attente d'accoster, le port d'Auckland notamment manquait cruellement de personnel qualifié pour les manœuvres de chariot porteur.
« C'est de plus en plus difficile de faire des bookings depuis certains ports, confie Maeva Siu. On a eu beaucoup de perturbations dans ceux qui desservent la Polynésie, certains ont changé leur technique de déchargement, ou comptaient du personnel positif au Covid. Les ports étaient tellement congestionnés que des escales étaient refusées, c'était le cas d'Auckland et de l'Australie, ou des Etats-Unis. »
« Le riz ne va pas doubler de prix »
La plupart des compagnies et des agences maritimes font ainsi état d'une hausse de l'ordre de 30%. Selon un responsable d'une compagnie maritime locale, Pacific direct line (PDL), transporteur régional spécialisé dans la desserte des îles du Pacifique Sud, applique une hausse de 500 dollars par conteneur de vingt pieds et de 1 000 dollars pour un conteneur de 40 pieds. Mais de manière générale, tous les conteneurs en provenance d'Asie qui font escale en Nouvelle-Zélande ont aussi augmenté de 300 à 500 dollars.
Des coûts qui se répercutent bien entendu sur les clients qui acheminent leur conteneur et sur leur produit. Mais difficile de savoir de combien. « Ça dépend du service concerné, il n'ont pas la même économie d'échelle. Chaque compagnie est libre d'appliquer sa hausse. Certains augmentent le fret, d'autres facturent des surcharges qui sont temporaires », poursuit la présidente du syndicat des agences maritimes.
A titre d'exemple, une hausse de 350 dollars, soit 35 000 francs, est répercutée sur l'ensemble du conteneur. « Le riz ne va pas doubler de prix » rassure encore Maeva Siu, partant elle-même du principe que l'Asie - représentant 25 à 30% des importations - est plus impactée et que nos marchandises viennent essentiellement d'Europe (35 à 40%). Une hausse du coût de la vie ne fait cependant plus aucun doute.
A l'ère du Covid, marchandises et matières premières circulent plus que les hommes. C'est tellement vrai que l'espace vient à manquer sur les navires. Particulièrement dépendante des importations, essentiellement maritime notamment en produits de grande consommation (99 % du volume selon l'autorité polynésienne de la concurrence), la Polynésie n'est pas épargnée. De l'avis général, les effets d'une reprise explosive du trafic maritime se font ressentir depuis septembre.
« C'est du jamais vu » résume un professionnel de l'import-export. Nombreux à quai pendant le confinement, les navires du monde entier sont désormais tous mobilisés par les compagnies maritimes face à une demande qui surpasse l'offre de très, très loin. « C'est simple, toutes les ressources disponibles sont sur l'eau, indique le responsable. On assiste à une explosion des volumes transportés dans le monde ».
Dynamique inflationniste
Mais c'est d'Asie et plus précisément de Chine, suivie de l'Asie du Sud-Est, que vient la pénurie d'équipement depuis la reprise du trafic. « Il y a énormément d'exportation au départ de ces pays, les bateaux sont plein à craquer quand ils partent vers les pays occidentaux qui sont loin de compenser le flux dans l'autre sens, mais comme il y a beaucoup moins d'export vers l'Asie, il y a un déficit d'équipement, analyse Maeva Siu, présidente du syndicat des agences maritimes. Les compagnies sont parfois obligées de renvoyer des conteneurs vides ce qui génère des coûts et qui ne rapporte rien. Il y a pénurie non seulement de conteneurs, mais aussi d'espace disponible sur ces navires. » Loi de l'offre et de la demande oblige, le coût du fret augmente au grand dam des « clients chargeurs ».
Dans cette dynamique inflationniste, tous les secteurs sont touchés. « On subit les tarifs et on ne parle pas de 10% d'augmentation » glisse Gaël Lamisse, président du syndicat des industriels de Polynésie française (Sipof). « Ça fait plusieurs mois que ça dure et on a des stocks de matières premières avec des flux industriels assez costauds. » Du côté des syndicats du BTP, on rapporte ainsi depuis des mois des ruptures d'approvisionnement. L'impact sur les chantiers a d'ailleurs poussé les professionnels à réfléchir à des pistes, comme celle de prolonger les délais de livraison des chantiers.
Incertitudes en réapprovisionnement
« On est sur des délais complètement délirants ! » s'exclame Gaël Lamisse. De grosses compagnies à l'instar de CFA CGM ont dû fermer dès le 10 janvier les réservations pour les navires prévus au départ le 6 mars, soit sept semaines à l'avance contre deux à trois semaines en temps normal. Non seulement ces bateaux sont pleins, mais la compagnie enregistre 120 à 130% de plus en demande de booking.
Aux incertitudes en réapprovisionnement, vient s'ajouter la surcharge des navires. « L'effet pervers c'est que les transbordements ne se passent pas toujours bien, ce qui rallonge les délais. On a des conteneurs qui restent au port, et comme ils n'arrivent pas assez vite, on ne les libère pas assez vite, pour qu'ils puissent tourner plus vite... » Paradoxalement, quelque 24 millions d'unités sont en circulation dans le monde. Un record.
Dans ce contexte, il ne fait pas bon être « nomade ». « Il faut que les importateurs aient suffisamment de trafic régulier pour négocier des réservations avec leurs transitaires », commente Gérard Burlats. Secrétaire de la fédération générale du commerce (FGC), il rapporte lui aussi des « soucis » d'approvisionnement. « Il y a plus de conteneurs qui veulent partir, moins de bateaux, et comme le prix de revient tient compte des frais d'approche, mathématiquement les prix augmentent sur les produits. »
De nombreux port congestionnés
Soumis eux aussi à un envol des prix, les fournisseurs européens annoncent la couleur aux clients du fenua. « En septembre 2020, nous achetions notre transport pour un conteneur 40 pieds au prix moyen de 1 500 dollars (148 000 fcfp, Ndlr), aujourd’hui le prix atteint 11 000 dollars (1 million de Fcfp, Ndlr) ! » pour les marchandises transportées entre la Chine et l’Europe. Dans un « marché parallèle de surenchère », on signifie pudiquement un « réajustement des conditions tarifaires ».
Fort heureusement, le surcoût des conteneurs pour la Polynésie n'atteint pas encore ces proportions. « Il n'y a pas de hausse particulière sur la route Europe-Polynésie, en revanche en sortie d'Asie, ça explose, parce que la plupart des lignes qui viennent sur Tahiti desservent aussi l'Australie et la Nouvelle-Zélande » veut rassurer Maeva Siu. Et c'est là que ça coince. Car si toutes les compagnies ont appliqué une GRI (General Rate Increases), c'est aussi pour compenser « une hausse des frais de congestion ».
Appliqués lorsque le bateau transporteur doit attendre au port pour décharger et charger sa cargaison, ces frais ont vraisemblablement marqué une hausse aux ports de Nouvelle-Zélande et d'Australie. Responsable en grande partie de l'énorme arriéré de cargaisons importées et d'une longue file de navires en attente d'accoster, le port d'Auckland notamment manquait cruellement de personnel qualifié pour les manœuvres de chariot porteur.
« C'est de plus en plus difficile de faire des bookings depuis certains ports, confie Maeva Siu. On a eu beaucoup de perturbations dans ceux qui desservent la Polynésie, certains ont changé leur technique de déchargement, ou comptaient du personnel positif au Covid. Les ports étaient tellement congestionnés que des escales étaient refusées, c'était le cas d'Auckland et de l'Australie, ou des Etats-Unis. »
« Le riz ne va pas doubler de prix »
La plupart des compagnies et des agences maritimes font ainsi état d'une hausse de l'ordre de 30%. Selon un responsable d'une compagnie maritime locale, Pacific direct line (PDL), transporteur régional spécialisé dans la desserte des îles du Pacifique Sud, applique une hausse de 500 dollars par conteneur de vingt pieds et de 1 000 dollars pour un conteneur de 40 pieds. Mais de manière générale, tous les conteneurs en provenance d'Asie qui font escale en Nouvelle-Zélande ont aussi augmenté de 300 à 500 dollars.
Des coûts qui se répercutent bien entendu sur les clients qui acheminent leur conteneur et sur leur produit. Mais difficile de savoir de combien. « Ça dépend du service concerné, il n'ont pas la même économie d'échelle. Chaque compagnie est libre d'appliquer sa hausse. Certains augmentent le fret, d'autres facturent des surcharges qui sont temporaires », poursuit la présidente du syndicat des agences maritimes.
A titre d'exemple, une hausse de 350 dollars, soit 35 000 francs, est répercutée sur l'ensemble du conteneur. « Le riz ne va pas doubler de prix » rassure encore Maeva Siu, partant elle-même du principe que l'Asie - représentant 25 à 30% des importations - est plus impactée et que nos marchandises viennent essentiellement d'Europe (35 à 40%). Une hausse du coût de la vie ne fait cependant plus aucun doute.