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Imiter les marées pour lutter contre les parasites


Ce système breveté de “marée solaire” est expérimenté à Tahiti depuis un an et demi (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Ce système breveté de “marée solaire” est expérimenté à Tahiti depuis un an et demi (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 6 décembre 2024 – Dans le cadre des recherches en faveur de la production locale d’huîtres de roche, un concept de “marée solaire” importé de Méditerranée est en cours d’expérimentation à l’Ifremer et dans la baie de Phaëton. Régulièrement sorties de l’eau, les huîtres sont débarrassées des vers Polydora, qui attaquent leurs coquilles et les rendent impropres à la consommation. À Vairao, ce démonstrateur est associé à des cultures de microalgues nourricières à partir des rejets d’autres productions aquacoles, dans l’optique de la future zone biomarine de Faratea.


C’est un dispositif que vous avez peut-être aperçu à l’Ifremer de Vairao, côté bassins, mais aussi dans la baie de Phaëton, à Taravao, avec des huîtres de roche suspendues sur des cordages à la façon de leurs cousines en perliculture. À la différence que ces huîtres comestibles en pleine croissance sont régulièrement aérées pendant trois heures, puis à nouveau immergées grâce à un mécanisme alimenté par un panneau solaire. L’opération dure une quinzaine de minutes, durant lesquelles les cordes lestées s’enroulent – ou se déroulent – grâce à la rotation de tubes galvanisés.
 
Cette expérimentation est menée dans le cadre d’un partenariat entre l’Ifremer, l’entreprise Ostrea Tahiti et la Direction des ressources marines (DRM), l’objectif étant de faire émerger une filière locale d’huîtres de bouche en se basant sur les deux espèces présentes localement : Saccostrea echinata et Saccostrea cucullata.
 

Les chambrages noirs des polydores rendent les huîtres impropres à la consommation (Crédit : Dagmar Lackschewitz).
Les chambrages noirs des polydores rendent les huîtres impropres à la consommation (Crédit : Dagmar Lackschewitz).

“Sans exondation, les huîtres sont infestées”


Mis au point il y a plus de quinze ans par Florent Tarbouriech, ostréiculteur de la lagune de Thau – en Méditerranée –, ce système breveté de “marée solaire” a fait ses preuves dans plusieurs pays pour la phase de grossissement, notamment en ce qui concerne la qualité de la chair. “On s’est aussi rendu compte qu’il permettait de se débarrasser des parasites, notamment des vers Polydora, très présents en Polynésie, notamment pour l’huître de roche”, explique Guillaume Mitta, chercheur détaché à l’Ifremer et directeur de l’unité mixte de recherche Secopol.
 
Un problème de taille minuscule, mais à la nuisance sans commune mesure : “C’est un ver qui fore les coquilles. Il produit des fèces et des chambrages noirs, qui ne sentent pas très bons et qui rendent surtout l’huître impropre à la consommation. Sans cette exondation, toutes les huîtres sont infestées au cours de la production.” Si les huîtres sont capables de survivre hors de l’eau, ce n’est pas le cas des polydores. Cette technique permet d’éviter de passer par un traitement de l’eau, mais elle nécessite du matériel et de la main d’œuvre pour fixer par trois les huîtres, dès qu’elles ont atteint un gabarit de 2,5 à 3 cm.
 
Techniciens et chercheurs multiplient les tests à partir de ce système depuis un an et demi. Un cycle de production complet vient d’être lancé pour 18 mois, l’objectif étant d’atteindre la taille commerciale – au moins 10 cm – à l’issue. Des comparatifs sont réalisés en milieu naturel, dans la baie de Phaëton, qui serait le seul site à Tahiti où les deux espèces coexistent, et devant l’Ifremer, dans une zone du lagon pauvre en nutriments.
 

Des aquacultures “connectées”

Culture de microalgues nourricières dans les bassins supérieurs.
Culture de microalgues nourricières dans les bassins supérieurs.
Ce projet de démonstrateur pour l’ostréiculture s’inscrit dans une expérimentation plus large intégrant la revalorisation des rejets d’autres productions. Le bassin de 350 m3, où sont immergées les huîtres, est surmonté par trois autres bassins de 40 m3, où sont cultivées différentes espèces de microalgues à partir des effluents des bassins de crevettes ou d’engrais à base de nitrates et de phosphates. “En ce moment, on produit une algue particulièrement adaptée à l’ostréiculture pour ses qualités nutritives : Chaetoceros”, remarque Guillaume Mitta. “L’idée, c’est d’avoir différents bassins qui puissent être connectés les uns aux autres pour permettre de faire de l’aquaculture multitrophique intégrée, c’est-à-dire des aquacultures complémentaires qui fonctionnent en cascade. Certaines matières organiques sont des nutriments potentiels pour d’autres espèces, notamment les bivalves filtreurs.” Selon les résultats et la viabilité économique, ce dispositif préindustriel pourrait être mis en œuvre sur la future zone biomarine de Faratea.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Vendredi 6 Décembre 2024 à 18:12 | Lu 1996 fois