Tahiti, le 9 juin 2022 - Le Bataillon du Pacifique est entré dans l’histoire avec les honneurs à Bir Hakeim en juin 1942. Sous la plume de Jean-Christophe Shigetomi, Tahiti Infos se propose de relater les dures heures de ces combattants héroïques. Aujourd’hui, dans quelles conditions épiques fut organisée l’évacuation de Bir Hakeim, le 10 juin au soir.
Cela fait 13 jours, ce 10 juin 1942 dans le désert libyen, que l’Afrika Korps encercle Bir Hakeim avec deux divisions blindées. Le général Rommel a vainement ordonné de multiples assauts pour s’emparer de la position. Depuis huit jours, le camp retranché allié qui lui ferme la route de Tobrouk, est bombardé sans relâche. Bir Hakeim est encerclé de tous côtés par les forces germano-italiennes, dont les lignes sont maintenant établies à une distance qui, par endroits, n’excède pas 300 mètres de la limite extérieure des champs de mines. Sous l'effet d’un pilonnage incessant, de la fatigue, du manque de munitions, de vivres et d'eau, un climat étouffant plombe le moral des troupes dans le camp retranché.
À 17 heures, en accord avec le commandement allié, l’ordre d’évacuation est communiqué à la brigade par le général Koenig. Les consignes du commandant de Bir Hakeim ordonnent qu’à la nuit tombée la garnison, brisant l’encerclement, s’ouvrira un chemin au travers des lignes ennemies, de vive force, les armes à la main. En dépit du caractère périlleux d’une telle manœuvre, la nouvelle est accueillie par une satisfaction générale. Tous sont prêts à tenter le sort, plutôt que de tomber entre les mains de l’ennemi ou de finir par succomber devant un assaut massif qui trouverait la garnison privée de l’eau et des munitions indispensables. L’évacuation aura lieu par la porte sud du camp, via la chicane tenue par le bataillon du Pacifique.
Tetuaereva Faehau dit Teto, ordonnance du capitaine Hervé, officie en agent de liaison, se mouvant audacieusement entre les tranchées et les tirs scélérats ennemis, il transmet l’ordre de sortie aux chefs de section. Un couloir de deux cents mètres environ doit être déminé. Une fois franchie la porte du Pacifique, la brigade doit se retrouver à sept kilomètres au sud-est à un point de rendez-vous matérialisé à l’azimut 213 par trois lampes à feux rouges installées par les Anglais. Là, protégés par une colonne blindée, ils attendent avec une centaine de camions et une trentaine de véhicules sanitaires.
L’ordre est aussi donné par Koenig de détruire les véhicules et les matériels qui ne seront pas emportés. Les morts doivent être enterrés sur place, avec quelques pierres. Sur la tombe ainsi improvisée : une croix où est inscrit leur nom. Les blessés sont chargés dans les camions de chaque unité. Tumahai emporte et sauve les archives de la compagnie. Les deux bataillons de la Légion et du Pacifique, éprouvés par quinze jours de siège, sortiront en tête. Il est prescrit de ne tirer qu’en cas de nécessité absolue. Les colonnes de véhicules viendront ensuite.
Cela fait 13 jours, ce 10 juin 1942 dans le désert libyen, que l’Afrika Korps encercle Bir Hakeim avec deux divisions blindées. Le général Rommel a vainement ordonné de multiples assauts pour s’emparer de la position. Depuis huit jours, le camp retranché allié qui lui ferme la route de Tobrouk, est bombardé sans relâche. Bir Hakeim est encerclé de tous côtés par les forces germano-italiennes, dont les lignes sont maintenant établies à une distance qui, par endroits, n’excède pas 300 mètres de la limite extérieure des champs de mines. Sous l'effet d’un pilonnage incessant, de la fatigue, du manque de munitions, de vivres et d'eau, un climat étouffant plombe le moral des troupes dans le camp retranché.
À 17 heures, en accord avec le commandement allié, l’ordre d’évacuation est communiqué à la brigade par le général Koenig. Les consignes du commandant de Bir Hakeim ordonnent qu’à la nuit tombée la garnison, brisant l’encerclement, s’ouvrira un chemin au travers des lignes ennemies, de vive force, les armes à la main. En dépit du caractère périlleux d’une telle manœuvre, la nouvelle est accueillie par une satisfaction générale. Tous sont prêts à tenter le sort, plutôt que de tomber entre les mains de l’ennemi ou de finir par succomber devant un assaut massif qui trouverait la garnison privée de l’eau et des munitions indispensables. L’évacuation aura lieu par la porte sud du camp, via la chicane tenue par le bataillon du Pacifique.
Tetuaereva Faehau dit Teto, ordonnance du capitaine Hervé, officie en agent de liaison, se mouvant audacieusement entre les tranchées et les tirs scélérats ennemis, il transmet l’ordre de sortie aux chefs de section. Un couloir de deux cents mètres environ doit être déminé. Une fois franchie la porte du Pacifique, la brigade doit se retrouver à sept kilomètres au sud-est à un point de rendez-vous matérialisé à l’azimut 213 par trois lampes à feux rouges installées par les Anglais. Là, protégés par une colonne blindée, ils attendent avec une centaine de camions et une trentaine de véhicules sanitaires.
L’ordre est aussi donné par Koenig de détruire les véhicules et les matériels qui ne seront pas emportés. Les morts doivent être enterrés sur place, avec quelques pierres. Sur la tombe ainsi improvisée : une croix où est inscrit leur nom. Les blessés sont chargés dans les camions de chaque unité. Tumahai emporte et sauve les archives de la compagnie. Les deux bataillons de la Légion et du Pacifique, éprouvés par quinze jours de siège, sortiront en tête. Il est prescrit de ne tirer qu’en cas de nécessité absolue. Les colonnes de véhicules viendront ensuite.
Sortie de vive force
Le général Koenig, commandant de Bir Hakeim.
“Terā ahiahi, hi'ora'a vau i tā'u ta'ata fa'ahoro Bren carrier, Ma'itere. Mea huru paruparu”, témoignera Georges Durietz. “'Ua ineine tō'u sac. Hō'ē ana'e ihoā mea tā 'oe e ha'apa'o maita'i : tā 'oe pipiria. 'Ua ineine te sac marin, tei roto pauroa te 'ahu 'e te pipiria ato'a.” [Ce soir-là, quand j’ai regardé mon chauffeur de Bren carrier, Maitere. Il était affaibli. Mon sac marin était prêt. Tu n’avais qu’une chose dont tu dois prendre soin : ta bible. Mon sac de marin était prêt avec tout mon linge et ma bible].
“À partir de vingt heures, nous nous sommes engagés dans la chicane du bataillon nettoyée de ses mines”, se souvient John Martin. “Nous marchions au pas. Jusqu’à mi-chemin, l’ennemi n’a pas réagi. Les Allemands n’imaginaient pas que l’on tenterait une sortie. Un des hommes de mon groupe a sorti une boite de saucisses pour casser la croûte tout en marchant. Lorsqu’il a jeté la boite vide, le son métallique sur le sol rocailleux a déclenché les premiers tirs. Ce fut le sauve-qui-peut et le chacun pour soi. Après quelques minutes de flottement et une accalmie, nous nous sommes retrouvés à cinq ou six un peu à l’écart des tirs. Une nuit très opaque nous donnait l’avantage. L’objectif était de sortir à tout prix et de se regrouper à l’azimut 213 où nous attendaient les Anglais. Après concertation, quelques-uns ont préféré suivre un gradé de la Légion étrangère qui préconisait une autre route à suivre.”
Tihoti Snow et Georges Tehaameamea quittent le groupe de John Martin pour suivre l’officier de la Légion étrangère. Tihoti est alors sévèrement blessé par un éclat d’obus. Il est fait prisonnier avec Tehaameamea.
“Ainsi, le Pacifique avait-il rejoint le premier bataillon de Légion (…)”, constate Benjamin Favreau. “J’étais extrêmement surpris de ce qu’aucun coup de feu n’eût encore claqué, car j’estimais que nous devions être à cinquante mètres de la tranchée ennemie (…), quand un cri jaillit en même temps qu’une fusée, devant nous, entre le bataillon et la Légion. Les miens, qui s’y attendaient, obéirent instantanément à mon ordre : Couchez-vous ! (…) Derrière moi, Fuller avait planqué sa tête entre mes jambes et après lui, les siens s’abritaient de même, dérisoirement. Néanmoins, Graffe, le sous-officier adjoint qu’on m’avait donné pour remplacer Nicolas et qui était en serre-file, fut touché à la cuisse.”
“À partir de vingt heures, nous nous sommes engagés dans la chicane du bataillon nettoyée de ses mines”, se souvient John Martin. “Nous marchions au pas. Jusqu’à mi-chemin, l’ennemi n’a pas réagi. Les Allemands n’imaginaient pas que l’on tenterait une sortie. Un des hommes de mon groupe a sorti une boite de saucisses pour casser la croûte tout en marchant. Lorsqu’il a jeté la boite vide, le son métallique sur le sol rocailleux a déclenché les premiers tirs. Ce fut le sauve-qui-peut et le chacun pour soi. Après quelques minutes de flottement et une accalmie, nous nous sommes retrouvés à cinq ou six un peu à l’écart des tirs. Une nuit très opaque nous donnait l’avantage. L’objectif était de sortir à tout prix et de se regrouper à l’azimut 213 où nous attendaient les Anglais. Après concertation, quelques-uns ont préféré suivre un gradé de la Légion étrangère qui préconisait une autre route à suivre.”
Tihoti Snow et Georges Tehaameamea quittent le groupe de John Martin pour suivre l’officier de la Légion étrangère. Tihoti est alors sévèrement blessé par un éclat d’obus. Il est fait prisonnier avec Tehaameamea.
“Ainsi, le Pacifique avait-il rejoint le premier bataillon de Légion (…)”, constate Benjamin Favreau. “J’étais extrêmement surpris de ce qu’aucun coup de feu n’eût encore claqué, car j’estimais que nous devions être à cinquante mètres de la tranchée ennemie (…), quand un cri jaillit en même temps qu’une fusée, devant nous, entre le bataillon et la Légion. Les miens, qui s’y attendaient, obéirent instantanément à mon ordre : Couchez-vous ! (…) Derrière moi, Fuller avait planqué sa tête entre mes jambes et après lui, les siens s’abritaient de même, dérisoirement. Néanmoins, Graffe, le sous-officier adjoint qu’on m’avait donné pour remplacer Nicolas et qui était en serre-file, fut touché à la cuisse.”
Combats rapprochés
Les tirs contre le 2e bataillon de Légion étrangère et les Pacifiens ayant redoublé, ils provoquent un reflux des éléments les plus exposés et une sorte de mêlée générale, ponctués de combats rapprochés. “À 23 heures, on se rend à la chicane”, témoigne Jean Roy Bambridge. “Là, nous recevons de la mitraille de la part des Boches, mais nous continuons à progresser. Ma section s’étant dispersée, je saute avec Nono Suhas sur un camion anglais. L’ennemi tire sur tout ce qui bouge. Tout à coup nous tamponnons. Le chauffeur nous dit que ce n’est rien. Nous continuons mais pas pour longtemps, car un deuxième choc nous fait sauter pour de bon. On entend des cris et des gémissements de partout. Avec Nono, je saute sur une automitrailleuse et en avant. Plus loin, on saute sur une mine. Les deux pneus arrière droits sont en morceaux. Mais nous continuons quand même. Nous fonçons sur les nids de mitrailleuses allemandes et jetons des grenades dans leurs trous.”
La charge des Bren carriers
Susan Travers, engagée volontaire originaire de Pitcairn.
Le général Koenig a donné l’ordre de foncer droit devant. Il est parti le premier, sa voiture conduite à toute allure par l’impassible Miss Susan Travers. Au volant de sa Morris sous les impacts de balles, elle sortira Koenig sain et sauf de Bir Hakeim. L’intrépide Miss Susan sera la seule femme titulaire d’un matricule dans la Légion étrangère.
Mais ce soir-là, le convoi fonce et devient vite une cible privilégiée des tirs et des mines. Les ambulances en flammes illuminent le champ de bataille. Certains véhicules épargnés s'arrêtent pour charger des rescapés ou ceux-ci s'accrochent aux ridelles.
Un véritable barrage de canons de 50 mm allemands interdit de passer le marais de mines. Pour protéger les ambulances et les camions chargés de blessés, les Bren carriers du capitaine Lamaze et les légionnaires les chargent pour écraser tout ce qui se dresse vers eux. La charge des Bren carriers, la cavalerie de la division, reste une des pages les plus héroïques de cette sortie de vive force.
“J’ai eu de la chance, beaucoup de chance. C'était la nuit. C’était la pagaille. Il n'y avait plus de chefs et nous étions livrés à nous-mêmes. J’étais dans un premier camion de transport qui a sauté sur une mine. Je n’ai pensé qu'à sauver ma peau et à filer obstinément vers la direction qu'indiquait le feu de l’azimut 213”, se souvient Ari Wong Kim. “J’ai donc poursuivi à pied et j’ai réussi à monter dans un autre camion de transport. Il a également sauté sur une mine au niveau de la chicane. J’ai terminé mon périple à pied, sous des tirs nourris, jusqu'à atteindre enfin les positions anglaises dans la journée. Tout le monde avançait comme il pouvait : en camion, en voiture, à pied, et j’ai vu beaucoup de véhicules ne jamais atteindre leur but. Certains, dont des Tahitiens, avaient même préféré retourner à Bir Hakeim où ils ont été faits prisonniers.”
Des camions sautent dans les champs de mines. D’autres sont atteints et brûlent. La nuit est zébrée de fulgurantes lueurs des voitures qui sautent et qui flambent. De tous côtés se croisent les gerbes de feu et les trajectoires des balles traçantes. Toute la nuit va retentir le sinistre miaulement des obus et le fracas des explosions, mêlés aux cris d’agonie de ceux qui tombent.
Mais ce soir-là, le convoi fonce et devient vite une cible privilégiée des tirs et des mines. Les ambulances en flammes illuminent le champ de bataille. Certains véhicules épargnés s'arrêtent pour charger des rescapés ou ceux-ci s'accrochent aux ridelles.
Un véritable barrage de canons de 50 mm allemands interdit de passer le marais de mines. Pour protéger les ambulances et les camions chargés de blessés, les Bren carriers du capitaine Lamaze et les légionnaires les chargent pour écraser tout ce qui se dresse vers eux. La charge des Bren carriers, la cavalerie de la division, reste une des pages les plus héroïques de cette sortie de vive force.
“J’ai eu de la chance, beaucoup de chance. C'était la nuit. C’était la pagaille. Il n'y avait plus de chefs et nous étions livrés à nous-mêmes. J’étais dans un premier camion de transport qui a sauté sur une mine. Je n’ai pensé qu'à sauver ma peau et à filer obstinément vers la direction qu'indiquait le feu de l’azimut 213”, se souvient Ari Wong Kim. “J’ai donc poursuivi à pied et j’ai réussi à monter dans un autre camion de transport. Il a également sauté sur une mine au niveau de la chicane. J’ai terminé mon périple à pied, sous des tirs nourris, jusqu'à atteindre enfin les positions anglaises dans la journée. Tout le monde avançait comme il pouvait : en camion, en voiture, à pied, et j’ai vu beaucoup de véhicules ne jamais atteindre leur but. Certains, dont des Tahitiens, avaient même préféré retourner à Bir Hakeim où ils ont été faits prisonniers.”
Des camions sautent dans les champs de mines. D’autres sont atteints et brûlent. La nuit est zébrée de fulgurantes lueurs des voitures qui sautent et qui flambent. De tous côtés se croisent les gerbes de feu et les trajectoires des balles traçantes. Toute la nuit va retentir le sinistre miaulement des obus et le fracas des explosions, mêlés aux cris d’agonie de ceux qui tombent.
Une épaisse nappe de brouillard
“Enfin vers quatre heures du matin, nous stoppons et essayons de remplacer nos roues arrière”, continue Jean Roy Bambridge. “Alors dans le brouillard, nous percevons un bruit de moteurs, nous croyons que ce sont les Boches, mais nous nous rassurons bientôt, car nous reconnaissons nos bagnoles et nous plaquons notre automitrailleuse pour monter sur le Bren de Toti Suhas.”
Un brouillard assez dense s’est en effet installé sur le désert libyen, le matin du 11 juin. Il permettra aux retardataires de rejoindre les éléments britanniques avancés. L’adjudant-chef Alfred Maruhi, aumônier protestant du bataillon, a passé la veille de la sortie de vive force à prier. Les plus superstitieux du bataillon seront persuadés que ces invocations auront favorisé leur fuite, en les enveloppant dans le brouillard qui ne s’est levé que tard en fin de matinée. Il est ainsi de Georges Durietz : “E na, dépassés atu ra mātou. Te reira haerera'a ao, fāriu 'oe i muri, e 'ite ai 'oe i terā mea... c'est comme... hō'ē fumée. Mai te hō'ē fumée, e'ere i te mea teitei roa, mai terā noa paha. Mea me'ume'u rā. E'ita 'oe e 'ite i ō mai. E'ita 'oe e 'ite i ‘ō mai. E'ita e noa'a i te ta'ata nā roto mai i terā fumée. 'A. E rāve'a paha terā nā te Atua. Hein, 'ua fa'aorahia mātou nā terā rāve'a. [On a dépassé. Au petit matin, lorsque tu regardes en arrière, on voit ce truc … C’est comme… une fumée… (brume). Comme une fumée, ce n’était pas une fumée qui montait haut, une simple fumée. Mais c’était une fumée épaisse qui ne permettait pas de voir à travers. On ne pouvait rien voir à travers. Aucun homme ne pouvait passer à travers cette fumée. Ah, c’était certainement l’œuvre du Seigneur. Nous avons été sauvés grâce à cela.]
L’épreuve incertaine de la sortie de vive force poussera le général Koenig à témoigner, avec le recul : “Cette nuit-là, chaque homme était à lui seul une aventure, une histoire, une tragédie”.
Le 11 juin, les rescapés de Bir Hakeim se regroupent à 50 kilomètres au sud-est du camp retranché où ils sont recueillis par les Anglais. L’air est pur, le ciel bleu, le désert empli de silence. Le général Kœnig a réussi à arracher à l’encerclement des forces germano-italiennes les deux tiers des effectifs de sa brigade. Il ramène ses blessés et une partie de son matériel, et cela au prix d’une opération pleine d’audace qui doit beaucoup à son effet de surprise et qui jette un épilogue glorieux sur les combats de Bir Hakeim.
Un brouillard assez dense s’est en effet installé sur le désert libyen, le matin du 11 juin. Il permettra aux retardataires de rejoindre les éléments britanniques avancés. L’adjudant-chef Alfred Maruhi, aumônier protestant du bataillon, a passé la veille de la sortie de vive force à prier. Les plus superstitieux du bataillon seront persuadés que ces invocations auront favorisé leur fuite, en les enveloppant dans le brouillard qui ne s’est levé que tard en fin de matinée. Il est ainsi de Georges Durietz : “E na, dépassés atu ra mātou. Te reira haerera'a ao, fāriu 'oe i muri, e 'ite ai 'oe i terā mea... c'est comme... hō'ē fumée. Mai te hō'ē fumée, e'ere i te mea teitei roa, mai terā noa paha. Mea me'ume'u rā. E'ita 'oe e 'ite i ō mai. E'ita 'oe e 'ite i ‘ō mai. E'ita e noa'a i te ta'ata nā roto mai i terā fumée. 'A. E rāve'a paha terā nā te Atua. Hein, 'ua fa'aorahia mātou nā terā rāve'a. [On a dépassé. Au petit matin, lorsque tu regardes en arrière, on voit ce truc … C’est comme… une fumée… (brume). Comme une fumée, ce n’était pas une fumée qui montait haut, une simple fumée. Mais c’était une fumée épaisse qui ne permettait pas de voir à travers. On ne pouvait rien voir à travers. Aucun homme ne pouvait passer à travers cette fumée. Ah, c’était certainement l’œuvre du Seigneur. Nous avons été sauvés grâce à cela.]
L’épreuve incertaine de la sortie de vive force poussera le général Koenig à témoigner, avec le recul : “Cette nuit-là, chaque homme était à lui seul une aventure, une histoire, une tragédie”.
Le 11 juin, les rescapés de Bir Hakeim se regroupent à 50 kilomètres au sud-est du camp retranché où ils sont recueillis par les Anglais. L’air est pur, le ciel bleu, le désert empli de silence. Le général Kœnig a réussi à arracher à l’encerclement des forces germano-italiennes les deux tiers des effectifs de sa brigade. Il ramène ses blessés et une partie de son matériel, et cela au prix d’une opération pleine d’audace qui doit beaucoup à son effet de surprise et qui jette un épilogue glorieux sur les combats de Bir Hakeim.