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“Il faut réajuster ce qui doit l'être”


Moetai Brotherson, ce jeudi, avant son départ à Paris. Crédit photo : Stephanie Delorme.
Moetai Brotherson, ce jeudi, avant son départ à Paris. Crédit photo : Stephanie Delorme.
Tahiti, le 17 novembre 2023 - Tandis que le budget 2024 du Pays et les mesures fiscales qui l'accompagnent ont fait l'objet de discussions parfois tendues en comité de majorité et suscitent l'inquiétude des patrons, pour Moetai Brotherson, “le temps de la concertation est encore devant nous”. Tout peut être encore amendé, dit-il, annonçant ainsi déjà “réajuster le curseur” concernant les exonérations des véhicules hybrides.  

Entre le feuilleton de la tour des juges de Teahupo'o et l'examen du budget primitif du Pays avec ses mesures fiscales qui s'est déroulé pendant deux jours (mercredi et jeudi) en comité de majorité à l'assemblée, le président Moetai Brotherson est attendu au tournant. Par la population qui attend de voir se concrétiser des promesses de campagne pour lutter contre la cherté de la vie. Par les patrons qui ont découvert la réforme fiscale proposée par le gouvernement et qui s'inquiètent de voir se gripper la machine économique. Et par les médias qui doivent courir après le président du Pays pour tenter d'obtenir des réponses. 
 
Un président qui, malgré un contexte local semblant nécessiter sa présence, a choisi de s'envoler une nouvelle fois pour un voyage de dix jours en métropole et à Bruxelles (voir encadré). C'est donc à l'aéroport de Tahiti-Faa'a que nous avons pu le croiser avant son départ, jeudi soir. 
 
Brotherson prête l'oreille à Dock
 
Interrogé sur la réaction plus que circonspecte du patron du Medef, Frédéric Dock, en découvrant les mesures fiscales qu'entend mettre en place le gouvernement, Moetai Brotherson tente, comme toujours, de calmer le jeu : “Je comprends qu'il puisse avoir un point de vue particulier. Évidemment, les sujets fiscaux sont des sujets sur lesquels le monde de l'entreprise est très sensible.”
 
Et pour cause, dans l'interview accordée à Tahiti Infos le 15 novembre, le patron du Medef, Frédéric Dock, regrette fortement que les patrons aient eu “l'impression d'être écoutés, mais en réalité, ils prennent des mesures à l'inverse”. Des mesures qui lui font craindre un gros coup d'arrêt des investisseurs pendant les prochaines années. Mais ces textes étant encore susceptibles d'être amendés en commission et en séance plénière de l'assemblée, “il n'est pas trop tard pour mieux faire”, espère le président du Medef. 
 
Une méthode à revoir
 
Il faut croire que le président du Pays l'a entendu : “Le temps de la concertation est encore devant nous. Donc, il faut ajuster ce qui doit l'être”, a-t-il ainsi répondu jeudi soir, en prenant l'exemple de la révision sur les exonérations sur les véhicules hybrides et électriques : “Il y avait un paramètre qui était fixé à 4 CV, et j'ai reçu les concessionnaires qui m'ont expliqué que dans leur catalogue, il n'y avait pas de véhicules électriques de moins de 5,5 CV, donc on réajuste le curseur”.
 
Très bien. Mais la logique voudrait que tous ces éléments soient discutés en amont et peut-être aurait-il fallu recevoir les concessionnaires avant de rédiger ce texte... Un texte qui, pour mémoire, prévoyait donc d'exonérer de taxe de mise en circulation (TMC) les petits véhicules de moins de 4 CV.. Ne pas confondre vitesse et précipitation. C'est ce qu'avaient justement reproché les conseillers du Césec qui avaient renvoyé le gouvernement à sa copie. 
 
50 millions sur le bâti : “C'est le bon curseur”
 
En revanche, le président Brotherson semble avoir changé d'avis concernant la contribution de solidarité sur le patrimoine immobilier (CSPI) visant à taxer les propriétaires d'appartements, de maisons ou de locaux commerciaux d'une valeur de plus de 50 millions de francs. S'il n'avait pas écarté l'idée de “bouger ce curseur” lorsque son ministre de l'Économie l'avait annoncé en plein débat sur le rapport d'orientation budgétaire, prenant tout le monde de court, Moetai Brotherson fait marche arrière : “Sur ce texte-là, les évaluations ont été faites et il semble que le curseur soit bon puisque cela correspond, de mémoire, à 1 700 logements. Et si on regarde les taux proposés, ça n'a rien de scandaleux : sur une maison à 60 millions de francs, ça fait 12 000 francs par an (25 000 francs en fait sachant que le taux applicable est de 0,25 et que les 50 premiers millions de francs sont exemptés, NDLR)." 
 
“On ne met pas de gants” en comité de majorité
 
Enfin, il n'y a pas que les patrons qui montent au créneau. Dans les rangs mêmes du Tavini, les débats ont été houleux en comité de majorité pendant deux jours, mercredi et jeudi. Une bonne chose pour Moetai Brotherson qui endosse, encore une fois, le lavalava du pacificateur : “Les gens qui ont des questions les posent. Il n'y a pas de sujet tabu. On ne met pas de gants. On dit ce qu'on pense. Des fois, ça accroche un peu et après on s'explique. C'est fait pour ça, ces comités de majorité. Ce n'est pas fait pour se sourire et se servir le thé.”
 

Cannes, Nice et Bruxelles

Si le président du Pays a déjà été critiqué et interrogé par les élus de la minorité sur ses nombreux déplacements à l'étranger depuis son élection il y a six mois, il continue à faire augmenter son empreinte carbone. Chacun jugera de la pertinence de ce nouveau voyage dont il nous a dévoilé le programme. Première étape : Cannes où il doit rencontrer le maire, David Lisnard, également président de l'Association des maires de France. Mais c'est le volet “audiovisuel” qui l'intéresse, puisqu'il détient ce portefeuille, “donc on va étudier des partenariats avec la ville de Cannes qui a notamment des cycles de formation intéressants”. Un petit tour est prévu ensuite au Musée de la ville, dont la conservatrice est polynésienne (Théano Jaillet), l'idée étant de restituer ou de faire des échanges d'objets polynésiens et “peut-être même de restes humains”. Puis cap sur Nice, pas très loin donc, pour cette fois observer “ce qui se fait en matière d'infrastructures portuaires et de gestion des mouillages. C'est une problématique qu'on a ici.”
 
Voilà pour les deux premières journées. Direction Paris ensuite pour deux autres jours dans le cadre du 105e Congrès des maires (on a d'ailleurs pu croiser le tāvana de Mahina Damas Teuira jeudi soir à l'aéroport également) qui se déroule du 20 au 23 novembre. Les Pays-Bas ensuite, pour “aller voir des navires utilitaires fonctionnant à l'hydrogène”, sa “marotte” comme il le dit lui-même, et enchaîner par Bruxelles au salon de l'hydrogène justement. Enfin, rien de calé avec l'Élysée mais il a “envoyé un message” pour demander une entrevue. “J'ai un sujet sur le tourisme, notamment le tourisme chinois, donc j'aimerais m'entretenir avec le président”. Retour prévu le 26 novembre. 

Rédigé par Stephanie Delorme le Vendredi 17 Novembre 2023 à 15:42 | Lu 3828 fois