Ice, séquestration et armes à feu : Procès d'un “boss” de la drogue


Tamatoa T. risque 8 ans de prison ferme dans son procès pour trafic de drogue, séquestration et possession et usage d'arme à feu.
Tahiti, le 6 mai 2024 - Au cœur d'un procès d'envergure, qui mêle trafic de drogue, séquestration et armes à feu, le dénommé Siki, un “boss” du trafic d'ice et de paka comparaissait lundi devant le tribunal correctionnel de Papeete avec plusieurs de ses complices.
 
Tout est parti d'une querelle masculine, une histoire de rivalité amoureuse. Tamatoa T., 41 ans et président d'un club de va'a de Punaauia, a comparu ce lundi devant le tribunal correctionnel de Papeete pour trafic de méthamphétamines, séquestration, détention et usage d'arme à feu.
Accompagné de plusieurs complices, huit hommes et une femme, le prévenu, qualifié de “boss” du trafic de drogue local par le procureur de la République, Yann Haussner, faisait régner la terreur dans ses rangs. Il est déjà derrière les barreaux depuis deux ans pour une autre affaire de trafic de stupéfiants.
 
Vêtu d'un tee-shirt noir, les bras croisés et le visage fermé, le prévenu, mieux connu dans la rue sous le nom de Siki, ne s'attendait certainement pas à comparaître à nouveau devant le tribunal pour une affaire de rivalité amoureuse, qui aura finalement conduit à la chute de son “empire”. L'enquête, déclenchée suite à une bagarre impliquant une trentaine de personnes entre deux réseaux de trafic de drogue locaux dans l'enceinte de la résidence Royal Palms à Punaauia en 2018, n'aurait pas pu être mise au jour sans cet affrontement. Son affaire été évaluée à “plusieurs centaines de millions de francs”.
 
Un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue

Ce règlement de comptes découle de l'enlèvement et de la séquestration pendant plusieurs heures d'un autre trafiquant bien connu des services de police. Tamatoa T. était en effet jaloux que ce dernier s'intéresse de trop près à sa concubine de l'époque. Il a donc lancé une chasse à l'homme et capturé son rival, le frappant par la suite à de multiples reprises et le menaçant même avec une arme à feu, entouré de plusieurs de ses complices. Relâché après des heures de tortures, la confrontation entre les deux bandes était inévitable, ce qui a entraîné donc la bagarre au Royal Palms. Les gendarmes, intervenant rapidement sur les lieux de la bagarre, ont découvert dans la voiture de Tamatoa T. près de 5,5 millions de francs (dont quatre mille dollars américains) ainsi que 48 g d'ice sous la banquette passager de sa Chevrolet. “C'est l'argent que j'ai économisé grâce à mon travail de restaurateur de va'a notamment”, a-t-il affirmé à la barre lorsque le président du tribunal lui a demandé l'origine de ces fonds. “Je n'ai pas confiance dans les banques.” Concernant l'ice, il s'agissait simplement d'un sachet que son acolyte aurait ramassé pendant la bagarre et gardé pour sa “consommation personnelle”, a-t-il également précisé.
 
Les enquêteurs n'ont cependant pas tardé à établir un lien entre la drogue retrouvée dans la voiture de Siki et l'arrestation quelques mois plus tôt en Californie d'un de ses bras droits, surpris en possession de 460 grammes de méthamphétamine destinés au Fenua. Ce complice a également comparu ce lundi pour trafic d’ice, après avoir déjà passé plus de 4 ans derrière les barreaux aux États-Unis. Plus tard, l'enquête a mis à mal “l'empire” de Siki, qui aura tout essayé pour ne pas plonger, en tentant de détourner les soupçons vers l'un de ses hommes de main pour lui faire porter le chapeau.
 
“Il nous avait prévenus que s'il nous trahissait, il nous mettrait une balle dans la tête”
 
Ce qui est ressorti de l'audience de ce lundi, c'est la peur que Siki inspirait à ses anciens collaborateurs : “Il nous avait prévenu que s’il il nous trahissait, il nous mettrait une balle dans la tête” ; “Même à Tatutu il me menace” ; “S'il entend ce que je dis au tribunal je suis foutu”, témoignent pêle-mêle, plusieurs mis en cause devant les enquêteurs et le juge d'instruction. Mais en face de leur ancien boss, tous sont revenus sur leurs propos à la barre. L'un d'eux, assis à côté de Siki a répété haut et fort avoir “menti dans ses déclarations”. Un autre a même accusé la justice d'avoir exercé des pressions pour le contraindre à “dire des choses fausses” alors qu'il était dans un “état psychologique fragile”. “Ce qu'ils disent est exagéré. Il n'y a jamais eu de représailles. Ils essaient simplement de me faire porter le chapeau”, s'est défendu Tamatoa T.
 
Quant aux accusations portées contre Siki, ce dernier les nie catégoriquement : la séquestration, le trafic et même la possession d'armes à feu, un pistolet et une carabine à plomb, pourtant retrouvés chez lui. “Je ne suis pas un boss”, a-t-il d'ailleurs démenti.
 
Le procureur, qui ne l'a pas entendu de la même oreille, a requis une lourde peine de 8 ans de prison, ainsi que la confiscation des biens du prévenu et des biens saisis. Pour les complices de Siki, les peines requises varient de 6 mois avec sursis à 5 ans fermes, avec mandat de dépôt, en fonction de leur implication dans l'affaire. Le tribunal rendra son jugement ce mardi dans la journée.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 6 Mai 2024 à 20:31 | Lu 6265 fois