Tahiti, le 30 novembre 2024 - Alors que le Tahiti Tattoo Fest 2024 bat son plein, les tatoueurs hommes, torses nus et couverts de tatouages, dominent la scène. Mais dans un coin de la salle, Heipuanui, fait figure d'exception. À 34 ans, cette tatoueuse se distingue par son attachement au "style tahitien", un art qu'elle explique être méconnu et peu documenté. En marge de l’effervescence, elle s’est confiée, pour Tahiti Infos, sur son approche du tatouage, son parcours et ses inspirations. Interview.
"Parmi tous les artistes présents à cette convention, ton style de tatouage semble se démarquer par son identité unique et singulière. Comment définirais-tu ton style ?
Je ne pratique pas le Patutiki, qui est le tatouage marquisien, même si je peux en faire occasionnellement, selon la demande de certains clients. Mon style, c’est le tatouage tahitien, et j’y suis très attachée. Aujourd’hui, par exemple, j’ai passé la journée à tatouer ma sœur, et j’ai utilisé exclusivement des motifs tahitiens. Ces motifs me touchent profondément et j’ai plus de feeling avec ce style, car il est rare et spécifique à certaines îles de la Société, comme Tahiti, Raiatea ou Maupiti. Ce sont des motifs peu connus, mais ils ont une force symbolique incroyable.
Peux-tu nous expliquer en quoi il se distingue des autres styles, notamment par son esthétique et son symbolisme ?
Le style tahitien est à la fois simple et profondément spirituel. C'est une philosophie, une façon de penser. Il puise son inspiration dans les croyances ancestrales et s’articule autour de la nature, de la mer et de la médecine traditionnelle. On y retrouve beaucoup de représentations de plantes, de montagnes et d’astres. Par exemple, dans le tatouage que j’ai réalisé aujourd’hui, j’ai inclus plusieurs étoiles pour symboliser la période d’abondance maritime. Contrairement au Patutiki, qui est souvent centré sur des représentations divines, le tatouage tahitien se concentre sur des éléments précis et concrets qui reflètent les croyances et le mode de vie de nos ancêtres.
Tu mentionnes que le style tahitien est peu connu, voire méconnu, même au sein des îles polynésiennes. Pourquoi penses-tu qu’il n’a pas bénéficié de la même reconnaissance ou transmission que d’autres formes de tatouage ?
C’est une bonne question, je ne sais pas trop. Peut-être que les explorateurs ou les premiers auteurs à documenter le tatouage polynésien ont jugé ce style moins intéressant ou moins spectaculaire qu’un autre. Les sources historiques sur le style tahitien sont vraiment rares. Lorsque j’étais au Centre des métiers d'arts, où j'ai été formée, c'est Tavana Salmon (une figure emblématique du tatouage polynésien, ndlr) qui nous avait prêté quelques documents pour approfondir nos connaissances, mais il y a très peu de matériel à disposition et de référencement. Mais après tout, ce manque de documentation contribue à préserver son authenticité.
Ta formation initiale au Centre des Métiers d’Art semble avoir marqué un tournant dans ta vie artistique. Est-ce que tu avais déjà l’ambition de devenir tatoueuse en intégrant cet établissement ?
Pas du tout ! À l’époque, je n’étais absolument pas dans cet univers. Mon arrivée dans le tatouage s’est faite complètement par hasard. Au CMA, j’ai eu l’occasion de toucher à plusieurs disciplines : la peinture, la sculpture, et finalement le tatouage. C’est là que j’ai découvert que j'aimais beaucoup ça. Mais c’est drôle, car en y repensant, je me souviens qu’à l’adolescence, avec ma sœur, on s’amusait à se tatouer avec de l’encre de Chine et des aiguilles. On avait quatorze ans, et c’étaient des conneries à l'époque, mais peut-être que ça annonçait déjà quelque chose.
"Parmi tous les artistes présents à cette convention, ton style de tatouage semble se démarquer par son identité unique et singulière. Comment définirais-tu ton style ?
Je ne pratique pas le Patutiki, qui est le tatouage marquisien, même si je peux en faire occasionnellement, selon la demande de certains clients. Mon style, c’est le tatouage tahitien, et j’y suis très attachée. Aujourd’hui, par exemple, j’ai passé la journée à tatouer ma sœur, et j’ai utilisé exclusivement des motifs tahitiens. Ces motifs me touchent profondément et j’ai plus de feeling avec ce style, car il est rare et spécifique à certaines îles de la Société, comme Tahiti, Raiatea ou Maupiti. Ce sont des motifs peu connus, mais ils ont une force symbolique incroyable.
Peux-tu nous expliquer en quoi il se distingue des autres styles, notamment par son esthétique et son symbolisme ?
Le style tahitien est à la fois simple et profondément spirituel. C'est une philosophie, une façon de penser. Il puise son inspiration dans les croyances ancestrales et s’articule autour de la nature, de la mer et de la médecine traditionnelle. On y retrouve beaucoup de représentations de plantes, de montagnes et d’astres. Par exemple, dans le tatouage que j’ai réalisé aujourd’hui, j’ai inclus plusieurs étoiles pour symboliser la période d’abondance maritime. Contrairement au Patutiki, qui est souvent centré sur des représentations divines, le tatouage tahitien se concentre sur des éléments précis et concrets qui reflètent les croyances et le mode de vie de nos ancêtres.
Tu mentionnes que le style tahitien est peu connu, voire méconnu, même au sein des îles polynésiennes. Pourquoi penses-tu qu’il n’a pas bénéficié de la même reconnaissance ou transmission que d’autres formes de tatouage ?
C’est une bonne question, je ne sais pas trop. Peut-être que les explorateurs ou les premiers auteurs à documenter le tatouage polynésien ont jugé ce style moins intéressant ou moins spectaculaire qu’un autre. Les sources historiques sur le style tahitien sont vraiment rares. Lorsque j’étais au Centre des métiers d'arts, où j'ai été formée, c'est Tavana Salmon (une figure emblématique du tatouage polynésien, ndlr) qui nous avait prêté quelques documents pour approfondir nos connaissances, mais il y a très peu de matériel à disposition et de référencement. Mais après tout, ce manque de documentation contribue à préserver son authenticité.
Ta formation initiale au Centre des Métiers d’Art semble avoir marqué un tournant dans ta vie artistique. Est-ce que tu avais déjà l’ambition de devenir tatoueuse en intégrant cet établissement ?
Pas du tout ! À l’époque, je n’étais absolument pas dans cet univers. Mon arrivée dans le tatouage s’est faite complètement par hasard. Au CMA, j’ai eu l’occasion de toucher à plusieurs disciplines : la peinture, la sculpture, et finalement le tatouage. C’est là que j’ai découvert que j'aimais beaucoup ça. Mais c’est drôle, car en y repensant, je me souviens qu’à l’adolescence, avec ma sœur, on s’amusait à se tatouer avec de l’encre de Chine et des aiguilles. On avait quatorze ans, et c’étaient des conneries à l'époque, mais peut-être que ça annonçait déjà quelque chose.
Après cette découverte au CMA, tu as certainement eu besoin de te perfectionner auprès d’autres artistes. Où et comment as-tu poursuivi ta formation dans le tatouage ?
Pendant mes études au CMA, j’ai fait plusieurs stages pour me former : d’abord chez Efraima Tattoo, puis chez Tattoo by Patu. Ensuite, après avoir obtenu mon diplôme, j’ai eu la chance d’intégrer le studio de Patu. C’était lui qui m’a formée. Patu est un excellent mentor et une bonne école, et beaucoup d’artistes sont passés par son atelier. J’ai énormément appris avec lui.
Avec le temps, ton style et ta vision du tatouage ont certainement évolué. Comment perçois-tu cette évolution et quels sont les défis que cela implique ?
J’espère évoluer dans la bonne direction ! (rires) Avec le temps, on gagne en précision, en technique, et en confiance. Mais le métier impose de rester constamment à jour, car la nouvelle génération arrive avec des idées fraîches et des outils qu’on n’avait pas avant, notamment grâce à Internet. Et les jeunes, ils sont vraiment très forts. C’est un défi permanent de continuer à apprendre et à se renouveler.
Participer à une convention comme celle-ci, où tu es entourée d’artistes talentueux, est forcément une expérience particulière. Qu’apporte ce type d’événement à ton quotidien de tatoueuse ?
Les conventions, ça permet de se challenger et de se faire connaître. Il y a énormément de visiteurs, qu’ils soient passionnés ou simplement curieux, et cela offre une visibilité incroyable. Participer, c’est également un moyen de montrer son travail, de gagner en notoriété et de rencontrer d’autres artistes. Après une convention, il y a toujours des retombées positives, surtout si on remporte un prix. Avec les réseaux sociaux, tout va très vite aujourd’hui, et une convention peut vraiment booster ta clientèle.
Enfin, j’ai remarqué qu’il y avait peu de femmes tatoueuses pendant cette convention, et tu es la seule Polynésienne. Penses-tu que le tatouage reste un domaine dominé par les hommes, ou y a-t-il d’autres raisons à ce manque de représentation féminine ici ?
C’est vrai qu’ici, sur cette convention, il y a peu de femmes tatoueuses. Mais attention, il y a beaucoup de tatoueuses polynésiennes vraiment très talentueuses. Certaines sont même incroyables. Cependant, beaucoup d’entre elles ont choisi de s’installer en France. Je ne sais pas pourquoi. Cela dit, on ne peut pas vraiment dire que ce milieu est plus masculin que féminin."
Pendant mes études au CMA, j’ai fait plusieurs stages pour me former : d’abord chez Efraima Tattoo, puis chez Tattoo by Patu. Ensuite, après avoir obtenu mon diplôme, j’ai eu la chance d’intégrer le studio de Patu. C’était lui qui m’a formée. Patu est un excellent mentor et une bonne école, et beaucoup d’artistes sont passés par son atelier. J’ai énormément appris avec lui.
Avec le temps, ton style et ta vision du tatouage ont certainement évolué. Comment perçois-tu cette évolution et quels sont les défis que cela implique ?
J’espère évoluer dans la bonne direction ! (rires) Avec le temps, on gagne en précision, en technique, et en confiance. Mais le métier impose de rester constamment à jour, car la nouvelle génération arrive avec des idées fraîches et des outils qu’on n’avait pas avant, notamment grâce à Internet. Et les jeunes, ils sont vraiment très forts. C’est un défi permanent de continuer à apprendre et à se renouveler.
Participer à une convention comme celle-ci, où tu es entourée d’artistes talentueux, est forcément une expérience particulière. Qu’apporte ce type d’événement à ton quotidien de tatoueuse ?
Les conventions, ça permet de se challenger et de se faire connaître. Il y a énormément de visiteurs, qu’ils soient passionnés ou simplement curieux, et cela offre une visibilité incroyable. Participer, c’est également un moyen de montrer son travail, de gagner en notoriété et de rencontrer d’autres artistes. Après une convention, il y a toujours des retombées positives, surtout si on remporte un prix. Avec les réseaux sociaux, tout va très vite aujourd’hui, et une convention peut vraiment booster ta clientèle.
Enfin, j’ai remarqué qu’il y avait peu de femmes tatoueuses pendant cette convention, et tu es la seule Polynésienne. Penses-tu que le tatouage reste un domaine dominé par les hommes, ou y a-t-il d’autres raisons à ce manque de représentation féminine ici ?
C’est vrai qu’ici, sur cette convention, il y a peu de femmes tatoueuses. Mais attention, il y a beaucoup de tatoueuses polynésiennes vraiment très talentueuses. Certaines sont même incroyables. Cependant, beaucoup d’entre elles ont choisi de s’installer en France. Je ne sais pas pourquoi. Cela dit, on ne peut pas vraiment dire que ce milieu est plus masculin que féminin."