Heikura Nui rend hommage à son chef Iriti Hoto


"Te tāivara'a" ou l'abandon, tel sera le thème de Heikura Nui.
PAPEETE, le 11 juillet 2018 - Pour sa participation cette année au Heiva i Tahiti, le groupe Heikura Nui mettra en valeur son mentor, Iriti Hoto, avec son thème te tāivara'a (l'abandon). Pour développer cette idée, l'auteur a choisi de tourner autour de la disparition du fils du chef de groupe.

"J'ai dû mettre un sous-thème pour raconter une histoire et le sous-thème est "Te tama e te ra'i e te fenua"", raconte Yesta Heuea, auteur du groupe Heikura Nui.

Cette année, la troupe de Iriti Hoto a décidé de rendre hommage à son mentor et à la perte de son fils, en misant sur un thème bien spécial : te tāivara'a (l'abandon), "mais d'une façon violente". "C'est à cause de cette perte, qu'il s'est détourné de Dieu. C'est la douleur et la souffrance", précise Yesta Heuea.

DESCRIPTION DU SPECTACLE

L'auteur a donc travaillé sur quatre parties bien distinctes : "l'enfant, le jeune, l'adulte et aujourd'hui".

"La partie "enfant", c'est l'entrée avec les salutations et l'enfant, où il y a un éloge solennel de son fils qui lui dit : ne t'inquiètes pas, tu connaitras des choses comme la souffrance, mais l'amour aussi. Mais fais confiance à ton Père. Ensuite, il lui dit : je te laisse partir - parce qu'il est décédé - et tu peux embrasser la vie à pleine dent"

"Le jeune", c'est là où il y aura le pā'ō'ā et le hivināu. C'est la drague, la joie, la fête… Après la partie "adulte", c'est là, où il exprime son tāiva. Donc, les choses vont être sombres, douloureuses, violentes… Il y aura le 'ōte'a et un 'aparima qui s'intitule "tei hea rā 'oe ?" (Où étais-tu ?). Ensuite, tu as le Mā'ohi Nui, c'est le Seigneur qui parle à ce moment-là. Je t'ai donné la terre et avec ton tāiva, tu ne sentais même pas les gouttes de pluie sur toi, tu ne voyais même pas les merveilles que j'ai créé pour toi. Qu'as-tu fait ? La nature a été polluée. J'ai donc nettoyé tout cela pour toi. C'est un message pour lui dire : tu as perdu un enfant, mais moi, j'ai perdu plus que cela. Et à la fin, on a la partie du pardon, où il reconnait la force et la puissance du Père Éternel, ensuite, ce sera la joie, la fête…", détaille Yesta Heuea.

Et de poursuivre : "Tous les chants le font pleurer et même les danses. On peut dire que c'est un bouleversement de Heikura Nui, cette année. Même le 'aparima n'a rien à voir avec nos anciens spectacles. C'est un peu faire ressortir la colère qu'il a et que nous avons tous."

Plus de 100 artistes représenteront les cinq tableaux du spectacle.

"LES MŒURS ONT ÉVOLUÉ"

Le mot "tāiva" est traduit aussi par "infidèle, inconstant, déserter ou délaisser", et c'est également l'occasion pour Iriti Hoto de faire un point sur "l'évolution" du Heiva i Tahiti. "Certaines personnes de la Maison de la Culture aiment dire que notre Heiva a évolué et je ne suis pas d'accord."

Pour le chef de la troupe Heikura Nui, c'est la mentalité des gens qui a évolué et non notre tradition. "En 2016, je voyais qu'il y avait des groupes qui faisaient danser leurs filles en montrant leurs fesses avec très peu de "'auti", alors que tu peux trouver toutes les plantes dont tu as besoin pour ton spectacle. Une autre fois, j'avais vu à la télé non plus les fesses, mais la partie intime de certaines danseuses. Mais c'est quoi tout ça ? Il n'y a plus aucun respect dans ce que nos ancêtres nous ont laissés."

"C'est un tāiva de tout, du système, du Heiva… C'est la raison pour laquelle, Iriti en parle. Pour lui, il ne faut pas pervertir notre tradition", rajoute Yesta Heuea.

"Te tāivara'a", un thème que Heikura Nui défendra vendredi soir sur la scène de To'atā, dans la catégorie Hura Tau.


LA PAROLE À

Iriti Hoto
Chef du groupe Heikura Nui

"C'est une richesse qui nous a été laissée par nos ancêtres"


"Le souci est que certains groupes font ce qui se fait ailleurs. Vous savez notre danse, celle que j'ai apprise lorsque je dansais à Fei-Pi, les danseurs allaient devant, derrière, à gauche et à droite. Aujourd'hui, les danseurs font le tour, c'est plus un spectacle pour se faire du business. Ce n'est pas un show pour mettre en valeur notre tradition. Je voudrai dire aussi d'arrêter de danser sur la pointe des pieds, ce n'est pas notre danse. C'est la danse de l'oiseau. C'est ce qu'ils veulent dire, peut-être, par "évolution". À l'époque, les talons restaient au sol. Et puis, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, il faut uniquement des tailles fines, c'est comme si c'était un défilé de mode...
Beaucoup disent que nous sommes vieux jeu, mais non, c'est une richesse qui nous a été laissée par nos ancêtres. Et dans notre spectacle, j'interviens en disant au jury : que pensez-vous de notre spectacle traditionnel qui nous a été laissé par nos ancêtres et qui est une richesse pour l'avenir de notre jeunesse ? Voilà ce que je dirai, parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui respectent ce qui nous a été laissé par nos ancêtres.
"




Heikura Nui a remporté plusieurs prix dans la catégorie "meilleur orchestre". Est-ce que ce sera encore le cas cette année ? Réponse à la soirée de remise des prix, la semaine prochaine.

Dans leur spectacle, Heikura Nui a préparé cinq chants qui ont été écrits par Bill, l'époux de Yesta Heuea.

Rédigé par Corinne Tehetia le Mercredi 11 Juillet 2018 à 13:57 | Lu 518 fois