Harcèlement moral ou sexuel au travail : la Polynésie à la traîne


L'élue tenait une conférence de presse ce mercredi 5 septembre.
Sandra Manutahi Lévy-Agami entend bien faire avancer son projet de loi de Pays sur l’égalité salariale et le harcèlement moral et sexuel au travail. L’élue, représentante de l’assemblée de Polynésie française, avait formulé en mars dernier, une proposition de loi «portant modification du Code du travail afin d'améliorer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en Polynésie française et de lutter contre le harcèlement professionnel». (APF 2328-2012). Mais le texte examiné par le CESC, dans la foulée, avait reçu un avis défavorable au motif que «le texte proposé est trop lacunaire et imparfait, intrinsèquement et d’autant plus quand on le compare au projet de gouvernement». Un projet pourtant ancien (il date de 2009) et qui, de surcroît, n’a jamais été voté par l’assemblée ! Du coup, pour l’heure, le harcèlement est une mention vide du code du travail polynésien (seul applicable sur le territoire), et les salariés qui en sont victimes, ne disposent que du code pénal, pour se défendre. Localement, il existe donc un vide juridique que l’élue cherche à combler.

Depuis, la loi nationale, sur le harcèlement sexuel ou moral dans le cadre des relations du travail, a évolué
. Un nouveau texte a été publié le 6 août dernier. Il donne une définition plus précise du harcèlement, et étend les dispositions de la loi, y compris aux stagiaires et aux personnes en formation dans l’entreprise. C’est dans ce contexte d’adaptation du droit du travail national à la Polynésie française, compétente en matière de droit du travail, que Sandra Manutahi Lévy-Agami déclare maintenir son texte de mars dernier «dans le circuit législatif de l’assemblée». Elle y ajoute néanmoins trois amendements pour coller le plus possible au nouveau droit national, afin de garantir une harmonisation des textes, une identique protection des victimes et surtout l’utilisation d’une jurisprudence, s’appuyant sur des textes et des définitions communes.

La proposition de loi de Pays sera présentée, lundi prochain (le 10 septembre), en commission intérieure de l’emploi de l’assemblée de Polynésie française. Quelle qu’en soit l’issue, l’acceptation ou le rejet par les neuf élus de la commission, ce texte devra ensuite être présenté en séance plénière. Quand ? Tout dépend de la conférence des présidents de groupes qui valide les textes qui seront proposés à l’approbation des élus… Afin que cette proposition de loi ne soit pas oubliée, Sandra Manutahi Lévy-Agami va «faire rapidement le tour des présidents de groupe» pour les alerter sur l’importance de ce texte et son actualité.

Lire le communiqué de l'AJPF sur La loi relative au harcèlement sexuel en Polynésie français

Il n’y a pas de données chiffrées en Polynésie

Le harcèlement moral et/ou sexuel serait-il inexistant en Polynésie française ? De fait, le code du travail de Polynésie mentionne pour le harcèlement : «Le présent titre ne comprend pas de dispositions relevant de la loi du pays».
Seule l’inégalité salariale entre hommes et femmes est sanctionnée : " le fait de prendre en considération du sexe toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 363 600 Fcfp». Pour autant, il n’existe aucune donnée chiffrée sur les inégalités professionnelles entre les deux sexes. A ce titre, la loi de Pays proposée par Sandra Manutahi Lévy-Agami pourrait être un point d’étape afin que les entreprises, dès qu’elles atteignent le seuil de 11 salariés, soient dans l’obligation de publier un rapport complet de l’évolution professionnelle de leurs effectifs (rémunération, carrière et formation), comme cela existe pour les entreprises de plus de 50 salariés. En ce qui concerne le harcèlement moral ou sexuel, il suffirait de mentionner dans ce rapport annuel, si des plaintes pour ces motifs ont eu lieu. «Le but n’est pas d’alourdir les bilans annuels des entreprises, mais de donner au gouvernement des données chiffrées» précise Sandra Manutahi Lévy-Agami.


Et le PACS c’est pour bientôt ?

Dans la foulée de cette proposition de loi de Pays sur le droit du travail, Sandra Manutahi Lévy-Agami aimerait bien avancer également sur une application locale du PACS. «Le statut d’autonomie est une chance pour la Polynésie française, mais cela peut être parfois un handicap sur le droit humain et du citoyen. Si le pays a compétence sur un domaine, c’est au législateur d’ici ou au gouvernement local d’être actif. Sinon, les Polynésiens peuvent être désavantagés par rapport à la métropole. Ainsi, le PACS aujourd’hui, c’est possible de le faire passer. J’ai bon espoir d’aboutir avant la fin de mon mandat, en février 2013.
Le PACS est un moyen de protéger le couple. Nous avons beaucoup de situations de concubinage en Polynésie et rien ne protège actuellement ces couples. Il n’y a rien de plus protecteur que le mariage, mais le PACS est déjà une étape : il s’agit d’un contrat passé devant le tribunal qui organise la vie du couple sur le plan financier par exemple et la gestion commune de biens immobiliers par exemple. En cas de séparation dans le couple, ce contrat est utile pour une répartition équitable des biens entre les deux parties. Enfin, je voudrais dire aux collègues élus homophobes qui refusent le PACS en Polynésie, qu’en métropole 97% des PACS signés, le sont entre des personnes hétérosexuelle
s». Sandra Manutahi Lévy-Agami a affirmé qu’elle déposerait donc bientôt un texte sur une application du PACS en Polynésie.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 5 Septembre 2012 à 12:32 | Lu 2282 fois