Hao : l'espoir et les inquiétudes du projet de la ferme aquacole


Le coupé de ruban avec Cheng Wang, le Pd-g de Tahiti Nui Ocean Foods, Edouard Fritch le président du Pays et Théodore Tuahine, le tavana de Hao.
HAO, le 6 mai 2015. La cérémonie d'inauguration de Tahiti Nui Ocean Foods a réuni ce mercredi à Hao une grande partie du gouvernement auprès des investisseurs chinois du groupe Tian Rui International Investments. La population, elle, reste très partagée sur la perspective de cette gigantesque implantation.

C'est révélateur. On a inauguré ce mercredi le projet de ferme aquacole. Une monumentale pierre est dorénavant posée à l'entrée du site et décorée au logo de Tahiti Nui Ocean Foods : deux poissons, l'un rouge, l'autre bleu, formant le symbole du Ying et du Yang. Mais cette roche de 15 tonnes n’est venue qu’inaugurer le projet de ferme aquacole, car pour l'instant, il ne s’agit encore que d'un projet.

Pour l'heure, le permis de construire est toujours à l'instruction. Au mieux, il pourrait être délivré pour la fin du mois de juin. D'ici là, il y a encore de nombreux points à régler. Le Pays a fait admettre aux investisseurs qu'il ne pouvait y avoir de remblais possibles car "la population n'en veut pas". Aussi ce projet se fera-t-il uniquement sur les 35 hectares alloués par la Polynésie française. Ni plus ni moins. Par ailleurs, les promoteurs de ce projet aquacole sont tenus de respecter les normes du Plan de prévention des risques. Le PPR indique que les constructions doivent être établies à une distance minimale de 30 mètres du bord, côté océan, et 20 mètres côté lagon. Forcément, ça limite un peu les possibilités. Le Pays en revanche s'engage à faire la route de contournement : un investissement qui est évalué à 500 millions Fcfp. Ce sera la seule dépense que concède la Polynésie française dans ce dossier, répète le Président Fritch à l'envi. La convention finale entre le Pays et les investisseurs chinois est toujours à l’étude. D'ici à ce qu’elle soit finalisée, la ferme aquacole de Hao conserve son statut de projet.

Du côté de la population de Hao, la cérémonie de ce mercredi a permis de présenter, pour la première fois, des images du projet. Sur cet atoll de 1066 âmes, posé dans le centre de l’archipel des Tuamotu à 920 km de Tahiti, plusieurs centaines de personnes se sont déplacées pour l’événement. Mais la population reste très dubitative, même si l’espoir est là : "Pour l'emploi ce pourrait être une bonne chose cela pourrait permettre aux jeunes de se fixer dans leur île" souhaite une jeune mère de famille. Mais les interrogations fusent aussi très vite en ce qui concerne la protection du lagon, les zones de pêche qui resteraient ouvertes pour la population locale, les risques de pollution... Théodore Tuahine, le tavana, est beaucoup plus enthousiaste. A l'adresse du P-dg de Tahiti Nui Ocean Foods il lance dans son discours : "je ne me lasserai jamais de vous le dire, l'atoll de Hao c'est un petit bout de la Chine. Ici vous êtes chez vous".
Le président Fritch est plus mesuré : "la dimension du projet peut effectivement créer un peu d'inquiétude. Si j'habitais à Hao, je serais inquiet mais il faut faire confiance aux investisseurs" même s'il reconnaît les lacunes du projet. Pour l'écloserie la technique est maîtrisée. "Pour l'élevage en pleine mer on manque encore d'informations" note-t-il, cependant.

Les investisseurs chinois veulent néanmoins avancer vite. Cheng Wang le P-dg estime que les exportations de poissons "made in Hao" pourraient démarrer 18 mois après le début d'exploitation. Avant cela il y aura la phase de construction des installations entre 18 et 30 mois au moins après l'obtention du permis de construire. "En Chine tout serait fait en un an" plaisante-t-il , mais ici tout prend plus de temps "il y a beaucoup de défis à surmonter ici sur les transports maritimes". Tahiti Nui océan Foods se fixe 20 000 tonnes par an comme premier objectif, puis 50 000 tonnes et même à terme 100 000 tonnes en plein exercice en ouvrant d'autres fermes aquacoles dans d'autres lagons. Amanu est sur les rangs et Makemo serait de nouveau en course.

Théodore Tuahine, le tavana de Hao
"Il faudra prendre les emplois qu'il y a"

Dans une île désertée depuis le départ des militaires et des anciennes installations du CEP, tout est bon à prendre. Ou presque. Pour Théodore Tuahine, tavana de Hao, ce qui compte avant tout avec ce projet de ferme aquacole sur sa commune, c'est l'emploi. Sur une population de 1 066 habitants, la municipalité a recensé 233 demandeurs d'emploi dont une soixantaine de bacheliers. "Depuis 15 ans, la population de Hao ne vit que de la culture du coprah et d'emplois précaires, CPIA (Convention pour l’insertion par l’activité) avant, CAE (contrat d'accès à l'emploi) aujourd'hui. Ce projet est un nouveau souffle", développe le jeune tavana élu depuis un an.

Durant la phase construction des installations, 450 à 500 personnes vont travailler sur l'atoll durant près de trois ans. Il espère avoir un maximum de recrues locales. Mais il vise surtout la phase trois d'exploitation de la ferme aquacole, car ce seront là des emplois pérennes. "Pour avoir une concession maritime, il faut être résident, donc les aquaculteurs seront d'ici". Théodore Tuahine espère que les habitants de Hao pourront se former à ces nouveaux métiers durant les trois ans de constructions des structures. "On parle de 250 personnes sur terre à la transformation et de 200 aquaculteurs, mais je dis aussi qu'on ne peut pas se payer le luxe de choisir l'emploi que l'on veut. Il faudra prendre ce qu'il y a".

Une vue des installations prévues sur le site de la ferme aquacole de Hao, situé à l'arrière de l'aéroport de l'atoll.
90 ANS MAXIMUM

Les 35 hectares sont mis à disposition pour 30 ans par le Pays sous la forme d 'une concession renouvelable deux fois pour un total de90 ans maximum.
L'investissement prévu au total est de 1,5 milliard de dollars.
Les espèces : mérous, crevettes bleues, coquillages, concombres de mer, algues et autres.

La population de Hao est venue découvrir les plans de la ferme aquacole ce mercredi lors de la cérémonie d'inauguration de Tahiti Nui Ocean Foods.
La ferme aquacole de Hao

Depuis 2012, les différents gouvernements polynésiens ont beaucoup fait, quel que soit leur bord politique, pour faire aboutir le projet. D’abord à Hao, puis à Makemo, puis de nouveau à Hao, ce projet doit s’implanter sur une emprise de 24 hectares de terres domaniales. À terme ce seront 32 hectares qui seront consacrés à cette nouvelle industrie aquacole. Pour y arriver, l'armée continue son œuvre de réhabilitation des anciennes installations militaires et le pays doit réaliser des travaux d'aménagement, en particulier une route de contournement pour permettre à la population d'accéder à la passe sans traverser le complexe.
À terme, cette activité aquacole table sur l'exportation annuelle de 50 000 tonnes de poissons à forte valeur ajoutée vers le marché chinois, et c'est en particulier deux espèces de mérous (voir encadré) et le napoléon qui sont évoqués. Leurs chairs sont très recherchées en Chine continentale comme à Hong Kong, Macao, et jusqu'à Taiwan et au Japon.

L'élevage intensif du poisson n'est pas anodin pour les écosystèmes : la concentration des individus a pu favoriser les épidémies, appauvrir la biodiversité et endommager les fonds marins à cause des déjections des élevages. L'utilisation intensive d'antibiotiques dans les années 90 a eu un effet désastreux sur le développement de maladies résistantes. Mais des solutions ont été trouvées un peu partout dans le monde pour limiter ces effets… À condition d'avoir des installations et des méthodes de production dans les règles de l'art.

La première pierre monumentale de Tahiti Nui Ocean Foods, un bloc de 15 tonnes transporté spécialement par bateau de la Punaruu jusque sur l'atoll de Hao. Elle porte désormais le logo de la société. C'est le premier symbole visible à Hao de ce projet pour lequel les discussions ont démarré il y a trois ans.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 6 Mai 2015 à 19:43 | Lu 3250 fois