Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins.
Pointe-à-Pitre, France | AFP | mardi 18/01/2021 - Une enquête a été ouverte en Guadeloupe visant un journaliste pour des faits présumés de corruption, une affaire révélatrice des relations ambiguës entre politiques et médias dans l'île.
Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, a confirmé à l'AFP l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "corruption passive et active" impliquant un reporter de la chaîne publique Guadeloupe La 1ere.
Dans une lettre adressée au procureur, l'élu Francillone Jacoby-Koaly (sans étiquette), opposant au maire de la commune des Abymes, accuse Claude Danican, un journaliste politique de la chaîne appartenant au groupe France TV, de bénéficier de "subventions et (...) d'autres avantages matériels (...), au détriment d'un traitement équitable de l'information".
L'élu fustige dans son courrier le versement de financements votés en conseil municipal à des associations culturelles que le journaliste préside, en échange de "don de parole au maire et à ses soutiens politiques, leur faisant la part belle dans le traitement de l'information".
Le journaliste, qui se refuse à tout commentaire, a été soumis à une "suspension conservatoire" du traitement de l'actualité politique, en attendant que "la lumière soit faite sur ces faits présumés", selon la directrice exécutive du Pôle Outre-mer chez France TV, Sylvie Gengoul.
Pour l'heure, c'est évidemment "la présomption d'innocence qui prévaut", rappellent fermement syndicats et direction - le syndicat professionnel SNJ allant jusqu'à dénoncer "ce qui s'apparente à du cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux" envers le journaliste.
Casse tête déontologique
Depuis plusieurs jours, cette histoire secoue discrètement la sphère médiatique locale, qui abrite une dizaine de journalistes ouvertement engagés en politique ou l'ayant été, comme soutien ou comme tête de liste électorale.
"Nous sommes très attachés, en tant que service public, à l'indépendance de l'information", assure Sylvie Gengoul. "Tous nos journalistes signent une charte d'éthique, nous avons une commission de déontologie et un comité d'éthique qui se réunit tous les six mois. Nous appliquons une tolérance zéro aux manquements".
A France TV, les journalistes candidats aux élections sont privés d'antenne, temporairement.
"Les journalistes très politisés sont retirés des émissions politiques mais aussi des ondes à l'approche d'échéances électorales", rappelle aussi Alexandra Elizé, directrice générale de Radio Caraïbes International. Elle ajoute: "Les journalistes engagés ouvertement sont plus scrutés que les autres, et ils le savent".
L'activité n'est pourtant pas interdite par les chartes de déontologie des journalistes de Munich (novembre 1971) et du Syndicat national des Journalistes notamment, qui font référence en la matière: les journalistes sont des citoyens comme les autres et ont tout à fait le droit d'avoir une opinion et une activité politique en parallèle de leur profession.
"Ce qui est interdit, c'est le conflit d'intérêt"
"Ce qui est interdit, c'est le conflit d'intérêt", rappelle Patrick Eveno, président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) créé fin 2019. "Si un journaliste exerce sa profession et en même temps fait de la communication ou écrit en sous-main pour des élus, anime des conférences de collectivité ou fait des +ménages+, comme on dit dans la profession, cela peut représenter un problème déontologique", explique-t-il. "Mais dans ce cas, cela se gère au cas par cas".
Ce sont des "situations plus ambiguës sur lesquelles nous statuons en effet au cas par cas", précise Sylvie Gengoul, pour qui "il est quasi impossible de passer entre les mailles du filet". Même son de cloche chez RCI, où l'on précise que "l'engagement politique n'est pas un tabou".
"Cette proximité se retrouve aussi dans de nombreux territoires ultramarins, et nos voisins caribéens ne sont pas en reste", ajoute Fred Reno, professeur de sciences politiques à l'université des Antilles: "Les pays sont petits, les relations interpersonnelles très fortes. Ces deux ingrédients expliquent parfois la difficulté à ne pas céder à la tentation".
"Ce qui se joue souvent dans les territoires d'outre-mer et dans nos stations, c'est la question d'une certaine exigüité des lieux, du personnel politique, où tout le monde se connait", explique Didier Givaudan, délégué syndical du SNJ au siège du réseau outre-mer à Paris. Cela arrive également dans l'Hexagone, en région, mais là, c'est "de manière exacerbée", ajoute-t-il.
Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, a confirmé à l'AFP l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "corruption passive et active" impliquant un reporter de la chaîne publique Guadeloupe La 1ere.
Dans une lettre adressée au procureur, l'élu Francillone Jacoby-Koaly (sans étiquette), opposant au maire de la commune des Abymes, accuse Claude Danican, un journaliste politique de la chaîne appartenant au groupe France TV, de bénéficier de "subventions et (...) d'autres avantages matériels (...), au détriment d'un traitement équitable de l'information".
L'élu fustige dans son courrier le versement de financements votés en conseil municipal à des associations culturelles que le journaliste préside, en échange de "don de parole au maire et à ses soutiens politiques, leur faisant la part belle dans le traitement de l'information".
Le journaliste, qui se refuse à tout commentaire, a été soumis à une "suspension conservatoire" du traitement de l'actualité politique, en attendant que "la lumière soit faite sur ces faits présumés", selon la directrice exécutive du Pôle Outre-mer chez France TV, Sylvie Gengoul.
Pour l'heure, c'est évidemment "la présomption d'innocence qui prévaut", rappellent fermement syndicats et direction - le syndicat professionnel SNJ allant jusqu'à dénoncer "ce qui s'apparente à du cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux" envers le journaliste.
Casse tête déontologique
Depuis plusieurs jours, cette histoire secoue discrètement la sphère médiatique locale, qui abrite une dizaine de journalistes ouvertement engagés en politique ou l'ayant été, comme soutien ou comme tête de liste électorale.
"Nous sommes très attachés, en tant que service public, à l'indépendance de l'information", assure Sylvie Gengoul. "Tous nos journalistes signent une charte d'éthique, nous avons une commission de déontologie et un comité d'éthique qui se réunit tous les six mois. Nous appliquons une tolérance zéro aux manquements".
A France TV, les journalistes candidats aux élections sont privés d'antenne, temporairement.
"Les journalistes très politisés sont retirés des émissions politiques mais aussi des ondes à l'approche d'échéances électorales", rappelle aussi Alexandra Elizé, directrice générale de Radio Caraïbes International. Elle ajoute: "Les journalistes engagés ouvertement sont plus scrutés que les autres, et ils le savent".
L'activité n'est pourtant pas interdite par les chartes de déontologie des journalistes de Munich (novembre 1971) et du Syndicat national des Journalistes notamment, qui font référence en la matière: les journalistes sont des citoyens comme les autres et ont tout à fait le droit d'avoir une opinion et une activité politique en parallèle de leur profession.
"Ce qui est interdit, c'est le conflit d'intérêt"
"Ce qui est interdit, c'est le conflit d'intérêt", rappelle Patrick Eveno, président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) créé fin 2019. "Si un journaliste exerce sa profession et en même temps fait de la communication ou écrit en sous-main pour des élus, anime des conférences de collectivité ou fait des +ménages+, comme on dit dans la profession, cela peut représenter un problème déontologique", explique-t-il. "Mais dans ce cas, cela se gère au cas par cas".
Ce sont des "situations plus ambiguës sur lesquelles nous statuons en effet au cas par cas", précise Sylvie Gengoul, pour qui "il est quasi impossible de passer entre les mailles du filet". Même son de cloche chez RCI, où l'on précise que "l'engagement politique n'est pas un tabou".
"Cette proximité se retrouve aussi dans de nombreux territoires ultramarins, et nos voisins caribéens ne sont pas en reste", ajoute Fred Reno, professeur de sciences politiques à l'université des Antilles: "Les pays sont petits, les relations interpersonnelles très fortes. Ces deux ingrédients expliquent parfois la difficulté à ne pas céder à la tentation".
"Ce qui se joue souvent dans les territoires d'outre-mer et dans nos stations, c'est la question d'une certaine exigüité des lieux, du personnel politique, où tout le monde se connait", explique Didier Givaudan, délégué syndical du SNJ au siège du réseau outre-mer à Paris. Cela arrive également dans l'Hexagone, en région, mais là, c'est "de manière exacerbée", ajoute-t-il.