Grève tendue chez Wing Chong


Cette photo fournie par les grévistes montre un camion transportant des poulets surgelés en plein soleil, selon eux une conséquence de l'utilisation de CDD pour contrer la grève. La direction assure qu'elle a plus d'un mois et que le camion n'a que 100 mètres à faire pour livrer ces marchandises.
PAPEETE, le 22 mars 2018 - 35 salariés du grossiste alimentaire Wing Chong sont en grève depuis plus de deux semaines. Leur principale revendication est une revalorisation salariale, mais le mouvement a pris une tournure plus dure en fin de semaine, les accusations volant entre le syndicat et la direction de l'entreprise.

Depuis le 6 mars, une grève affecte le grossiste alimentaire Wing Chong, avec 35 salariés de la production grévistes sur les 82 employés de l'entreprise. "Nous avions déposé un préavis de grève qui incluait les revendications de l'intersyndicale vis-à-vis de la réforme des retraites, et il incluait également des revendications internes. Ce préavis a été signé par toute l'intersyndicale, mais nous gérons les négociations" nous explique Cyril Le Gayic, représentant de la CSIP. La principale demande des salariés est une revalorisation salariale : "vous trouvez normal qu'après 30 ans de carrière, certains sont toujours payés pratiquement au SMIC ? Nous voulons juste maintenir le petit avantage des salariés par rapport à la grille salariale de la convention collective que nous avions obtenus en juillet dernier."

Le mouvement s'est durci ce mercredi matin, les grévistes ayant installé une barricade et bloquant les CDD "qui effectuaient des livraisons illégalement, car le code du travail prévoit bien que l'on n'a pas le droit de remplacer les grévistes pendant un conflit." Le syndicat affirme également que la direction s'oppose à toute négociation... Ce qui l'a conduit à nous envoyer plusieurs photos qui montreraient des manquements au droit du travail et aux règles d'hygiène.

La CSIP nous assure que "en voulant contourner la grève et empêcher ce mouvement de réussir ils ont utilisé des CDD et une société filiale de Wing Chong, Transpol, pour remplacer les grévistes et effectuer les livraisons. Mais ils ne pouvaient pas empêcher les représentants du personnel d'entrer pour voir les conditions de travail, et là ils se sont rendu compte qu'un camion-plateau sortait de la marchandise et exposait des produits congelés au soleil, ce qui est interdit. Et en déchargeant des sacs de farine, on a constaté sur le plateau d'un camion la présence de petits ratons tombés des sacs ! On voit que les CDD ne connaissent pas tout ça, et que les anciens sont submergés par la quantité de travail. Nous allons déposer tout ça au service de l'hygiène."

"CE NE SONT QUE DES MENSONGES" ASSURE LA DIRECTION

Cette autre photo est fournie par la direction pour dénoncer les barricades installées par les grévistes pendant la journée de mercredi. Ils voulaient empêcher le travail des CDD non-grévistes, qu'ils accusent de casser la grève.
Nous avons fait réagir la direction de l'entreprise à ces affirmations graves. Elle dénonce des "mensonges" et une tentative de discréditation de l'entreprise : "ce camion qui transporte des poulets surgelés, il a 100 mètres à faire pour livrer sa marchandise, il n'y a vraiment aucun problème ! De toute façon, cette photo a plus d'un mois, ça n'a rien à voir avec la grève. Et cette photo de rats, on ne sait pas où elle a été prise mais c'est impossible que ce soit chez nous. Nous avons un contrat annuel avec une société de contrôle des pestes qui traite tous les mois. Ici vous pouvez manger par terre ! Ça peut être n'importe qui qui a pris cette photo chez lui, c'est de la diffamation pure et simple !" Nous avons pu voir les factures de la société de traitement, une par mois.

Les directeurs contestent également être des casseurs de grève. Ainsi le contrat du chauffeur en CDD pris en photo par les grévistes établit qu'il a été embauché en janvier, donc bien avant le dépôt du préavis. La direction assure également que Transpol fait simplement son travail habituel.

Concernant le motif de la grève, la direction est particulièrement vexée par le mouvement. En effet, une précédente grève en juillet dernier avait abouti à un protocole d'accord qui déroulait de nouveaux avantages pour les salariés jusqu'en décembre 2018... "On leur a donné tout ce qu'ils demandaient, avec des augmentations de salaires qui les mettaient entre 0,5% et 6% plus haut que la grille de la convention collective. Ils ont des salaires bien au-dessus des autres sociétés de commerce de Tahiti ! On a même accepté de passer les jours en grève en jours de congés... Et maintenant ils demandent de nouvelles augmentations alors que le protocole d'accord est toujours en cours d'application ! Même si la grille vient d'être revalorisée dans la convention collective, ils sont toujours au-dessus. Je soupçonne que cette grève a des motifs politiques parce que les salariés, eux, n'ont rien à y gagner" conclut le directeur.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 22 Mars 2018 à 17:45 | Lu 5867 fois