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Grève générale imminente


Tahiti, le 11 novembre 2021 – Une intersyndicale XXL composée de neuf organisations prévoit le dépôt d’un préavis de grève générale pour une durée illimitée dès ce mardi. Au nombre des revendications clés : l’augmentation substantielle des salaires dès le 1er janvier, la mise en place d’une caisse chômage, l’abrogation de la loi sur l’obligation vaccinale, le report de la réforme de la gouvernance de la PSG.
 
Un préavis de grève générale cosigné par au moins neuf organisations syndicales pourrait être déposé dès mardi 16 novembre avec une échéance dans la semaine du 26. Pour l’instant, ce mouvement social est soutenu par les organisations syndicales CSTP-Fo, A Tia i Mua, CSIP, Otahi, O Oe to oe Rima, Unsa Fenua, Cosac, la Fédération de la manutention portuaire et le Syndicat des pêcheurs professionnels. Une intersyndicale qui ratisse large dans les secteurs du privé, du public et des indépendants.

Le préavis de grève reste encore à finaliser. Il doit encore intégrer les revendications sectorielles particulières portées par chaque organisation syndicale. Le week-end est laissé à chacune pour préciser ces ultimes points. Une réunion de l’intersyndicale est programmée lundi matin pour finaliser les termes du document. Mais on sait que plusieurs points clés font déjà l’unité dans cette intersyndicale XXL.
Le projet de mouvement social a lentement muri avec la crise Covid. “Ça montait depuis un certain temps”, confirme Cyril Le Gayic, leader syndical à la CSIP. “La mise en place de la loi sur l’obligation vaccinale a accentué la grogne. Le projet de réforme de la gouvernance de la PSG n’arrange rien. Et quand on fait le bilan sur les évolutions salariales, ce n’est pas brillant”, détaille-t-il.
 
Grogne et perte de pouvoir
 
Le virage décisif s’est produit mi-octobre lorsque le syndicat majoritaire CSTP-Fo a pris l’initiative de fédérer pour une menace de grève générale sur fond de contestation populaire forte pour demander l’abrogation de la loi sur l’obligation vaccinale. Tout naturellement, ce point est central dans le projet de préavis. Les syndicats s’indignent des pressions subies par les salariés avec la mise en place de cette règlementation. Dernières actualités obligent, avec les cas Tong Sang et Alpha : ils dénoncent aujourd’hui “l’inégalité” devant la loi causée par ce texte qui établit une “discrimination entre les élus du peuple et le peuple”.

Toujours au fait de l’actualité, un point de revendication demande l’ouverture de discussions sur le projet de loi du Pays réformant le système de gouvernance de la Protection sociale généralisée (PSG). Avant la fusion des trois régimes en un seul avec une gestion des risques par branches en 2023, la PSG doit être administrée dès janvier prochain par une instance unique de 15 membres au lieu des 68 qui la gouvernent actuellement. Une instance que présiderait le ministre en charge de la protection sociale. Le texte prévoit ce faisant de mettre un terme au système paritaire qui laissait jusqu'alors la gestion de la protection sociale généralisée aux seuls syndicats de salariés et patronaux. Mercredi, le Cesec a rendu un avis défavorable à ce projet de texte par 34 voix pour, 8 abstentions et un vote contre. A l'instar des représentants de la société civile, les organisations syndicales jugent prioritaires la prise en charge des dépenses de solidarité et l’identification de sources d’économies dans le système de santé.
 
Augmentation des salaires
 
Pas avare de démagogie, le projet de préavis liste aussi la revalorisation de 5 à 6% des grilles salariales dans les petites catégories (1 à 5) pour les 14 secteurs d’activités de l’économie polynésienne. Une augmentation du Smig identique est demandée parallèlement. Le Salaire minimum inter-professionnel garanti est fixé à 152 914 Fcfp brut pour 169 heures travaillées depuis octobre 2014. “Le pouvoir d’achat n’a pas cessé de diminuer depuis”, justifie Patrick Galenon. “Il est normal que les salariés, notamment les plus défavorisés, aient les moyens de vivre un peu mieux. Il ne faut pas oublier que beaucoup sont en état de précarité aujourd’hui”. A titre de comparaison, le leader syndical brandit un Smic en métropole à 189 671 Fcfp, soit 24% de plus que le minimum local. Le président Fritch s’est engagé à revaloriser cette base salariale dans le courant du premier trimestre 2022. “S’il fait ce qu’il faut, tant mieux. Mais nous n’allons pas attendre jusqu’à là”, cogne le leader syndical. Une revalorisation est exigée dès le 1er janvier.
Difficile à encaisser pour le patronat. Le patron du Medef-Polynésie, Frédéric Dock, s’étonne que la demande de revalorisation catégorielle intervienne alors que des négociations annuelles par branche sont déjà en cours et se déroulent normalement. “Pourquoi un tel coup de force ?” Quant au vice-président de la CPME Maxime Antoine-Michard, le “contexte” n’est pas propice, alors que les entreprises se relèvent à peine de la crise Covid et ignorent encore “l’impact” de la réforme fiscale annoncée par le gouvernement pour 2022. “Il nous faudra trouver un point d’équilibre”. Pas sûr qu’il soit à la hauteur des attentes syndicales.
 
Rapport de force
 
Autre point, la mise en place d’une caisse de chômage. Le principe était déjà évoqué en 2010 par le gouvernement Tong Sang. Une caisse de chômage pour laquelle Nicole Bouteau, alors ministre du Travail, avait assuré en mai 2020 qu’il s’agissait d’un “chantier important” sur lequel “le gouvernement est prêt à engager les travaux avec les partenaires sociaux”. Près d’un an et demi plus tard, lors de la séance budgétaire du 21 octobre dernier, le sénateur Rohfritsch soulignait encore la nécessité de “se mettre autour de la table pour voir si concrètement, oui ou non, on la met en place, et comment on la finance”. Des promesses que l’intersyndicale entend aujourd’hui voir se concrétiser. C’est un des points centraux du préavis de grève en cours de rédaction et la promesse d’une entrée en matière athlétique pour Christelle Lehartel qui hérite du ministère du Travail, après la démission de Nicole Bouteau.
Une menace de grève générale à partir du 26 novembre qui promet de corser les débats sur le budget primitif 2022. Ils doivent se tenir le 2 décembre prochain à Tarahoi et pourraient l’être sur fond de rapport de force musclé en cas de mouvement social.
 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 12 Novembre 2021 à 14:13 | Lu 9986 fois