Grève des médecins : l'hôpital tourne au ralenti


PAPEETE, le 6 novembre 2017 - La grève des praticiens hospitaliers du centre hospitalier de Polynésie française est effective depuis ce lundi matin. Le service minimum est assuré.

"Si nous sommes en grève aujourd'hui, c'est parce qu'ils l'ont programmé." Marc Levy, président du syndicat des praticiens hospitaliers de Polynésie française (SPHPF), désigne par cette phrase les ministères de la Santé (lire la réponse du ministre ci-dessous) et de la Fonction publique. Sa voix tremble de colère. Au sortir de l'assemble générale des praticiens hospitaliers ce lundi matin, les plaintes et les revendications des autres professionnels sont venues alimenter l'ire du médecin. De nombreux services étaient présents. Chaque participant a accroché sur sa blouse blanche, au dessus de son nom, une étiquette noire où des lettres jaunes inscrivent " en grève".

"Nous avons tout essayé pour négocier, mais rien n'a été fait. Il n'y a pas de dialogue social", souffle le président, qui souhaite rencontrer la ministre de la Fonction publique, Tea Frogier. Selon le ministère de la Santé, un peu plus de 40 % des professionnels de santé de l'hôpital du Taaone se déclarent en grève. Le dernier protocole d'accord entre le syndicat et le gouvernement a été signé en 2016. Le SPHPF estime qu'il n'a pas été respecté.

En huit ans, les praticiens hospitaliers ont mené cinq grèves : 2009, 2010, 2011, 2013, 2016. Près de deux semaines après le dépôt du préavis, la grève est effective depuis ce lundi matin. L'hôpital du Taaone tourne au ralenti "comme un dimanche ou un jour férié". Seules les urgences sont assurées.

"NOUS AVONS BESOIN DE SPÉCIALISTES DE HAUT-NIVEAU"

Les praticiens hospitaliers entendent frapper fort pour se faire entendre. "Nous nous orientons vers une grève dure. Nous sommes prêts à faire des actions que nous n'avons jamais fait jusqu'à présent." Les médecins souhaitent la révision de leur statut, devenu obsolète selon eux. Pour le président, ce problème entraîne un manque d'attractivité des postes en Polynésie. Résultat : les personnes compétentes ne viennent pas au fenua. "L'hôpital enregistre 20 000 entrées par an, nous avons besoin de spécialistes de haut-niveau." Christophe Alle, vice-président du SPHPF et chef du service gynécologie ajoute : "Nous arrivons à un système où ce sont des remplacements de un ou deux mois parce que les médecins ne veulent pas rester mais, au niveau de la prise en charge globale des patients, ce n'est pas bénéfique. Il faut des praticiens qui soient là dans la durée pour les prendre en charge correctement."

A cette revendication, s'ajoutent les suivantes : prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge, mise en conformité du texte sur la permanence des soins des hôpitaux de la direction de la santé, discussions sur la réforme du statut et sur l’insuffisance des cotisations de la retraite des praticiens hospitaliers. D'autre part, le syndicat insiste aussi sur le manque de temps et de moyens qu'ils ont pour prendre en charge les patients. "La charge de travail est de plus en plus en plus importante. Nous travaillons en moyenne 60 heures par semaine, parfois 80. C'est de plus en plus difficile", décrit Christophe Alle.

La grève des praticiens hospitaliers est prévue pour une durée illimitée. En fin de journée ce lundi, d'autres médecins pourraient avoir rejoint le mouvement. Les professionnels entendent assurer les urgences. "J'ai annulé une vingtaine de consultations ce matin. Cela les reporte de plusieurs semaines. Malheureusement, nous n'avons pas le choix", estime le vice-président.

Cette grève, qualifiée de dure à plusieurs reprises par les praticiens, pourrait s'inscrire dans la durée. En 2003, la première grève des professionnels avait duré trois mois. Le président du SPHPF réitère sa demande : "Nous voulons un dialogue social qui fasse avancer les choses."

Jacques Raynal a ouvert les négociations

Ce lundi, le ministre de la Santé, Jacques Raynal, a convoqué la presse pour faire un point sur la grève des praticiens hospitaliers. Ce dernier a rappelé la chronologie des événements.

Le 25 octobre dernier, le syndicat des praticiens hospitaliers de Polynésie française (SPHPF) a déposé un préavis de grève avec huit points de revendications. Le 30 octobre, une réunion s'est tenue à l'hôpital entre les représentants du syndicat, la direction de l'hôpital et le ministre de la Santé. La réunion a duré 30 minutes et le SPHPF a demandé à renouer le dialogue avec la ministre de la fonction publique, seule compétente sur la question du statut des praticiens hospitaliers.

Le ministre de la Santé a indiqué avoir proposé plusieurs réunions aux praticiens. "Pour des raisons que j'ignore, ces propositions ont été déclinées", a précisé le ministre de la Santé. Vendredi dernier, le syndicat a finalement demandé à rencontrer le ministre de la Santé, qui n'a pu les rencontrer faute de temps. "Je leur ai écrit pour accuser réception de leur courrier et leur indiquer que je regrettais que la dialogue n'ait pas pu être établi."

Jacques Raynal a par ailleurs précisé que la révision du statut de praticiens hospitaliers faisait partie de la réforme de la protection sociale généralisée sur lequel le gouvernement travaille en ce moment. "Nous avançons au rythme auquel nos priorités nous obligent à avancer." Texte à l'appui, Jacques Raynal a affirmé que le toilettage du statut des fonctionnaires territoriaux, dont font partie les praticiens hospitaliers, serait annoncé parmi les nouvelles dispositions.

Le ministre a affirmé avoir toujours été ouvert au dialogue. Depuis mars, plusieurs réunions de travail ont eu lieu pour faire un point sur les revendications des praticiens hospitaliers. Une partie peut être acceptée, l'autre doit faire l'objet de plus amples réflexions. En ce qui concerne le rôle du ministère de la Fonction publique, pointé du doigt par le syndicat, le ministère de la Santé assure travailler avec, même si lors de la conférence de presse, seul le ministre de la Santé et ses proches étaient présents.

Plusieurs tentatives pour joindre Tea Frogier, ministre de la Fonction publique, sont restées vaines.

Rédigé par Amelie David le Lundi 6 Novembre 2017 à 17:03 | Lu 2843 fois