Graviers de Hao : Edouard Fritch demande à Rikitea de lui faire confiance


Le président Fritch a enregistré jeudi matin une intervention télévisée pour appeler la population de Rikitea à la raison : "Je demande aux habitants de me faire confiance. Moi aussi je suis pleinement soucieux de votre sécurité et de votre protection", insiste-t-il alors qu'un vent de contestation persiste sur place après l'arrivée de 122 mètres cubes de gravier en provenance de Hao.
PAPEETE, 3 novembre 2016 - Le président Edouard Fritch appelle les habitants des Gambier à la raison alors que la section locale de l’association 193 continue d'exiger du maire de l’archipel l’évacuation de Rikitea des 122 mètres cubes de graviers débarqués vendredi en provenance de Hao.

Le président Fritch a enregistré jeudi matin une intervention télévisée pour appeler la population de Rikitea à la raison : "Je demande aux habitants de me faire confiance. Moi aussi je suis pleinement soucieux de votre sécurité et de votre protection", insiste-t-il en substance alors qu'un vent de contestation persiste sur place après l'arrivée de 122 mètres cubes de gravier en provenance de Hao, pour les besoins d'un chantier de travaux publics sur l'île. TNTV prévoit de diffuser cet enregistrement lors du journal télévisé de jeudi soir.

Dans un courrier adressé la veille à Vai Gooding, le maire des Gambier, la section Mangareva de l’association 193 demande le "rapatriement" de ce concassé "et l’arrêt définitif de tous gravats qui viennent de Hao".

En attendant, depuis bientôt une semaine ces matériaux débarqués vendredi dernier du Nukuhau sont maintenus bloqués à quai par quelques activistes. "On n’acceptera pas que ces sacs soient déplacés", prévenait mercredi Jerry Gooding, le président de la section locale de l’association 193, tandis que plusieurs membres du collectif manifestaient aux abords de la gare maritime de Rikitea.

"Ils reçoivent leurs ordres de Tahiti", a accusé jeudi matin le maire des Gambier, Vai Gooding, en précisant que la mairie souhaite malgré tout "privilégier le dialogue" et "attend que le président s’exprime sur le sujet", étant entendu que les travaux routiers dont il est question sur place "sont de compétence Pays".

Contacté jeudi matin, le frère Maxime, du bureau de l’association 193, était également dans l'attente d'une réponse d'Edouard Fritch. Mais si l’édile des Gambier a sollicité le secours de l’exécutif pour débloquer la situation sur place, du côté de l’association 193, on est ferme : "Nous avons demandé l’envoi à Rikitea d’une concasseuse pour faciliter les travaux en cours. On demande aussi la non-utilisation des graviers actuellement à quai et leur rapatriement".

"Je l’affirme : les graviers sont dénués de pollution"

"Lors de mon dernier passage à Mangareva, j’ai été interpellé par le maire sur l’urgence de la rénovation de la route de ceinture de Rikitea", explique Edouard Fritch dans son appel à la raison enregistré jeudi matin. "Sur cette route, la population, les bus transportant des enfants, roulent chaque jour dans des conditions qui sont inacceptables. Cette situation scandaleuse dure depuis plus de 10 ans. J’ai rapidement trouvé et mis en place des moyens pour répondre à cette urgence. Aujourd’hui, en voulant répondre aux besoins légitimes des habitants de Rikitea, on nous reproche de vouloir faire du mal à cette population. Je l’affirme : les graviers sont dénués de pollution. Cela est attesté par un laboratoire sérieux et indépendant. La rénovation de la route de ceinture de Rikitea peut donc se faire dans des conditions de sécurité normales. J’appelle donc la population de Rikitea à la raison. Je demande aux habitants de me faire confiance. Moi aussi, je suis pleinement soucieux de votre sécurité et de votre protection. Toute la polémique engagée sur cette affaire repose sur des fondements autres que l’intérêt de la population de Rikitea".

En jeu, depuis bientôt deux semaines que dure cette polémique, la rénovation d’une portion d’un kilomètre de route, à 4 kilomètres du village principal, dans la baie de Gatavake à Mangareva. La voie est actuellement dans un état "calamiteux" selon le maire de l’archipel, avec "des trous partout". Empruntée quotidiennement par les transports scolaires, cette section routière dessert aussi la plupart des fermes perlières de l’île. Le chantier de rénovation de cette voie, décidée par le Pays en janvier dernier à la demande de la commune, prévoit son bétonnage après des travaux de remblai. Un apport de 1300 mètres cubes de gravier sera nécessaire pour les travaux.

En l’absence de concasseuse opérationnelle sur place, les matériaux nécessaires doivent être importés de l’extérieur. En début d’année, une première livraison de concassé avait été acheminée de Tahiti situé à 1700 kilomètres, avant que l’option d’un prélèvement dans l’important gisement de Hao, près de 6 fois moins coûteuse parce que plus proche (800 km) et très abondante, ne soit choisie par la direction de l’équipement.

Débarqués à Rikitea, un mètre cube de concassé de Hao revient à 5000 Fcfp, alors qu’il en coûte 28000 Fcfp en provenance de Tahiti. Un premier envoi de 84 mètres cubes a été organisé il y a quelques semaines avant l’affrètement des 122 m3 actuellement au cœur de la polémique.

Les matériaux prélevés sur l’atoll de Hao sont issus du concassage des gravats de démolition de l’ancienne base militaire de l’île, base arrière du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) pendant 30 ans. L’association 193 y redoute la présence de polluants d’origine industrielle de type polychlorobiphényles (PCB), hydrocarbures aromatiques polycycliques et métaux lourds et s’oppose à son transfert. Une crainte jugée sans fondement du côté de la présidence : "Ces polluants sont dans les sols, pas dans les murs".

Mercredi matin à Papeete, une délégation de l’association 193 a été reçue par le ministre de l’équipement, Albert Solia, en présence de Bruno Barrillot, le responsable local de la Délégation au suivi des conséquences des essais nucléaires. "Pour apaiser et arriver à une vérité" le délégué de la DSCEN a proposé qu’à la demande du maire, de nouvelles analyses des matériaux déchargés à Rikitea soient faites afin de lever toute ambiguïté sur la nature de ces concassés.
A Rikitea, les graviers livrés de Hao sont maintenus bloqués à quai depuis vendredi dernier.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 3 Novembre 2016 à 14:03 | Lu 2787 fois