Grand Papeete : des milliards pour reconstruire 3000 habitats insalubres


PAPEETE, le 23 février 2019 - Le programme de rénovation urbaine du Grand Papeete devrait être lancé dans moins d'un an. Il s'agira d'investissements de plusieurs milliards de francs chaque année pendant plusieurs années dès 2020 pour rénover ou reconstruire près de 3000 logements insalubres dans le grand Papeete. Ce programme ambitieux est un partenariat entre l’État, le Pays, les communes et les acteurs du public et du privé.

Pour offrir un logement décent aux milliers de familles polynésiennes qui vivent dans les bidonvilles du grand Papeete, un grand plan d'investissement est en cours de finalisation. Il implique l’État, le Pays, différents établissements publics (dont l'OPH, TNAD et le syndicat mixte du Contrat de ville), des entreprises privées, et quatre communes : Mahina, Pirae, Papeete et Punaauia.

Dans la grande agglomération, il ne manque que Faa'a, qui n'a "pas encore accepté de signer la convention avec les autres partenaires", et Arue, où il n'y aurait pas de grands quartiers insalubres et qui a déjà son propre programme de rénovation de quartier.

Ce Programme de Rénovation Urbaine (PRU) est en cours d'élaboration depuis près de 18 mois entre les différents partenaires, et il reste encore 12 mois de travail administratif pour finaliser les différents projets qui le composent et arrêter une "maquette financière". Ce plan de financement, s'il suit la même logique que dans les département d'Outremer qui ont déjà implémenté un PRU, réserverait un gros quart des investissements à l’État, et une part plus petite partagée entre le Pays et les communes. Le reste, plus de la moitié du budget, serait couvert par les établissements publics, des partenaires privés et des prêts généreux de l'Agence française de Développement et de la Caisse des Dépôts. Des mécanismes de financement métropolitains, comme l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pourraient également participer. Si tout se passe bien, les premiers projets commenceront à sortir de terre courant 2020. Ce sont les maires qui restent chefs de file de chaque programme de rénovation urbaine concernant leurs communes.


Jean-Christophe Bouissou, ministre du Logement et de l’aménagement du territoire

Quel était l'objectif de votre réunion de ce vendredi matin ?
"Il s'agissait du comité de pilotage du programme de rénovation urbaine de l’agglomération de Papeete. L'objectif était de faire le point sur les études menées au sein de la direction de l'Habitat de la ville sur la préparation de ces PRU, et surtout de présenter les équipes qui vont les mettre en place. Ce sont des bureaux d'étude spécialisés dans ces questions de requalification de quartier, de résorption de l'habitat indigne et insalubre, que ce soit ici en Polynésie ou même à l'extérieur. Donc il était pour nous important de connaître l'agenda dans le temps pour la réalisation de ces programmes, et de connaître les acteurs en question."

Les premiers coups de pelles pourront-ils être lancés avant les municipales de 2020 ?
"Ce n'est pas une question d'élections municipales. On parle des conditions de vie des populations… Donc voilà, on transcende ces questions de politique locale. Vous comprenez bien que ce sont quand même des programmes qui nécessitent une préparation et des financements importants. Concernant le calendrier, ce qu'il nous faut c'est, d'ici la fin de l'année, avoir les projet de PRU complets pour être en mesure de mettre en place la programmation des opérations en 2020. Nous devront avoir créé la société d'aménagement qui sera nécessaire à la réalisation de ces PRU, et enfin, nous devrons avoir déjà bouclé les premier financement."

Si les maires sont les chefs de file des PRU, ces programmes survivront-ils un changement de majorité municipale en mars 2020 ?
"Ces PRU concernent à la fois des problématiques de quartier, mais aussi la situation de vie des populations. Donc on transcende les partis. Ce n’est plus une question de savoir qui est maire. Il y aura des changements dans les équipes municipale, soit. Mais il nous faut aussi avoir des maires solides. Si on veut avancer, il faut éviter que l'on change tous les quatre matins la vision que l'on peut avoir de l'avenir et des projets."

Quelles sont les plus grandes difficultés dans la mise en place de ces PRU ?
"Il y a bien sûr la question du foncier, puisque lorsque l'on parle de résorption de quartier insalubre, d'assainissement, de voirie, etc., il nous faut des terrains pour faire "tampon". Il va falloir mener des opérations tiroir, de relogement temporaire, et ensuite ramener les familles à l'intérieur des quartiers dans leurs logements neufs ou rénovés. Les familles sont en général très sensibles au fait de continuer à vivre dans les quartiers où elles vivaient auparavant. Mais les difficultés, ce sont surtout des questions de programmation sur le terrain, de réalisation de travaux et de coordination des travaux que l'on doit mener."

Mahieddine Hedli, délégué de la délégation à l'Habitat et à la Ville

Quels types de projets seront concernés par ces PRU, en pratique ?
"Très pratiquement, il s'agit d'un certain nombre de secteurs dans les quatre communes concernées, qui rencontrent des problèmes d'insalubrité dans les secteurs de l'habitat, dans tout ce qui a trait à l'assainissement, aux espaces publics, à la desserte ou aux équipements. Un projet de rénovation urbaine vise à mettre en place une requalification globale d'un site avec l'ensemble des éléments de cadre de vie qui permettent une vie meilleure dans le quartier, par exemple des équipement sportifs, des maisons de quartier, des espaces vert, etc. Et pour les logements insalubre, ça peut être la construction de logements neufs, la rénovation de parcs de logements privés..."

Certains de ces quartiers connaissent des problèmes d'occupation illégale de terres privées ou publiques, les familles risque-t-elles d'être expulsées pour être relogées ailleurs ?
"Il ne s'agira pas d'éjecter les gens, il s'agira de faire un travail de communication et d'information avec les familles. Pour celles qui sont dans une situation d'habitat indigne, qu'elles puissent retrouver un logement décent... sur du foncier maîtrisé bien sûr. Donc il faudra apprécier, en fonction de la propriété foncière, le dispositif réglementaire le plus adéquat. Il ne s'agit pas de déplacer ou d'expulser les familles, au contraire il s'agit de trouver une solution pour que ces familles aient une meilleure vie quotidienne."

Raymond Yeddou, Administrateur des îles du Vent et des îles Sous-le-Vent

"J'exprime une très grande satisfaction à l'issue de ce COPIL, puisque depuis la signature de la convention entre l’État, le Pays et les communes qui a scellé nos engagements en 2017, le travail n'a cessé de se renforcer. Il y a une véritable mobilisation collective qui s'est mise en mouvement. Moins de deux ans plus tard, on s’aperçoit que nous sommes aujourd'hui dans une année charnière. En 2019 nous lançons les études opérationnelles avec un calendrier très dynamique. Le rôle de l’État dans ce dossier est évidemment d'accompagner le Territoire, d'apporter l'assistance méthodologique nécessaire et de faire le lien avec l'administration centrale.

Justement, le hasard du calendrier fait qu'au plan national, la question de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) est devenue prioritaire, avec notamment un doublement des crédits de l'agence de 5 à 10 milliards d'euros et la volonté du gouvernement central d'accélérer les projets. Donc c'est un dossier prioritaire pour l’État, et nous sommes très heureux de voir qu'il y a une mobilisation si forte de nos partenaires locaux. (Pour lancer ces PRU) la question aujourd'hui c'est d'avoir une gouvernance solide, c'est le cas. C'est d'avoir la volonté d'y aller, c'est le cas. C'est d'avoir des correspondants techniques, des bureaux d'études et des chefs de projets PRU, qui seront bientôt désignés. (Tout cela fera) en sorte qu'il n'y ait pas de rupture dans l'avancée de ces dossiers."

Une organisation repensée

Administrativement, le projet se veut plus moderne que les précédents : "Cet objectif de recomposition urbaine est une démarche inédite en Polynésie française, indique un communiqué de presse de la Présidence. Il s’agit de restructurer des secteurs entiers marqués par des dysfonctionnements urbains (assainissements, accès, dégradation du bâti en général, présence d’habitat indigne), de répondre à des situations de précarité ainsi qu'à des difficultés économique et sociale des familles."

La procédure a déjà été longue, entre les travaux préliminaires, de larges consultations, la signature d’une convention entre l’État, le Pays et les communes, la création de cahiers des charges, des appels d'offres internationaux auxquels 20 bureaux d'études ont répondu, la création d'équipes locales et internationales coordonnées par une instance de suivi interministériel… Aujourd'hui, "les travaux des bureaux d’études sont engagés dès ce mois de février et se dérouleront sur toute l’année 2019. (…) Le chef de file de chaque PRU est le maire. La coordination d’ensemble sera assurée par la DHV, service du Pays en charge de l’habitat, de la ville et du développement urbain, sous la tutelle du ministère du Logement et de l’aménagement du territoire. Ces projets sont appelés à s’inscrire dans une programmation pluriannuelle."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Samedi 23 Février 2019 à 17:55 | Lu 4817 fois