“Google” est-il un danger pour l'OPT


Tahiti, le 22 février 2024 - À l'occasion de l'examen à l’assemblée des comptes 2022 de l'OPT qui accusent un déficit de deux milliards de francs, le Tapura a interpellé la ministre Vannina Crolas sur l'arrivée de Google en Polynésie. Une “bonne nouvelle en soi”, concède Joëlle Frébault, qui craint néanmoins “un risque de captation du trafic” par le géant mondial, et donc des ressources financières de l'OPT déjà mal en point. Vannina Crolas s'est voulue rassurante, affirmant que Google n'était pas intéressé par le marché local.  
 
Le géant mondial Google est-il une menace pour l'OPT ? C'est notamment ce qui inquiète le Tapura huiraatira qui s'en est ému ce jeudi à Tarahoi. Réunis pour la première fois depuis le mois de décembre dernier, les élus de la commission permanente se sont enfin retrouvés sous la présidence d'Oscar Temaru pour examiner une bonne dizaine de comptes financiers. Et notamment ceux de l'OPT pour l'exercice 2022. Des comptes qui, comme l'avait déjà relaté Tahiti Infos, accusent une perte historique d'un peu plus de deux milliards de francs, dont 400 millions rien que sur la téléphonie mobile.
 
“Elle aura vraiment besoin de courage”, a d'ailleurs commencé la ministre de tutelle de l'Office des postes et télécommunications, Vannina Crolas, en présentant la nouvelle P-dg de l'OPT, Hina Delva, qui vient de succéder à Jean-François Martin. Du courage, il lui en faudra certainement pour appliquer les coupes drastiques qu'entend appliquer sa ministre au niveau des avantages acquis du personnel. C'est une autre histoire.
 
Unanimité pour encenser Jean-François Martin
 
Mais en attendant, la nouvelle directrice n'a qu'à suivre le cap déjà tout tracé par son prédécesseur avec un plan de redressement des équilibres financiers (PREF) entamé qui doit se poursuivre jusqu'en 2028. Qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité, les élus ont d'ailleurs été unanimes pour saluer le travail de Jean-François Martin à la tête de l'établissement depuis 2015.
 
Frangélica Bourgeois-Tarahu du Tavini a même loué sa “gestion prudente et sa vision stratégique audacieuse”, expliquant qu'il était maintenant primordial de soutenir l'OPT qui, faut-il le rappeler, est le seul opérateur à assurer une mission de service public dans les îles les plus éloignées. Une mission bancaire et postale qui lui coûte très cher justement et qui ne peut plus être amortie par la téléphonie mobile comme auparavant.
 
Google peu réputé pour sa philanthropie
 
Mais pour l'élue marquisienne du Tapura Joëlle Frébault, l'arrivée de Google en Polynésie, tant vantée par le président Brotherson, pose question. Si ces nouveaux câbles sous-marins sont “en soi une bonne nouvelle car ils permettront de sécuriser notre desserte”, concède-t-elle, elle craint leur éventuel impact négatif sur l'avenir de l'OPT et de ses finances : “Google est un géant mondial peu connu pour être philanthrope et il y a donc, à notre sens, un vrai risque de captation du trafic opéré jusqu'à présent par l'OPT et donc des ressources financières qui y sont liées”.
 
La prudence doit être de mise pour l'élue de l'opposition qui redoute une “mainmise de nos télécommunications à l'international” et qui s'interroge sur l'état des discussions et des négociations entre Google et le président du Pays, omnipotent sur ce sujet. Y a-t-il un chef de projet ? Une équipe dédiée pour gérer ces relations ?, demande-t-elle. “Il y a bien une équipe autour du président, avec des membres de l'OPT, qui pilote ce projet”, lui a répondu Vannina Crolas.
 
“Même Tapati a peur qu'on vende notre pays à Google”
 
Elle poursuit : “La consigne du président, avec l'arrivée d'un monstre du numérique comme Google, c'est que l'OPT puisse pleinement trouver sa place. C'est en ce sens que se passent les discussions. Elles se passent très bien, et encore mieux depuis l'arrivée de Hina Delva”, assure encore la ministre qui se veut rassurante : “Google n'est pas du tout intéressé par le marché local. Dans ses câbles, une partie est réservée à ses besoins propres et une partie est mise à disposition de l'OPT.”
 
“Ils sont généreux”, lui rétorque Pascale Haiti Flosse avec une pointe d'ironie. La représentante semble dubitative et s'inquiète du coût que cela va engendrer pour les Polynésiens. “Nous cherchons vraiment l'intérêt de notre pays dans ce projet qui doit être gagnant-gagnant. Même Tapati (Mitema, représentant Tavini, NDLR) a peur qu'on vende notre pays à Google, mais on y prend garde”, lui a répondu Vannina Crolas qui promet que ce “projet d'ampleur” ne sera pas signé sur un coin de table de la présidence mais bel et bien présenté aux élus de l'assemblée.
 

L'exemple de Canal+

Pour étayer son propos au sujet de ses craintes face à l’arrivée de Google en Polynésie, Joëlle Frébault a pris l'exemple de Canal+ qui a pris la suite d'Onati pour la distribution des programmes télévisés en Polynésie. Selon elle, c'est l'illustration parfaite de “l'attitude des grands groupes internationaux, comme celui de Monsieur Bolloré”, dont la volonté “n'est pas d'aider au développement du tissu économique local, mais bien de prendre des positions stratégiques pour occuper le terrain”. Résultat des courses, les Polynésiens paient leur bouquet “deux fois plus cher qu'en métropole”. “Canal+ n'a pas engendré de surcoût au niveau des abonnements TNS. Au contraire, ça devrait nous coûter moins cher selon les abonnements”, lui répond Vannina Crolas qui n'a visiblement pas comparé les tarifs entre la métropole et la Polynésie. Quant à la question relative à la négociation d'un partenariat avec Canal+ “pour le développement de la filière audiovisuelle”, la ministre des Télécommunications botte en touche en signalant simplement que “rien ne nous a été imposé” et qu'il s'agit là d'un “accord de partenariat entre Canal+ et l'OPT”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 22 Février 2024 à 16:32 | Lu 4271 fois