Gilles Parzy va défendre l'agriculture du Pacifique à l'ONU


Gilles Parzy dans un jardin partagé bio de Faa'a qu'il a aidé à monter
PAPEETE, le 11 aout 2017 - Le Tahitien Gilles Tehau Parzy vient d'être nommé représentant de la société civile pour le Pacifique auprès du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale de l'ONU. Cet expert de l'agriculture bio reconnu dans tout l'Océan Pacifique compte porter la voix des peuples insulaires face aux dérèglements climatiques.

Qui sait à Tahiti que l'un des nôtre est une éminence reconnue à travers tout le Pacifique pour son expertise sur l'agriculture bio et le développement durable ? Gilles Tehau Parzy est un des membres fondateurs de la Pacific Organic and Ethical Trade Community (POETCom), à l'origine du label Organic Pasifika qui certifie les producteurs bio de la région et est le principal acteur régional du développement de ce secteur.

C'est par l'Association des ONG des Îles du Pacifique (PIANGO), une organisation qui regroupe les associations de 23 pays et territoires insulaires du Pacifique, que le Polynésien a été nommé "représentant de la société civile pour le Pacifique auprès du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale de l'ONU", un comité de la FAO (Organisation des Nations Unies en charge l'alimentation et l'agriculture). Le Tahitien accède donc à "la principale plate-forme internationale et intergouvernementale qui permet à l’ensemble des parties prenantes de travailler ensemble pour assurer à chacun la sécurité alimentaire et la nutrition."

Comme tout bon projet international, tout le monde (techniciens, scientifiques, gouvernements, société civile...) est consulté lors d'une série de rencontres et de réunions devant aboutir à un grand consensus. Gilles Parzy rejoint spécifiquement le Mécanisme Société Civile (CSM, en anglais) dont les membres se réuniront à Rome en octobre pour établir une liste de priorités et de recommandations. Ces recommandations seront défendues la semaine suivante par le président du CSM lors du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale de l'ONU. C'est cette dernière instance qui élabore les recommandations officielles de l'ONU, généralement suivies par tous les pays du monde.

LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DANS LE PACIFIQUE, C'EST LE BIO

La présence de cette voix polynésienne défendant un modèle d'agriculture durable n'est donc pas anodine. D'autant que les organisations du Pacifique se sont battues pour obtenir leur propre siège à ce comité, jusqu'à présent nous étions représentés par l'Australie et les Nouvelle-Zélande, dont les priorités sont fort éloignées des nôtres...

Nous avons rencontré Gilles Parzy dans un jardin partagé de Faa'a qu'il aide à mettre en place dans les techniques du bio. Il s'occupe de plusieurs initiatives du même type avec les communes de la zone urbaine de Tahiti dans son travail d'éco-consultant. Il explique que "nous pouvons tirer notre propre sécurité alimentaire de nos îles, comme on l'a toujours fait depuis des millénaires. Même en milieu urbain comme ici à Faa'a mais aussi à Arue où je suis aussi un jardin partagé. Il y a aussi une pépinière pour aider à diffuser les plants, car la clé est là, dans la propagation des plantes réellement adaptées à nos climats océaniens." Un point de vue très local, qu'il va désormais défendre au niveau mondial.




Gilles Parzy, éco-consultant, certificateur bio, cofondateur du POETcom et représentant du Pacifique au Comité de la sécurité alimentaire de l'ONU
"L'autosuffisance alimentaire dans le Pacifique ne sera possible qu'avec des techniques du bio"

Que vas-tu faire à ce Comité sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de l'ONU ?
Je vais essayer de revendiquer la sécurité alimentaire et nutritionnelle du pacifique, notamment dans le défi des dérèglements climatiques. Voilà, c'est un challenge auquel sont confrontées toutes les îles du Pacifique où il y a énormément de surconsommation par rapport à la production. On oublie de plus en plus qu'on peut tirer notre propre sécurité alimentaire nos îles, comme on l'a toujours fait depuis des millénaires avec pourtant des technologies et une agro-biodiversité beaucoup moins développés. Nous avons aujourd'hui un gros potentiel pour assurer la sécurité alimentaire de toutes les îles du Pacifique.

Tu es très actif dans le bio à Tahiti, mais aussi dans tout le Pacifique
C'est vrai qu'à titre privé je suis certificateur pour un organisme européen dans tout le Pacifique, l'un des trois certificateurs accrédité par le POETcom, l'organisation régionale qui gère l'agriculture biologique pour l'ensemble des pays et territoires insulaires du Pacifique, qui a créé la norme océanienne de l'agriculture biologique. Cette norme a été récemment étendue au tourisme durable.

Comment se porte le bio à Tahiti par rapport au reste du Pacifique ?
Il y a beaucoup d'aspects qui sont plus avancés dans l'Ouest du Pacifique. Ici il y a encore une loi de Pays qui encadre l'agriculture biologique et qui la limite aux produits alimentaires, alors que dans l'ouest du pacifique bien d'autres produits sont certifiables, du monoi aux huiles essentielles comme le tamanu. Et bien sûr désormais les services touristiques. Je reviens du Vanuatu où j'ai entraîné de futurs inspecteurs qui vont pouvoir certifier sous cette norme bio-tourisme, donc c'est quelque chose qui est beaucoup plus développé que chez nous, et on peut en prendre de la graine.

Ta mission à l'ONU concernera la sécurité alimentaire, mais est-ce vraiment possible de nourrir tout le Pacifique avec une production locale et biologique ?
Cette autosuffisance ne peut justement être possible qu'avec des techniques bio, en incluant l'agro-biodiversité. On sait tous que l'ère des produits issus de la pétrochimie arrive sur sa fin, donc il est temps de réintroduire dans le pacifique des techniques qui étaient pratiquées de façon ancestrales, et qui demandent à être améliorées en profitant des nouvelles découvertes dont celles de la science, qui explique les processus et propose des outils très performants en matière phytosanitaire, de propagation de la biodiversité, de la protection du sol…

Il faut aussi lier cette sécurité alimentaire aux liens qui unissent les peuples à la terre nourricière et à l'océan, des problématiques complètement ignorées des continentaux et que je leur rappellerai à Rome.




Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 11 Aout 2017 à 17:38 | Lu 3346 fois