Tahiti Infos

Gestion des déchets : “La méthode de Faa'a, c'est la meilleure”


Tahiti, le 10 mars 2025 - Le tāvana de Faa'a n'apprécie pas qu'on dise que sa commune croule sous les poubelles depuis que les camions de collecte sont en panne. Une mauvaise publicité qui relève de “l'acharnement” des médias selon lui. Reconnaissant des “problèmes techniques”, et pointant “l'incivisme”, Oscar Temaru relativise en affirmant que c'est seulement “un petit quartier” qui est concerné mais que tout le reste de la commune est “propre”. Il invite d'ailleurs les autres communes à prendre exemple sur la “méthode” de Faa'a qui “a fait ses preuves depuis 60 ans”.
 
 
“Soyez un peu plus fairplay !” C'est en ces termes, mais avec le sourire, que le tāvana de Faa'a a accueilli la presse ce lundi matin dans son bureau de la mairie. En cause : le titre de Une de Tahiti Infos de vendredi : “Faa'a croule sous les poubelles” qu'il aurait préféré voir relégué au second plan au profit du sujet relatif aux retombées de l'essai nucléaire Centaure. Pour Oscar Temaru, “c'est de l'acharnement” médiatique car selon lui, il n'y a “qu'un petit quartier” de Faa'a qui est concerné par cet amoncellement d'encombrants.
 
“Quand vous arrivez de Papeete, le Hilton c'est propre, Carrefour c'est propre, vous continuez Hotua'rea, c'est magnifique, vous avez la mairie de Faa'a, la plus belle de la Polynésie, vous continuez vous avez l'aéroport c'est propre... qui s'occupe de tout ça ? c'est Faa'a ! Allez plus loin vous avez le Beachcomber, c'est propre, ! Pamatai Hills, Cité de l'air, c'est propre”, se défend le maire de la commune qui dément formellement quand on lui répond qu'à Pamatai Hills aussi les déchets s'accumulent sur le bord de la route.
 
Cela fait plusieurs mois maintenant. Première explication, les camions de ramassage des ordures qui cumulent les pannes et qui peinent à être réparés rapidement. “C'est sûr que ce sont des problèmes techniques que nous connaissons, c'est la modernité ! La plupart des camions sont à l'électronique, avec très peu de mécanique”, explique Oscar Temaru. Des pièces électroniques qu'il faut commander et qui mettent parfois – pour ne pas dire souvent- plusieurs mois à arriver. “On dépend aussi des importateurs pour ces pièces”, justifie-t-il, avant de mettre également en cause le “relief” de la commune qui fatigue davantage ces camions. “Les camions montent avec des tonnes de déchets, et redescendent ... il y a très peu de plat, ça use.”
 
Un incivisme aggravé
 
De nouveaux camions mieux adaptés ont été commandés. Mais difficile d'avoir davantage de précisions quant à leur mise en service. “Patientez un peu”, répond le tāvana. “D'ici quelques semaines”, renchérit son directeur général des services, Gilles Tarahu qui précise que l'obligation de passer par des appels d'offres, même pour la location d'un camion, ralentit encore plus les choses. Oscar Temaru tient aussi à mettre les Polynésiens face à leurs responsabilités en dénonçant “l'incivisme de la population”. Car il faut bien dire que dès qu'un petit tas d'ordures se forme sur le bord de la route, il grossit de façon exponentielle. Et ce ne sont pas uniquement les administrés de Faa'a qui sont pointés du doigt, mais aussi les habitants d'autres communes qui en profitent pour apporter leur triste contribution en venant se débarrasser de leurs déchets encombrants.
 
Quand on lui rappelle que Faa'a ne trie pas ses déchets, Oscar Temaru rétorque : “C'est la seule commune où il n'y a pas de problème”, citant en exemple l'incendie de la semaine dernière au CET (Centre d'enfouissement technique) de Paihoro. “C'est de l'incompétence depuis le début. C'est pour ça que Faa'a n'a pas adhéré. Ici à Faa'a, il y a 80% de terre et 20% de déchets qui sont compactés. Et il n'y a pas d'incendie à Faa'a parce qu'il y a une méthode et une façon de travailler.”
 
La décharge de Mumuvai épinglée deux fois par la justice
 
Depuis la fin des années 1970, les déchets collectés sont transportés jusqu'à la “décharge contrôlée” de Mumuvai située en hauteur et implantée dans un talweg naturel appartenant à des propriétaires privés. Et Oscar Temaru qui a toujours le projet de faire un “golf indoor” juste au-dessus de cette décharge voudrait “partager” cette méthode avec d'autres communes de Polynésie.
 
Pourtant, la commune vient de se faire épingler deux fois par la justice concernant cette fameuse décharge de Mumuvai installée sans autorisation. D'abord par le tribunal administratif en juin dernier qui demande à ce qu'elle soit impérativement remise aux normes. Et en juillet par la cour administrative d'appel qui a condamné la commune à verser 11 millions de francs aux ayants droit de ce terrain pour occupation illégale. Difficile dans ce contexte de voir la commune de Faa'a comme le meilleur exemple à suivre en matière de gestion des déchets... Interrogé sur ce point, le maire de Faa'a botte en touche, expliquant que “la méthode de Faa'a, c'est la meilleure”, et que ça fait 60 ans qu'elle a “fait ses preuves”.
 
Une facture qui pourrait être 5 fois plus salée
 
Enfin, l'argent étant évidemment le nerf de la guerre, le tāvana de Faa'a, appuyé par son bras droit, Robert Maker, rappelle que les habitants de sa commune ne payent que 20.000 francs par an pour les déchets ménagers et que cela leur coûterait “cinq fois plus cher” si Faa'a n'était pas autonome dans sa gestion. Robert Maker craint même que le budget général de la commune ne puisse bientôt plus être utilisé pour combler le “trou” entre les recettes engendrées par cette contribution annuelle des administrés et le traitement des déchets qui pèse pour “272 millions de francs”.
 
Pour conclure, “la solution est politique”, claque Oscar Temaru qui reste fidèle à lui-même, estimant que l'indépendance est la planche de salut. “Quand on voit ce qui se passe, on a l'impression d'avoir affaire à un pays où c'est les communes avec l'État, et l'autre pays, c'est la Polynésie française. Non, c'est Mā’ohi Nui, un seul pays.”
 
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 10 Mars 2025 à 16:06 | Lu 3305 fois