Géros veut sa commission sur la décolonisation


Antony Géros a annoncé, mercredi, sa volonté de créer une dixième commission législative à l'assemblée qu'il présiderait avec le président Brotherson : la commission sur la décolonisation, un “pendant du comité des 24 de l'ONU”. photo archives Tahiti Infos
Tahiti, le 18 août 2023 - Interrogé par Tahiti Infos après son entrevue avec Gérald Darmanin, Antony Géros a annoncé, mercredi, sa volonté de créer une dixième commission législative à l'assemblée qu'il présiderait avec le président Brotherson : la commission sur la décolonisation, un “pendant du comité des 24 de l'ONU”. Il a par ailleurs tenu à faire le distinguo entre les 38 élus “Tavini de A à Z” qui siègent à Tarahoi, et le gouvernement qui ne compte que “quatre ministres inféodés” au parti.
 
Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, a été très clair dès sa descente d'avion mercredi matin. Il n'est pas en Polynésie pour parler de l'indépendance ou de l'ONU. C'est un domaine réservé au président de la République. Et il l'a redit au président de l'assemblée pendant leur entretien. Dont acte. Pour Antony Géros, ce qui est important c'est que les choses aient été dites et il “souhaite vivement que l'État considère ça comme un appel au dialogue apaisé”. L'idée étant bien sûr que la France vienne “enfin siéger” dès octobre prochain à New York, lors de la quatrième commission de l'ONU qui traite notamment de la décolonisation.
“On est des grands garçons. On sait parler. On sait réfléchir sans se taper dessus (...). Aujourd'hui, ils ne peuvent plus se défausser”, a déclaré Antony Géros, prévenant tout de même qu'il n’y viendrait pas avec un “sparadrap sur la bouche”. Les voilà prévenus.

D'autant que maintenant qu'il est à la tête de la troisième institution du Pays, Antony Géros entend bien utiliser tous les leviers à sa disposition pour faire avancer ce sujet qui lui est cher. Il prévoit ainsi de modifier le règlement intérieur de l'assemblée lors de la prochaine session budgétaire pour créer une dixième commission législative. “On va instituer une commission sur la décolonisation. Elle sera composée proportionnellement à la représentation des groupes, mais ouverte à des personnes qualifiées.”
 
Une présidence “bicéphale”
 
Dans son idée, cette commission devra notamment plancher sur des sujets comme le nucléaire bien sûr, mais aussi sur d'autres thèmes comme l'éducation par exemple. “Demain, si nous sommes souverains, qui va prendre en charge ce que l'État prend en charge en termes de salaires ? Donc ça, c'est un élément de décolonisation. Il faut qu'on en parle”, a-t-il précisé, ajoutant que cette commission serait présidée “par le président du Pays et moi-même”. Ce sera du jamais vu. Le pouvoir exécutif étant bien distinct du pouvoir législatif, ce sera bien la première fois qu'un président du Pays co-présidera une commission de l'assemblée. Reste à savoir si les textes le permettent ou s'il faudra les modifier en conséquence.

Mais cette présidence “bicéphale” a un objectif pour Antony Géros : qu'il n'y ait pas de “dissonance” entre les propos du président Brotherson et ceux des élus de l'assemblée, et que tout le monde parle le même langage. Cela peut paraître curieux quand justement, les éléments de langage divergent selon qu'ils émanent de l'avenue Pouvanaa a Oopa ou de Tarahoi. Alors que le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, accompagné de son ministre délégué Philippe Vigier et de sa ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera sont en visite au fenua, le gouvernement Brotherson leur déroule le tapis rouge et cela ne semble pas être du goût de tout le monde.

La piqûre de rappel de Géros à Brotherson

Le président du Pays est-il trop gentil avec l'État ? Antony Géros répond : “Le gouvernement, c'est quatre personnes qui sont vraiment inféodées au Tavini et tout le reste, ce sont des ministres qui viennent d'arriver. Ils ne sont pas tavinistes. Je suppose que là-bas, ils ont un état d'esprit différent qu'ici où les 38 élus du Tavini sont tous Tavini de A à Z. Pas comme la construction du gouvernement. Donc on peut comprendre que là-bas ils utilisent un langage qui soit plutôt courtois, diplomatique alors qu'ici parfois nous avons des envolées qui sont assez sévères. Et puis tout simplement parce que nous sommes des hommes politiques, et quand on veut dire ‘non’ on dit non”. Encore une fois, les deux branches de l'arbre Tavini semblent s'éloigner de plus en plus.

Dès le début de l'entretien, d'ailleurs, et alors qu'il était interrogé sur les thèmes abordés avec Gérald Darmanin, le président de l'assemblée n'a pas manqué de rappeler à Moetai Brotherson d'où il venait : “J'ai rappelé que nous étions l'institution principale du Pays puisque c'est d'elle qu'émane tout le reste, le président du Pays, le gouvernement, le Cesec et nous sommes à l'origine des textes qui prévalent notre quotidien”. En clair, c'est l'assemblée qui décide. Sera-t-il suivi par le grand patron du Tavini ? En tout cas, Oscar Temaru est attendu en conférence de presse vendredi matin pour “commenter les propos de Gérald Darmanin”... tandis que le ministre sera aux Marquises avec Moetai Brotherson. L'étau se resserre...
 

Suppression du 29-Juin, 24 octobre aux couleurs de l'ON

Pas de bilan des 100 jours pour Antony Géros mais la préparation de la session budgétaire qui doit s'ouvrir le mois prochain. Les 38 représentants du Tavini vont (encore) avoir droit à une formation pour l'occasion. “Dans les semaines à venir, une équipe du service du budget va venir former les nouveaux élus à la pratique budgétaire, car pour un novice, il est très difficile de se retrouver sur les termes de ce type de document”, a ainsi expliqué le président de l'assemblée. Le président du Pays a quant à lui toujours souhaité que cette institution ne soit pas une simple chambre d'enregistrement, mais une véritable force de propositions. Antony Géros l'a bien compris et entend en profiter “concernant le budget et d'autres sujets comme par exemple la suppression du 29-Juin”. Sur le budget primitif du Pays pour l'année 2024 que doit adopter l'assemblée avant le 31 décembre, on n'en saura pas plus. En revanche, il a été plus prolixe sur la fin de la fête de l'autonomie : “Je l'avais demandé au président du Pays lors de la cérémonie du 29-Juin : s'il n'engageait pas lui-même la démarche de modification, je pouvais le faire avec mes techniciens de l'assemblée. Donc ça par exemple, on va le faire. Le 24 octobre on va également mettre en place ce qu'on appelle la journée mondiale de l'ONU au cours de laquelle nous avons la ferme intention de lever le drapeau de l'ONU sur nos deux institutions.”

Rédigé par SD avec VUP le Jeudi 17 Aout 2023 à 17:09 | Lu 4818 fois