Géros se défend d'être un “dictateur”


Tahiti, le 18 décembre 2023 – La seconde modification du règlement intérieur de l'assemblée a bien été adoptée ce lundi par les 38 voix de la majorité après de longs débats. “Loin de moi l'idée de m'ériger en dictateur dans cet hémicycle”, s'est défendu le président Antony Géros qui, pour l'occasion, est descendu de son perchoir défendre ce texte dont il est à l'origine et qui lui octroie davantage de pouvoir.
 
Après avoir déjà longuement débattu le matin sur la tour des juges, les élus de Tarahoi ont ensuite rapidement voté le texte relatif au statut du marin pêcheur avant d'aborder, après la pause déjeuner, la fameuse modification du règlement intérieur proposée par le président Géros. Une seconde modification en un mois à peine qu'a dénoncée l'opposition, qu'il s'agisse de Ahip ou du Tapura. Comme Tahiti Infos l'avait déjà rapporté, l'opposition voit, dans cette prise de position du président de l'assemblée, une “dérive” et une “autocratie” “dangereuses” pour le travail parlementaire. Le règlement intérieur doit être au contraire un garde-fou pour les élus de la minorité, et pas un “instrument redoutable aux mains des partis politiques”, comme l'a dénoncé Nicole Sanquer. 
 
“L'arbre qui cache la forêt” de la décolonisation
 
Si la plupart des modifications proposées sont “mineures” selon Tepuaraurii Teriitahi (Tapura), elles sont “l'arbre qui cache la forêt” : une forêt appelée commission spéciale sur la décolonisation sur laquelle on met “une chappe de plomb”, une “omerta”, en décidant de ne transmettre les comptes-rendus qu'aux seuls membres de ladite commission ayant une voix délibérative. Antony Géros s'en est défendu en expliquant que cette commission spéciale sur la décolonisation vise à déterminer les “éléments de langage” pour construire la feuille de route que le président du Pays utilisera à l'ONU. Et qu'en ce sens, le résultat de ses travaux ne devait pas être divulgué avant pour ne pas “dénaturer les discussions devant le comité des 24”.
 
“Je ne pense pas que ça se reproduise”
 
Nuihau Laurey (Ahip) a davantage insisté sur la fameuse commission des Finances qui a examiné pendant 11 heures la loi fiscale du gouvernement mais qui a été “effacée comme par magie” par la seconde commission. “Il ne faut pas que cela se reproduise”, s'est-il inquiété. “Normalement, dans une majorité on doit s'entendre. On s'était entendus mais là on [le gouvernement, NDLR] est revenus avec le même texte... On a eu une bonne discussion sur ce sujet avec le président du Pays et je ne pense pas que ça se reproduise”, lui a répondu Antony Géros, reconnaissant ainsi implicitement qu'il y avait bien eu un problème interne au Tavini sur cette loi fiscale et que le procédé employé était peu académique.
 
Attention, terrain glissant
 
Édouard Fritch et Nuihau Laurey ont tous les deux tenus à mettre en garde le président de l'assemblée à propos du “terrain glissant” sur lequel il menait l'institution de Tarahoi. “Loin de moi l'idée de vouloir m'ériger en dictateur dans cet hémicycle”, a rétorqué Antony Géros pour qui ce texte vient simplement “clarifier” certaines pratiques qui ont déjà cours mais qui ne sont pas formalisées par écrit, et “rajouter de la flexibilité”. En revanche il est resté inflexible sur l'amendement proposé par le Tapura afin que les propos xénophobes et racistes prononcés contre “autrui” – et pas qu'envers les seuls élus et membres du gouvernement, comme c'est écrit dans le règlement intérieur – soient sanctionnés. Un amendement en référence aux propos tenus par Mitama Tapati en séance sur “les blancs”. Mais pour Antony Géros, c'est à la justice de trancher, pas à l'assemblée.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 18 Décembre 2023 à 16:45 | Lu 3616 fois