Géros fait les yeux doux à Ahip


La modification du règlement intérieur de l'assemblée portée par Antony Géros sera avalisée en séance ce jeudi. archives tahiti infos
Tahiti, le 23 octobre 2023 - La modification du règlement intérieur de l'assemblée portée par Antony Géros sera avalisée en séance ce jeudi. Outre la création de la fameuse commission sur la décolonisation, les élus non-inscrits auront désormais davantage de crédits et pourront mutualiser leur temps de parole. Ils ont aussi obtenu de faire baisser le nombre d'élus à six pour constituer un groupe. Ce qui fait dire au Tapura que c'est un texte “sur mesure” pour A here ia Porinetia (Ahip) et qu'Antony Géros “s'est fait plaisir”. “Chacun son point de vue”, rétorque-t-il.  
 
C’est fait depuis vendredi. Les élus de la commission des institutions ont adopté le texte visant à modifier le règlement intérieur de l'assemblée. Il doit être soumis ce jeudi en plénière. Un texte défendu par Antony Géros qui a souhaité “moderniser, rationaliser et consolider” les outils mis à disposition des représentants de Tarahoi. Mais son tout premier objectif est de créer sa “commission spéciale de décolonisation”. Il ne s'en est pas caché. Une commission ad hoc qui permettra aux élus de se saisir pleinement de cette question “avec des personnalités qualifiées et des experts”, et d'aborder des “sujets transversaux à la décolonisation” comme l'éducation ou la monnaie par exemple.
 
Ahip ne siègera pas... le Tapura réfléchit
 
Nicole Sanquer a d'ores et déjà annoncé qu'elle n'y siègerait pas car elle “ne se sent pas colonisée”. Du côté du Tapura, aucune position n'est encore arrêtée. Édouard Fritch ne rentrant que vendredi de métropole où il a dû se rendre pour des raisons de santé, c'est à distance que les discussions vont s'opérer. Mais comme pour Ahip, c'est la dénomination même de cette commission qui pose problème. Car si la “décolonisation” colle parfaitement au programme du Tavini, ce terme exclut de facto les composantes autonomistes.

“Si ça s'était appelé Commission sur l'avenir institutionnel de la Polynésie française, pourquoi pas”, a réagi Tepuaraurii Teriitahi qui précise que “la volonté d'Édouard était de rajouter la thématique ‘décolonisation’ à la commission des institutions qui ne se réunit quasiment jamais. Mais ça n'a pas été retenu par Géros qui veut ‘sa commission’ pour amener une délégation de l'assemblée à l'ONU”.
Interrogé sur ce point, Antony Géros explique : “C'est parce que le comité des 24 est le comité de décolonisation par excellence de l'Organisation des Nations unies, comité dans lequel Édouard et toute son équipe a siégé pendant plusieurs années, donc on garde le même concept et la même dénomination.” Le président du Pays sera quant à lui “membre de droit avec voix consultative” et il aura ainsi “une feuille de route” sur laquelle s'appuyer face au comité des 24.
 
La part belle aux non-inscrits
 
Mais c'est surtout aux non-inscrits que cette nouvelle mouture du règlement intérieur va bénéficier. D'abord, parce qu'ils pourront désormais mutualiser leur temps de parole – étant trois élus disposant de trois minutes chacun ils pourront donc s'exprimer pendant 9 minutes sans se faire couper le micro – ou se faire transférer une partie du temps de parole d'un groupe déjà constitué (Tavini ou Tapura). “Je suis très contente de cette modification car les non-inscrits retrouvent un statut”, a réagi Nicole Sanquer qui se réjouit par ailleurs de pouvoir également bénéficier d'un “crédit collaborateur majoré” à l'instar des autres groupes.

Elle n'en demeure pas moins critique vis-à-vis d'autres modifications comme le fait d'encadrer les commissions d'enquêtes et les missions d'information : "On vient limiter les travaux d'initiative des élus avec un budget contraint de 10 millions par an pour un maximum de deux commissions d'enquêtes ou missions d'information par an, avec obligation d'attendre que l'une se termine avant d'en commencer une autre", regrette-t-elle. Antony Géros s'en défend : "ça ne limite pas, ça régule. Il faut réguler sans interdire", dit-il, mettant en avant les économies qui pourront être faites. Cela n'a en tout cas pas empêché le Tavini d'adopter l'amendement proposé par Nicole Sanquer pour faire baisser le nombre d'élus nécessaires à la constitution d'un groupe politique de sept à six.
 
Retour vers le futur
 
Retour à la case départ en somme puisque c'était déjà le cas jusqu'à ce que le Tapura décide d'augmenter ce quota en 2021 “pour éviter la démultiplication des groupes”, selon Tepuaraurii Teriitahi. “C'était injuste de faire ce changement juste pour barrer la route à Ahip”, analyse, de son côté, Nicole Sanquer qui assure ne “pas chercher” à rallier trois élus (peu importe leur couleur) à tout prix pour monter un groupe. Même s'il est bien évident que c'est l'objectif à terme puisqu'un groupe politique donne accès à des crédits supplémentaires et à la conférence des présidents. Mais elle estime qu'un siège Ahip équivalant à 8 000 voix contre 1 600 voix pour un siège Tavini. Le poids électoral de sa formation politique n'est pas représentatif dans l'hémicycle. Son deuxième amendement pour le faire passer à cinq n'a pas été retenu en revanche. Une bonne chose selon le Tapura d'ailleurs car cela “favoriserait le nomadisme politique, et donc l'instabilité, sans parler des frais liés à la constitution d'un groupe sur le budget de l'assemblée”.
 
“Chacun son point de vue”
 
Pour Tepuaraurii Teriitahi, c'est un “texte sur mesure pour Ahip et Géros s'est fait plaisir avec sa commission”, car “quand on parle de minorité, on ne parle pas du Tapura qui ne siège dans aucun conseil d'administration contrairement à Ahip”. Y aurait-il du favoritisme ? C'est avec un petit sourire que nous a répondu le patron de Tarahoi, Antony Géros, toujours adepte des petites formules : “Chacun son point de vue. On choisit de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide.” Quant à l'absence des élus rouges dans les conseils d'administration, il renvoie la balle au gouvernement : “Ça ne relève pas de l'assemblée, c'est le Pays qui fait le choix des membres des conseils d'administration. Pour ce qui nous regarde, on a installé tous ceux qui pouvaient l'être, y compris l'opposition, le Tapura au même titre que Ahip.”

Redécoupage des commissions législatives
 
Les neuf commissions législatives font quant à elle l'objet d'un redécoupage pour “mieux recentrer les matières”. Mais leur nombre reste inchangé. C'est ainsi que l'on voit par exemple une nouvelle commission dédiée uniquement à l'emploi et la fonction publique, domaines qui étaient respectivement accolés à la commission de la santé et à celle de l'économie. La commission des ressources marines est supprimée pour aller se loger dans celle de l'agriculture. Logique. On reste dans le secteur primaire. Les autres modifications sont à la marge.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 23 Octobre 2023 à 18:00 | Lu 2866 fois