Géros à Caracas aux frais de l'assemblée


Antony Géros est à Caracas depuis le 10 mai dernier jusqu'à ce samedi 18 mai pour assister au Comité spécial de décolonisation. Un déplacement aux frais de l'assemblée que dénonce l'opposition qui accuse le président de l'assemblée de détourner les moyens publics à des fins politiques. crédit photo APF
Tahiti, le 14 mai 2024 – L'assemblée de Polynésie française vient seulement d'envoyer son mémoire en défense au Conseil d'État pour répondre aux griefs soulevés par le Tapura et Ahip dans leur recours contre le règlement intérieur déposé le 6 janvier dernier. Une lenteur calculée, selon l'opposition, puisqu'elle a permis au président Antony Géros de gagner du temps pour pouvoir assister, aux frais de l'institution, au Comité spécial de décolonisation qui se tient actuellement au Venezuela.

 
Ce n'est pas un hasard du calendrier. Si l'assemblée de la Polynésie française a tant tardé pour envoyer son mémoire en défense au Conseil d'État, après pourtant deux injonctions, c'était tout simplement pour gagner du temps. En effet, ce n'est que le 3 mai dernier, soit quatre mois après le dépôt du recours contre le règlement intérieur de l'assemblée par le Tapura et Ahip, le 6 janvier dernier, que l'assemblée de la Polynésie a enfin daigné répondre à la haute juridiction administrative.
 
Certes, contrairement au recours concernant la loi fiscale, le délai d'instruction est beaucoup plus souple pour une délibération et le Conseil d’État n'est pas contraint de répondre dans les “trois mois". C'est ainsi que l’instance laisse généralement un mois à chaque partie pour se répondre. Mais pendant quatre mois, c'était silence radio du côté de Tarahoi. Pour le Tapura et Ahip, il n'y pas de mystère : Antony Géros a tout simplement voulu “jouer la montre”. Pourquoi donc ?
 
Géros “joue sur les délais” pour justifier son voyage

“Parce que si on regarde une autre date dans le calendrier qui tombe bien à pic, c'est la fameuse réunion au Venezuela du Comité des 24, [Comité spécial de décolonisation, NDLR]. Et on a un président de l'assemblée qui s'est pris un voyage du 10 au 18 mai alors même qu'il n'a pas été invité. Donc il part sur les deniers de l'assemblée”, fustige l'élue du Tapura Tepuaraurii Teriitahi, qui dénonce le fait qu'Antony Géros justifie ce déplacement au nom de la commission de décolonisation créée lors de la modification du règlement intérieur de Tarahoi.
 
Or, celle-ci est contestée dans le recours déposé par l'opposition et elle existe toujours tant que le Conseil d'État n'aura pas rendu sa décision. Ceci explique cela. “Il peut se cacher derrière pour justifier le financement de son déplacement et des personnes qui l'accompagnent”, martèle l'élue du Tapura. Un avis que partage Nicole Sanquer de Ahip : “On joue sur les délais pour ne pas avoir le verdict du Conseil d'État et ainsi justifier un voyage à Caracas pour promouvoir cette commission de décolonisation que le Tavini a réussi à mettre en place à l'assemblée de Polynésie française.”
 
Deniers publics pour financer une idéologie politique
 
D'autant que si lors de la création de cette fameuse commission, Antony Géros avait affirmé qu'elle ne bénéficierait d'aucun crédit, les choses ont changé depuis. Et pas dans le bon sens. “Au vote du budget de l'assemblée, des moyens ont été alloués à cette commission pour recruter des prestataires, des experts ”, déplore ainsi Nicole Sanquer. “Qui peuvent venir de l'étranger”, rebondit Tepuaraurii Teriitahi qui précise : “Donc quand on va avoir des professeurs Fidjiens ou des pasteurs Tongiens qui viendront, ils seront invités par l'assemblée.”
 
Non seulement la commission utilise les moyens financiers de l'institution, mais aussi ses moyens techniques puisque “le secrétariat de cette commission de décolonisation est assuré par le personnel de l'assemblée de Polynésie”, ajoute Tepuaraurii Teriitahi qui relève que par ailleurs, ce “sont uniquement des sujets politiques qui sont débattus dans cette commission”. Autrement dit, le rôle de l'assemblée est dévoyé puisqu'elle est censée travailler pour les élus de tous bords, et pas pour un seul parti politique. “C'est un détournement de moyens publics pour financer une idéologie politique”, assène l'élue du Tapura, appuyée par la représentante Ahip.
 
Elles rappellent que dans leur recours, les autonomistes attaquent plusieurs articles dont la composition même de cette commission qui n'est pas réservée aux seuls élus, et qui en ce sens, ne s'inscrit pas dans le cadre des “travaux législatifs”. Mais aussi l'“omerta” décrétée autour des comptes-rendus de cette commission qui encore une fois, utilise pourtant les deniers publics. Un mélange des genres qui ne passe pas pour l'opposition qui conclut : “Fort heureusement, pour leur déplacement en Azerbaïdjan, ils ne l'ont pas fait au titre de l'assemblée. C'est le parti qui a pris en charge.”

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 14 Mai 2024 à 17:00 | Lu 3652 fois