Gérald Prufer, nouveau directeur de Polynésie 1ère


PAPEETE, le 17 novembre 2016- Polynésie 1ère a accueilli samedi dernier son nouveau directeur, Gerald Prufer. Il arrive de Guyane après avoir jalonné l’ensemble des outremer, conciliant depuis plus de trente ans de carrière au sein du groupe France TV, sa passion des voyages et sa vie professionnelle.

Gérald Prufer se réserve une période d’écoute et de découverte avant de définir les axes de stratégie de l’entreprise Polynésie 1ère dont il a pris la direction le 14 novembre. Il se définit comme un homme de cohésion et de partage pratiquant un management participatif et collaboratif plutôt que patriarcal. Rencontre

Vous venez d’arriver en Polynésie, que connaissez-vous de la région ?
Je suis venu en Polynésie en 2005 - Walles Kotra (actuel directeur de Outremer 1ère- ndlr) était directeur de la station et moi-même j’étais directeur de la station de Nouvelle-Calédonie, à l’occasion d’un séminaire qui n’a duré qu’une semaine. C’est court, mais cela m’a donné l’occasion de faire une sortie en va’a, c’est une discipline que j’avais découvert lorsque j’étais directeur de la station de Wallis-et-Futuna.

Parlez-nous votre connaissance des outre-mer ?
Je suis né en Martinique d’une maman Martiniquaise et d’un papa Français, à Saint-Pierre, la ville où, en 1848, l’acte de l’abolition de l’esclavage a été proclamé, où l’on a donc un passé de lutte…j’ai toujours voulu voyager, et je suis entré dans une société qui est installée dans le monde entier. Ma carrière chez France Télévision est donc pour moi l’aboutissement d’un rêve d’enfant, je fais le tour du monde avec des escales prolongées qui permettent de voir le pays, de le comprendre, et de rayonner tout autour.

En 1981, j’ai commencé comme pigiste chez France Télévision en Martinique, puis j’ai rejoint la métropole, ou j’ai travaillé à Nancy pour France 3 Lorraine. Je suis ensuite parti à la Réunion en tant que rédacteur en chef adjoint du journal puis à Wallis-et-Futuna en tant que rédacteur en chef où j‘ai vécu une très belle expérience professionnelle, à savoir la création d’un journal. Puis de retour au siège, à Paris en 92, comme je revenais du Pacifique, je me suis occupé des éditions de Calédonie, de Polynésie, et de Wallis. Retour en Martinique, où j’ai pris un peu de distance par rapport à l’entreprise, et j’ai exercé un mandat politique pendant 5 ans comme conseiller général et conseiller municipal. C’était passionnant mais ce n’était pas pour moi. Jean-Marie Cavada est venu un jour dans mon bureau en me disant que le groupe avait besoin de moi et il m’a nommé directeur de station à Mayotte (98/99). Fin 99 j’ai été rappelé en Martinique comme rédacteur en chef avec une grande dame qui était alors directrice, mais également chanteuse, Marie-José Alie. Là, j’ai créé le journal en Créole (édition de 13 heures), car je suis adepte des langues régionales.
En 2001, je repars à Wallis-et-Futuna en tant que Directeur, puis en Nouvelle-Calédonie, Paris, la Guadeloupe, la Guyane, puis aujourd’hui la Polynésie.

Pensez-vous que pour chaque région outremer on retrouve les mêmes approches, ou qu’au contraire il faille s’adapter pour chaque territoire à ses spécificités ?
D’abord, c’est moi qui m’adapte, ce n’est pas moi qui vais changer le pays, c’est le pays qui me change. Chaque histoire est différente. Chaque approche est différente. Vous avez des territoires qui sont issus de la colonisation, de l’esclavage, comme la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique ou la Réunion, Mayotte qui sont des terres de conquête coloniale. Et puis vous avez des pays qui ont demandé leur rattachement comme la Polynésie ou Wallis. La Calédonie c’est encore une autre histoire. Dans chacun de ces pays la situation des peuples n’est pas la même, les histoires sont différentes.


prise de contact avec le personnel dans le patio de Polynésie 1ère à Pamatai
Vous venez de prendre vos fonctions à la direction de Polynésie 1ère, quelles sont vos objectifs ? vos stratégies ? vos priorités ?
Aujourd’hui l’entreprise a pris le virage du numérique et entend y développer ses trois supports, télé, radio, et Internet. Le virage ici est déjà largement amorcé, maintenant il faut l’amplifier et le développer. Je n’ai pas de projet tout fait, tout construit. Il y a déjà une phase de rencontre et de compréhension et je ne présenterai pas d’axe stratégique avant janvier–février. Il y a des productions qui existent, qui sont biens, d’autres qu’il faut réajuster, d’autres qu’il faut créer.

Votre prédécesseur avait entamé la convergence des médias. Vous inscrivez-vous dans la même optique ?
Jean-Philippe et moi nous avons grandi ensemble. Nous avons la même vision de la convergence, qui est aussi le choix de l’entreprise.

On l’a vu cela s’est traduit en France par une plateforme commune qui est France info. Pensez vous que France info va devenir tentaculaire qu’il y aura des déclinaisons locales de France info ?
Non je ne crois pas, nous sommes présents sur France info, il faut que nous soyons encore plus présents, surtout pour les événements, mais notre priorité c’est la reconquête de nous-mêmes c’est à dire de France Ô, en priorité. Il faut que France Ô soit une vraie chaîne de diffusion des cultures outre-mer. D’ailleurs le 18 décembre nous faisons une journée spécifique de la Polynésie sur France Ô
L’objectif est de renforcer la chaîne par l’apport des stations pour qu’il y ait plus de visibilité des outre-mer sur la scène nationale.

Envisagez vous une modifications des grilles de programmes ?
Non, pas les nôtres. Nous avons toujours le schéma habituel d’une station outremer, à savoir de maîtriser son antenne, de développer ses propres productions et d’assurer l’info, notre première mission. 365 jours par an, nous devons assurer l’info, c’est notre priorité, en radio, en télé et en Internet, donc je vais me pencher sur l’organisation de l’information et sur la façon dont c’est fait. Il faut que les trois médias avancent en même temps. A un moment donné, nous avons vécu une concurrence mortelle au sein même de l’entreprise. Les gens de la radio lorsqu’ils avaient une info ne la donnaient pas à la télé et vice versa. La station de Polynésie est la première à avoir basculé aussi fort dans la rédaction unique de production pour les trois médias.

Quelle est pour vous la place de la production locale ?
Elle est importante, ainsi que la co-production. On va s’appuyer sur la production locale, notamment pour des magazines de découvertes, tant que l’on maîtrise l’éditorial.

Lors de la remise des prix du concours Hawaiki Nui Va'a
Votre position sur les grands événements aux cotés desquels Polynésie est déjà partenaire ?
Nous souhaitons développer renforcer, ces partenariats. Nous restons partenaires des événements sur lesquels nous sommes déjà positionnés. Evidemment l’Hawaiki Nui parce que la réputation de cette course va largement au-delà de la Polynésie. J’ai même fait participer une équipe au départ de Guyane, cette année. Il y a des courses de pirogue amérindienne en Guyane, et j’ai obtenu une subvention pour qu’une équipe de Guyane viennent participer à l’Hawaiki Nui Va’a. C’est du partage, de l’échange. C’est quelque chose que j’aimerais développer. On a des grilles de programmes qui ne se nourrissent pas assez des productions des pays voisins. Dans le bassin du Pacifique on peut échanger les informations, et faire un vrai maillage. (…)

Connaissez vous votre principal "concurrent", TNTV ?
Déjà, peut-on parler de concurrence ? Concurrence ou continuité ? Mon état d’esprit n’est pas l’affrontement direct. La course aux armements, ça ne sert à rien. Ca sert à épuiser deux médias. Une saine cohabitation, voire même un partage pourrait être une bonne façon d’utiliser les deniers publics d’un coté comme de l’autre. J’ai vécu une expérience. En 2006, à la réunion il y avait une épidémie de chikungunya. Il y avait une concurrence privée qui faisait 3% d'audience et qui faisait une émission médicale. Je faisais aussi une émission médicale. J’ai appelé mon homologue et lui ai proposé d’en faire une ensemble. Nous avons unis nos moyens car il y avait une obligation de service public, de santé publique, donc on a fait une émission en commun.
Je ne suis pas opposé à une discussion, un échange. Je crois que d’un coté comme de l’autre il y a des gens qui sont de bonne volonté, qui connaissent les médias, qui connaissent le pays. Il y a une culture commune à véhiculer. Je pense qu’il y a de la place pour deux.
Je suis pour le partage, pour pouvoir toucher 100% des téléspectateurs.

Juste avant votre arrivée il y a eu une petite grogne dans vos équipes au sujet de la politique d’embauche du personnel qu’en est-il aujourd’hui?
Si vous demandez à un Martiniquais si il est pour l’emploi local, il vous dira qu’il défend l’emploi local. Maintenant, nous sommes dans une société multiple qui a des accords d’entreprise négociés avec son corps social. Il faut les appliquer ces accords. Si on prend le temps de se parler de s’écouter ; si les salariés ne découvrent pas les choses, qu’on anticipe, qu’on explique, qu’on discute : cela peut désamorcer beaucoup de crises. Je n’ai rien à cacher. Aujourd’hui l’information est partout et parfois dans notre entreprise les organisations syndicales ont des informations que l’on n’a pas.

Quelle est votre politique managériale ?
Aujourd’hui le directeur tout puissant qui décidait et arbitrait, c’est fini. Avant même que j’arrive ici, je pense qu’il y avait beaucoup de gens qui avaient appelé d’autres stations pour me connaître. On n’a rien à cacher. Aujourd’hui le fonctionnement, les budgets de la station, les suppressions d’emploi envisagées : tout est sur la table, on y va ensemble. Je défends le travail collaboratif, en interne mais aussi avec le reste du groupe. Nous sommes cinq chaînes, avec des accords d’entreprise : oui, il faut défendre l’emploi local ; mais il ne faut pas empêcher les uns et les autres d’aller d’un territoire à l’autre.

Aujourd’hui au sein du groupe France télévision, les outre-mer représentent un poids financier important. Y a-t-il un risque qu’il y ait des coupes franches dans les moyens qui sont attribués aux outre-mer ?
Ce n’est pas un risque c’est une réalité. On nous a supprimé 400 millions d’euros en supprimant la pub. On est passé par un plan social, on a purgé une partie des effectifs, et on a survécu… Et on va survivre… je l’ai dit aux salariés : ce que tu n’as pas dans la main gauche va le chercher avec ta main droite. Il y a beaucoup de choses localement que l’on peut améliorer.
Il y a des dispositifs qui existent sur la formation, des programmes européens, il faut aller les chercher. Et quand on ne peut pas, on ne peut pas. Il faut savoir dire non.
Là, il me faut donc le temps de la découverte, aller rencontrer les institutions locales, politiques, civiles religieuses, professionnelles, ensuite j’irai présenter ma stratégie aux équipes.

On n’est pas là pour écraser qui que ce soit, ni dedans, ni dehors.

Pour conclure, vous êtes heureux d’arriver en Polynésie ?

Je vais vous répondre que cela fait longtemps que je l'attends. Au-delà des raisons professionnelles, je suis un grand adepte des arts premiers et de Paul Gauguin.

le Jeudi 17 Novembre 2016 à 15:14 | Lu 2444 fois