Gaston Flosse ennuyé dans "un dossier archiprescrit", selon Me Quinquis


Me François Quinquis
PAPEETE, 2 avril 2014 - La levée de l’immunité parlementaire du sénateur Flosse a été demandée par le juge Stelmach qui le soupçonne d'avoir en 2003 usé de son influence de président du gouvernement pour favoriser la SMPP-Sogeba dans le cadre de la passation de lots du chantier pour la construction du centre hospitalier de Taaone. Et ce en échange d'une cession avantageuse à son fils, Réginald, des parts que détenait Robert Bernut sur l'hôtel Tahara'a.

Pour François Quinquis, le juge enquête sur des faits qu’il qualifie "d’opérations régulières, transparentes" survenus il y a bientôt 11 ans et donc aujourd’hui couverts par la prescription triennale. "S’il y a une garde à vue dans un dossier archiprescrit (…), je serai en droit de me poser des questions", expose l’avocat de Gaston Flosse, qui n’hésitait pas début mars à évoquer un acharnement judiciaire contre son client.

Cette levée de l’immunité parlementaire du sénateur Flosse permet à la justice d’exercer à son encontre des "mesure privative ou restrictive de liberté". Quel est le périmètre de cette autorisation ?

Me Quinquis : Je n’ai pas été destinataire de la décision du bureau du Sénat. D’après les renseignements que j’ai pu obtenir de mon correspondant parisien – mais comme ce n’est pas une procédure contradictoire, aucune assurance ne peut être donnée de ce chef – il semblerait que la levée de l’immunité parlementaire ne soit que partielle. Le juge serait autorisé à faire placer l’intéressé en garde à vue, (…) lui impartir une mesure de contrôle judiciaire (…) mais il ne pourrait pas le placer en détention provisoire.

Dans cette affaire le juge soupçonne un acte de favoritisme dans l’attribution de marchés publics sur le chantier de l’hôpital du Taaone.

Me Quinquis : Sur le fond du dossier je ne dirai qu’une seule chose : s’il y avait eu anguille sous roche, eh bien cela voudrait dire que la justice a mal fait son travail, puisque nous sommes en 2014 et les faits soupçonnés se situent en 2003. Le chantier de l’hôpital est un marché public. Et comme son nom l’indique, il est connu de tous depuis 2003. De surcroit la procédure de régularité de l’appel d’offre du marché public de l’hôpital a été vérifiée par la chambre territoriale des comptes, qui une fois de plus n’est pas réputée pour sa complaisance à l’égard de Gaston Flosse et qui n’a strictement rien trouvé à dire dans le dossier. Parallèlement, la question de la cession d’actions dans la société hôtelière du Tahara’a a pris la forme d’un acte, déposé chef maître Cormier, notaire, et publié au registre du commerce et des sociétés. Il s’agit de deux opérations publiques, donc par définition qui ne présentent rien de clandestin, ni d’occulte : ce sont des opérations régulières, transparentes…
Par voie de conséquence, la prescription triennale joue. On ne pourra pas me démontrer le contraire, d’autant que je crois savoir que certains en sont déjà convaincus.


Vous évoquiez début mars un acharnement judiciaire à l’égard de votre client, Gaston Flosse.

Me Quinquis : Je pense qu’il y a en effet des procédures qui sont menées, qui n’ont pas forcément leur place. Et que tout ça peut amener certains à penser qu’il y a une obstination à nuire au président Flosse.

Vous évoquiez début mars une possible demande de récusation du juge d’instruction dans ce dossier.

Me Quinquis : Pour l’instant on en est à la réponse du bureau du Sénat à la demande du juge d’instruction. On constate que le bureau du Sénat ne donne pas entière satisfaction à la demande qui lui a été présentée. Mais il n’y a eu aucune mesure coercitive exercée au moment où nous parlons. Il est donc prématuré pour moi de vous dire : « je demanderai telle ou telle décision » ; « je récuserai telle ou telle personne ». Je ne le ferai que si j’estime devoir le faire et au moment opportun. Mais il est bien évident que s’il y a – prenons cet exemple – une garde à vue dans un dossier archiprescrit pour les raisons que je vous ai indiquées tout à l’heure, je serais en droit de me poser des questions.

Marcel Tuihani, porte parole du gouvernement polynésien en conférence de presse à l'issue du Conseil des ministres ce mercredi.
Pas de conséquence au gouvernement polynésien

Le président Gaston Flosse n’a pas participé hier mercredi au Conseil des ministres hebdomadaire, c’est le vice-président Nuihau Laurey qui a mené les débats. «Des dossiers importants l’ont retenu» expliquait le porte parole du gouvernement polynésien, en conférence de presse à l’issue de ce Conseil des ministres, sans préciser la nature et l’urgence de ces «dossiers importants». Quant à la levée de l’immunité parlementaire de Gaston Flosse «elle ne gênera pas l’action du gouvernement qui continuera à fonctionner même si le président ne peut pas présider le Conseil des ministres comme ce matin» poursuivait Marcel Tuihani.

b[Pourquoi l'immunité parlementaire ?]b

Le principe général de l'immunité parlementaire est de protéger l’indépendance du législateur face au vote, en le mettant à l’abri de pressions de la part du pouvoir politique, judiciaire ou exercées par des intérêts privés.
L’article 26 de la Constitution française précise qu’"aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'assemblée dont il fait partie".
La demande de levée de l'immunité parlementaire du sénateur Flosse a été transmise début mars par le parquet général de Papeete au bureau du Sénat, à l’initiative du juge Stelmach.
Le magistrat instructeur souhaite pourvoir faire entendre Gaston Flosse, sous le régime de la garde à vue dans un dossier de favoritisme soupçonné et de complicité de trafic d’influence.

Rédigé par JPV le Mercredi 2 Avril 2014 à 14:38 | Lu 4881 fois