"Gang" des vélos : des victimes sortent du silence pour éviter qu'un drame ne se produise


Hina et Heiarii sont plus prudents désormais quand ils sortent en ville, le soir. Ils appellent les noctambules à être plus vigilants et à ne surtout pas marcher seuls dans les rues de Pape'ete.
PAPEETE, le 28 mars 2016- Hina et Heiarii* ont été agressés par une bande à vélo le samedi 12 mars, vers 2 heures du matin. Nous les avons rencontrés samedi pour recueillir leur témoignage. Ils lancent un appel aux noctambules afin que ceux-ci restent sur leurs gardes, car ces jeunes à vélo n'ont, selon eux, "aucune éducation".

Il était 2 heures du matin, quand Hina et son petit ami Heiarii ont eu le malheur de se retrouver nez à nez avec le "gang" des vélos, en sortant de boîte de nuit. "On était en train d'aller à notre voiture jusqu'au McDo parce qu'on s'était disputés. Du coup, je suis tombée dans les pommes et lorsque je me suis réveillée, la bande de jeunes était là tout autour", se rappelle Hina.

Les événements se sont enchaînés, le sac de Heiarii ainsi que le portable de Hina leur ont été arrachés. S'ensuit une poursuite pour récupérer leurs biens. "Le gars qui avait le sac de mon copain l'a jeté par terre et le téléphone de Heiarii s'est cassé. Par contre, mon téléphone, ils ne me l'ont pas rendu", déclare Hina. À cet instant, le ton monte très vite quand Heiarii reproche au voleur d'avoir cassé son téléphone. "Un jeune est descendu de son vélo et il a dit à ses amis de s'en prendre à mon copain parce qu'il était tout seul", raconte la jeune femme.

Aujourd'hui, ce jeune couple de 22 ans n'arrive pas à oublier cette mésaventure. Ils la racontent comme si cela s'était produit hier. "Tu ne te sens plus en sécurité à Pape'ete" , rétorque Heiarii. "On était sortis pour aller boire avec des copains. On s'était un peu pris la tête mais ce n'était pas méchant, on est allés pour se parler et tout. Pendant qu'elle était tombée dans les pommes, j'étais en train de la réanimer et là, comme elle a dit, ils arrivent comme cela et ils te demandent si tu veux de l'aide mais, ils te piquent tes affaires par derrière, après ils s'en vont", explique-t-il. "Je me suis dit que si j’en tape un, eh bien les trente me tombent dessus. Et après ma copine qui tombe dans les pommes devant trente garçons, donc je me suis dit aussi que si je me bats, eh bien ils peuvent la prendre et l'emmener quelque part, on ne sait pas ce qui peut se passer." "Ils étaient agressifs", rajoute Hina. "Il y en avait un qui est descendu de son vélo et il a mis sa tête contre la tête de mon copain et il lui a dit : "hey quoi on t'a rendu ton téléphone." J'avais peur et j'ai paniqué et, quand je panique eh bien je tombe dans les pommes."

À l'arrivée des agents de la direction de la sécurité publique (DSP), plus de la moitié des jeunes à vélo s'est enfuie. Hina et Heiarii se sont sentis en sécurité, mais… "Je me suis dit dans ce cas-là, je ne sais pas quelle est la procédure, ils auraient pu prendre quelques jeunes à part et leur demander leurs prénoms, leurs âges, ce qu'ils font par ici… Mais pas du tout", raconte Heiarii. Selon le couple, ces jeunes à vélo devaient avoir une moyenne d'âge de 15 ans.

Cependant, cette mésaventure ne pousse pas pour autant le couple à rester chez eux. Ils sont juste plus prudents désormais, quand ils sortent. "C'est sûr que, dans la tête, après, ce n'est plus pareil, quand tu sors. Quand tu te fais agresser comme cela, eh bien ça te fait réfléchir. Maintenant toutes les personnes que l'on connaît et qui sortent seules, on leur dit de vraiment faire attention parce qu'on ne sait pas ce qui peut arriver. Je n'y croyais pas jusqu'à ce que ça nous arrive et maintenant que cela nous est arrivé, eh bien on tire les leçons de tout cela. Mais bon, il faudrait les arrêter quoi", prévient Heiarii. i["On est encore sortis hier soir [vendredi, NDLR], mais on a fait plus attention. Nos téléphones sont restés à la maison"]i , rajoute Hina.

Le taux de délinquance est en forte augmentation sur le fenua et toute cette violence exaspère les populations. Les causes principales sont l'alcool, la drogue, mais aussi les mauvaises fréquentations. Les forces de l'ordre travaillent actuellement sur un plan d'action pour tenter de mettre fin aux activités de cette « bande à vélo ». Le procureur a été saisi, une note devrait d'ailleurs être envoyée aux services de la DSP cette semaine, afin de leur donner les directives à suivre avant d'agir. Et si ces jeunes se font prendre, la note sera salée. "Au jour d'aujourd'hui, on peut déjà relever certaines infractions au Code de la route, puisqu'ils conduisent très souvent de manière dangereuse. Ils circulent sans éclairage, ce sont des infractions prévues au Code de la route", explique le commandant Tuheiava, chef de l’unité de sécurité et de proximité à la DSP. "Le défaut d'éclairage est passible d'une amende de 3e classe de 8 000 francs. Dans le cas d'une conduite à contresens, cela monte à 30 000 francs, même si ces infractions ne sont pas habituellement relevées. C'est dangereux", précise le procureur José Thorel.

La DSP enquêtera aussi sur l'origine des vélos pour déterminer s'ils sont volés ou non. "Dans le cas précis de ces jeunes à vélo, il y a des soupçons de vol, car nous avons constaté une recrudescence des vols de vélos. La DSP est chargée de mener les vérifications sur la propriété de ces vélos que nous retrouvons dans ces attroupements qui troublent l'ordre public" , ajoute José Thorel.

La responsabilité des parents est également mise en cause. Heiarii, lui, ne mâche pas ses mots : "Qu'est-ce que ces jeunes font sur la route à 2 heures du matin ? Qu'est-ce que les parents font ? Ils se réunissent et ils font vraiment n'importe quoi, ce n'est pas comme s'ils sortaient pour aller faire du vélo ou s'amuser." Le discours est le même du côté de la DSP. "Nous ne pouvons pas soigner tous les maux de la terre. Nous faisons de notre mieux et ce serait bien aussi que les parents en fassent autant", précise le commandant Tamatea Tuheiava.

Le chef de l'unité de sécurité et de proximité à la DSP invite toutes les personnes qui pourraient entrer en contact avec ces jeunes à vélo, à porter plainte en appelant au 17. Toute information concernant l'agissement de ces fauteurs de trouble pourrait permettre aux forces de l'ordre à "mieux cibler les opérations à venir".

*Les prénoms ont été modifiés.



Rédigé par CORINNE TEHETIA le Mardi 29 Mars 2016 à 07:54 | Lu 5021 fois