PAPEETE, le 14 décembre 2016 - Quand Mahinarama a transmis son réseau d’eau à la commune en 2003, les habitants espéraient sécuriser leur alimentation en eau en rejoignant le service public. Mais le manque d’investissements depuis lors a eu l’effet inverse : les résidents subissent une coupure d’eau tous les quatre jours !
Les habitants de Mahinarama n’ont pas tous envie que ça se sache, de peur de faire baisser la valeur de leurs biens. Mais l’exaspération est telle que certains propriétaires n’hésitent plus à en parler : les coupures d’eau incessantes dans la résidence finissent par atteindre leur moral.
Ces coupures ont commencé en 2014, nous raconte Patricia Moreaud, retraitée vivant dans le quartier depuis 2002. Mais cette année, elles ont encore empiré : « en début d’année, du 28 janvier au 9 mars, l’eau était coupée toutes les nuits. On nous a dit que les bassins étaient vides. Ca a recommencé pendant 10 jours en août, et encore une semaine en novembre… Et après chaque coupure d’eau, il faut attendre trois semaines pour savoir si l’eau est à nouveau potable ou non, du coup on ne boit que de l’eau minérale ! »
Pour la vie quotidienne, c’est la galère. Plus de vaisselle, de douche, de lessive ou de cuisine lors de ces coupures surprises. Et les appareils de la maison peuvent aussi souffrir et provoquer des frais : « Nos installations souffrent. Dans les chauffe-eaux solaires, si on oublie de fermer les vannes pendant une coupure, au retour de l’eau, elle fait bélier et peut détruire les régulateurs et les vannes de surpression. Une machine à laver en train de tourner pendant une coupure peut griller, les canalisations souffrent… »
CAPTAGE ENDOMMAGÉ, FUITES DANS LE RÉSEAU
Lors d’une réunion d’information entre les résidents de Mahinarama et les services techniques de la mairie, les habitants auraient appris que des éboulements près du captage des Mille-sources avaient endommagé 400m de conduites l’année dernière. Mais les 7 km de piste pour y accéder étant mal entretenus (l’équipement a refusé d’accorder une aide en matériel pour l’entretien de ce chemin) et le maire refusant « de faire courir le moindre danger à ses hommes », la réparation a pris beaucoup de temps.
Et ce n’est que le dernier gros problème en date. Mahinarama a été construit progressivement depuis les années 50 (avec un gros développement dans les hauteurs dans les années 80), et la résidence avait mis en place son propre réseau d’eau privé. Il a été cédé à la mairie en 2003, en l’état. Il a aujourd’hui entre 50 et 30 ans et il faudrait, selon les demandes de subventions de la mairie, 321 millions de francs pour le remettre en ordre de marche, reboucher les nombreuses fuites et le connecter au reste du réseau communal.
« Quand la commune a repris le réseau en 2003, il y a eu certainement des arrangements entre le propriétaire et la commune puisqu’il n’y avait ni plan du réseau, ni état des lieux des ouvrages. C’est même précisé dans l’acte de transfert » explique Warren Afo, l’élu en charge de l’eau potable. « Aujourd’hui, le fond du problème c’est que le réseau de distribution est vieux, du coup on a du mal à garder les réservoirs pleins. Le réseau entre le captage et les réservoirs, ça va, c’est entre les réservoirs et les abonnés qu’il y a tellement de fuites que les bassins se vident. D’autant que la pente est raide, donc la pression de l’eau est importante. La moindre fuite sur le réseau provoque des pertes en centaines de litres » analyse l’élu. Et quand les bassins sont trop peu remplis, la régie doit couper l’eau aux abonnés afin de garder la réserve minimale pour la lutte contre les incendies, en attendant que ça se remplisse.
LA MAIRIE CHERCHE DE NOUVELLES SOURCES DE LIQUIDE
Le maire, informé de la situation en début d’année, avait alors proposé de demander des fonds au Contrat de projets pour relier le réseau de Mahinarama à celui de Super Mahina, afin de pouvoir alimenter la première avec l’eau de la seconde quand les cuves sont vides. Mais les fonds n’ont pas été accordés et les travaux n’ont pas pu débuter. La commune fait maintenant des dossiers de subvention pour 2017.
Le maire n’a pas non plus les mains libres pour investir. Car à Mahina, l’eau est un sujet sensible et très complexe. Les 3000 abonnés de la commune appréhendent le changement prévu pour l’année prochaine, quand ils vont passer du forfait à une facturation au volume consommé (de 80 Fcfp à 120 Fcfp le m3 d’eau), ce qui devrait augmenter la facture pour la plupart des familles. Sauf à Mahinarama, où les abonnés sont les seuls à déjà payer au compteur.
Lancer de gros travaux sans aide de l’Etat ou du Pays devra forcément être répercuté sur les abonnés de la commune, une décision impopulaire. De plus, la mairie fait face à un torrent d’impayés, certains datant de 1987 ! Du coup, les fonds de la régie de l’eau sont asséchés et elle ne peut pas investir dans la rénovation de son réseau, qui fuite dans la plaine comme dans la montagne. Warren Afo affirme que la régie de l’eau se noie dans les impayés : « il faut être honnête, la régie n’a plus d’argent. On a de grosses difficultés dans la collecte des impayés, disons qu’on hérite d’un héritage lourd. Aujourd’hui on essaye de changer les mentalités et de chasser les impayés, mais c’est lent. »
LA RÉGIE DE L’EAU EST À SEC
Le manque de moyens est tel qu’après la panne de deux véhicules en 2014, la régie s’est retrouvée presque immobilisée l’année dernière. Dans un mail envoyé fin 2015, le directeur de la régie résumait ainsi le fond du problème pour Mahinarama : « Les budgets de la Régie ne sont pas extensibles malheureusement, aucun programme de renouvellement de notre parc de véhicule (à part tout de même un Pel Job cette année et un camion début 2016) n’est prévu. Je vous le dit honnêtement, il me semble que c’est la raison essentielle qui explique la fréquence de ces incidents. Avec en plus, le problème d’un manque d’effectif ! » Les dernières nouvelles sur ce front sont d'ailleurs plutôt bonnes pour les habitants puisque la régie a désormais un quad pour faire la route vers le captage, et le Pel Job en cas d'éboulement.
Malgré tout les problèmes persistent à cause des fuites. Il n’y a plus d’argent à la régie et il n’y a pas de solution évidente en attendant les éventuelles subventions du Pays. Les résidents de Mahinarama en sont même à proposer de financer les travaux eux-mêmes, voire de privatiser à nouveau leur réseau. Certains encouragent la mairie à confier tout son réseau d’eau à une entreprise privée qui pourrait investir.
Bref, la situation s’enlise, les vagues promesses ne sont pas tenues et les habitants n’en mènent pas large. Patricia, qui tient le compte exact des coupures d’eau qui affectent les 468 abonnés de Mahinarama, nous explique qu’en 2016 elle en a déjà compté plus de 80. Ca fait presque une coupure tous les quatre jours et les habitants du quartier sont clairement excédés par cette situation. En attendant une solution, les habitants de Mahinarama s’équipent avec leurs propres réservoirs. La vie d’atoll dans les montagnes de Tahiti…
Les habitants de Mahinarama n’ont pas tous envie que ça se sache, de peur de faire baisser la valeur de leurs biens. Mais l’exaspération est telle que certains propriétaires n’hésitent plus à en parler : les coupures d’eau incessantes dans la résidence finissent par atteindre leur moral.
Ces coupures ont commencé en 2014, nous raconte Patricia Moreaud, retraitée vivant dans le quartier depuis 2002. Mais cette année, elles ont encore empiré : « en début d’année, du 28 janvier au 9 mars, l’eau était coupée toutes les nuits. On nous a dit que les bassins étaient vides. Ca a recommencé pendant 10 jours en août, et encore une semaine en novembre… Et après chaque coupure d’eau, il faut attendre trois semaines pour savoir si l’eau est à nouveau potable ou non, du coup on ne boit que de l’eau minérale ! »
Pour la vie quotidienne, c’est la galère. Plus de vaisselle, de douche, de lessive ou de cuisine lors de ces coupures surprises. Et les appareils de la maison peuvent aussi souffrir et provoquer des frais : « Nos installations souffrent. Dans les chauffe-eaux solaires, si on oublie de fermer les vannes pendant une coupure, au retour de l’eau, elle fait bélier et peut détruire les régulateurs et les vannes de surpression. Une machine à laver en train de tourner pendant une coupure peut griller, les canalisations souffrent… »
CAPTAGE ENDOMMAGÉ, FUITES DANS LE RÉSEAU
Lors d’une réunion d’information entre les résidents de Mahinarama et les services techniques de la mairie, les habitants auraient appris que des éboulements près du captage des Mille-sources avaient endommagé 400m de conduites l’année dernière. Mais les 7 km de piste pour y accéder étant mal entretenus (l’équipement a refusé d’accorder une aide en matériel pour l’entretien de ce chemin) et le maire refusant « de faire courir le moindre danger à ses hommes », la réparation a pris beaucoup de temps.
Et ce n’est que le dernier gros problème en date. Mahinarama a été construit progressivement depuis les années 50 (avec un gros développement dans les hauteurs dans les années 80), et la résidence avait mis en place son propre réseau d’eau privé. Il a été cédé à la mairie en 2003, en l’état. Il a aujourd’hui entre 50 et 30 ans et il faudrait, selon les demandes de subventions de la mairie, 321 millions de francs pour le remettre en ordre de marche, reboucher les nombreuses fuites et le connecter au reste du réseau communal.
« Quand la commune a repris le réseau en 2003, il y a eu certainement des arrangements entre le propriétaire et la commune puisqu’il n’y avait ni plan du réseau, ni état des lieux des ouvrages. C’est même précisé dans l’acte de transfert » explique Warren Afo, l’élu en charge de l’eau potable. « Aujourd’hui, le fond du problème c’est que le réseau de distribution est vieux, du coup on a du mal à garder les réservoirs pleins. Le réseau entre le captage et les réservoirs, ça va, c’est entre les réservoirs et les abonnés qu’il y a tellement de fuites que les bassins se vident. D’autant que la pente est raide, donc la pression de l’eau est importante. La moindre fuite sur le réseau provoque des pertes en centaines de litres » analyse l’élu. Et quand les bassins sont trop peu remplis, la régie doit couper l’eau aux abonnés afin de garder la réserve minimale pour la lutte contre les incendies, en attendant que ça se remplisse.
LA MAIRIE CHERCHE DE NOUVELLES SOURCES DE LIQUIDE
Le maire, informé de la situation en début d’année, avait alors proposé de demander des fonds au Contrat de projets pour relier le réseau de Mahinarama à celui de Super Mahina, afin de pouvoir alimenter la première avec l’eau de la seconde quand les cuves sont vides. Mais les fonds n’ont pas été accordés et les travaux n’ont pas pu débuter. La commune fait maintenant des dossiers de subvention pour 2017.
Le maire n’a pas non plus les mains libres pour investir. Car à Mahina, l’eau est un sujet sensible et très complexe. Les 3000 abonnés de la commune appréhendent le changement prévu pour l’année prochaine, quand ils vont passer du forfait à une facturation au volume consommé (de 80 Fcfp à 120 Fcfp le m3 d’eau), ce qui devrait augmenter la facture pour la plupart des familles. Sauf à Mahinarama, où les abonnés sont les seuls à déjà payer au compteur.
Lancer de gros travaux sans aide de l’Etat ou du Pays devra forcément être répercuté sur les abonnés de la commune, une décision impopulaire. De plus, la mairie fait face à un torrent d’impayés, certains datant de 1987 ! Du coup, les fonds de la régie de l’eau sont asséchés et elle ne peut pas investir dans la rénovation de son réseau, qui fuite dans la plaine comme dans la montagne. Warren Afo affirme que la régie de l’eau se noie dans les impayés : « il faut être honnête, la régie n’a plus d’argent. On a de grosses difficultés dans la collecte des impayés, disons qu’on hérite d’un héritage lourd. Aujourd’hui on essaye de changer les mentalités et de chasser les impayés, mais c’est lent. »
LA RÉGIE DE L’EAU EST À SEC
Le manque de moyens est tel qu’après la panne de deux véhicules en 2014, la régie s’est retrouvée presque immobilisée l’année dernière. Dans un mail envoyé fin 2015, le directeur de la régie résumait ainsi le fond du problème pour Mahinarama : « Les budgets de la Régie ne sont pas extensibles malheureusement, aucun programme de renouvellement de notre parc de véhicule (à part tout de même un Pel Job cette année et un camion début 2016) n’est prévu. Je vous le dit honnêtement, il me semble que c’est la raison essentielle qui explique la fréquence de ces incidents. Avec en plus, le problème d’un manque d’effectif ! » Les dernières nouvelles sur ce front sont d'ailleurs plutôt bonnes pour les habitants puisque la régie a désormais un quad pour faire la route vers le captage, et le Pel Job en cas d'éboulement.
Malgré tout les problèmes persistent à cause des fuites. Il n’y a plus d’argent à la régie et il n’y a pas de solution évidente en attendant les éventuelles subventions du Pays. Les résidents de Mahinarama en sont même à proposer de financer les travaux eux-mêmes, voire de privatiser à nouveau leur réseau. Certains encouragent la mairie à confier tout son réseau d’eau à une entreprise privée qui pourrait investir.
Bref, la situation s’enlise, les vagues promesses ne sont pas tenues et les habitants n’en mènent pas large. Patricia, qui tient le compte exact des coupures d’eau qui affectent les 468 abonnés de Mahinarama, nous explique qu’en 2016 elle en a déjà compté plus de 80. Ca fait presque une coupure tous les quatre jours et les habitants du quartier sont clairement excédés par cette situation. En attendant une solution, les habitants de Mahinarama s’équipent avec leurs propres réservoirs. La vie d’atoll dans les montagnes de Tahiti…