Gabriel Levionnois : “Je mange donc nous sommes”


Tahiti, le 15 novembre 2022 - Il a fondé le restaurant Au p’tit café. Gabriel Levionnois est aussi à l’origine, entre autres, de Pacific Food lab, le cluster de l’alimentation durable. Polynésien d’origine, il a sillonné les îles du Grand-Océan. Il s’est finalement installé en Nouvelle-Calédonie où il est devenu un acteur incontournable de la transition alimentaire.
 
Qu’est-ce qui vous anime en tant que chef cuisinier ?
“Je suis depuis toujours la même démarche, je vise la résilience et la durabilité. Le sujet de l’alimentation devient enfin, mais depuis peu, un sujet sociétal, culturel, environnemental, éducatif… Il revient, doucement, au centre. Il reprend sa place fondamentale de pilier du bien-être personnel et commun. Il semble, vu la situation de la planète, qu’il y ait un problème à régler. Je pense qu’une autre façon d’appréhender la question est possible. Nous pouvons passer par le versant ensoleillé de la montagne pour trouver des solutions.”
 
C’est-à-dire ? Quel serait le point de vue à adopter ?
“Nous pouvons envisager un chemin plus agréable que les injonctions et interdictions en passant par le partage, le goût, la saveur. Je pose un autre cogito que ‘Je pense donc je suis’ qui serait ‘Je mange donc nous sommes’. Ce qui entraînerait un changement de paradigmes. Que peut-on faire ? D’où venons-nous et où souhaitons-nous mener notre pirogue ? Quel voyage voulons-nous faire ? Il faut mettre le cap sur le succulent, le délicieux de chaque bouchée, sur la sobriété savoureuse, penser au bien-être de soi-même et des autres. L’idée n’est pas d’avoir à manger, mais d’être à manger.”
 
Comment agir ? Quels sont vos leviers ?
“Tout passe par l’assiette. Dans chaque bouchée doit se trouver un concentré de ce qui nous ramène à notre histoire. Il y a, comme sur une pirogue double, d’une part ceux qui alimentent et de l’autre ceux qui s’alimentent. Nous sommes complètement déconnectés de notre environnement comestible. Comment faire une passerelle entre ces deux mondes ? Il faut déterminer et formaliser ce qui pourrait devenir les 'iatos.”
 
Vous avez fondé Au p’tit café, quel est le concept de ce restaurant ?
“Le chef et les cuisiniers créent chaque semaine de nouveaux plats en fonction des produits de saison. Le restaurant se tourne toujours plus vers le développement durable, le respect de l’environnement en évitant au maximum le gaspillage et en gardant la saveur au cœur du tout. L’idée ? Bien se nourrir, se respecter, se faire plaisir. Aujourd’hui, le restaurant vogue sans moi, il y a une équipe bien installée sur place. Je me suis tourné vers le projet Uma kitchen. Le terme signifie ‘la cuisine de la case, de la maison’ en langue Drehu. Uma est aussi le diminutif de Umami, la saveur délicieuse en japonais. C’est une émission culinaire où des chefs cuisiniers amateurs vont créer à partir de produits locaux. L’un des défis majeurs de l’anthropocène est de remettre du sens dans notre acte de manger avec les ressources dont nous disposons autour de nous.”
 
Vous êtes toujours engagé au sein de Pacific Food Lab, le cluster de l’alimentation durable en Nouvelle-Calédonie né en 2014 ?
“Oui, nous y menons divers projets dont Bien manger pour mieux apprendre, Cantines à l’unisson et d'autres opérations auprès des cuisines scolaires. Mais ce ne sont là que des exemples parmi d’autres.”
 

Rédigé par Salon du livre le Lundi 14 Novembre 2022 à 16:49 | Lu 2213 fois