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Futur statut de la Nouvelle-Calédonie: ce que propose l'État


Crédit Theo Rouby / AFP / Hans Lucas
Crédit Theo Rouby / AFP / Hans Lucas
Nouméa, France | AFP | mardi 25/09/2023 - Indépendantistes et non-indépendantistes calédoniens ont jusqu'à mi-octobre pour amender un projet de futur statut de la Nouvelle-Calédonie, présenté par le gouvernement aux deux délégations début septembre, et dont l'AFP a pu prendre connaissance.

Le document élaboré par l'État doit servir de bases aux discussions qu'entend mener le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, fin octobre à Nouméa, dans le but de parvenir à un accord menant à une réforme constitutionnelle début 2024.

Naissance d'un "peuple néo-calédonien"
Pour la première fois, le texte proposé fait référence dans son préambule au "peuple néo-calédonien", l'accord de Nouméa en 1998 ayant déjà consacré l'existence du "peuple kanak". Il s'agit d'une exception au sein de la République, qui ne reconnaît que le peuple français. 

La notion de "peuple calédonien" a longtemps été rejetée par les non-indépendantistes. Pour une partie d'entre eux, dont l'ex-sénateur (LR) Pierre Frogier, battu aux élections sénatoriales dimanche, employer ce terme au détriment du peuple français est "un gage donné aux indépendantistes". Au contraire, la coalition Les Loyalistes a évolué sur la question, au point d'inscrire la notion de "peuple calédonien" dans son projet institutionnel.

Citoyen après dix ans de résidence
Fin juillet à Nouméa, le président de la République avait appelé à l'établissement "d'une citoyenneté pleine et entière, fondée sur un contrat social fait de devoirs et de droits, et non pas sur la seule inscription sur une liste électorale. Une citoyenneté locale qui prenne en compte l'histoire, la culture, l'appartenance au Caillou". 

Le projet de statut est plus laconique. Il conditionne l'obtention de la citoyenneté locale à une durée de résidence, fixée à dix ans. Cette durée fait l'objet d'un débat passionné sur le territoire, les non-indépendantistes réclamant un délai plus court, tandis que les indépendantistes en faisaient un préalable pour accepter de discuter avec l'Etat.

Cette citoyenneté locale donnerait accès à des droits particuliers en termes d'emploi, comme c'est déjà le cas. De même, elle continuerait à conditionner la possibilité de voter pour les "élections aux institutions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie et l'exercice du droit à l'autodétermination." 

Une place à part dans la constitution
Le titre XIII de la Constitution française, qui porte sur la Nouvelle-Calédonie, devra être "réécrit" pour acter "les institutions, les principes ou les règles spécifiques" au territoire: la valeur législative des lois de pays votées par le Congrès calédonien, "la reconnaissance d'une citoyenneté néo-calédonienne" et les conditions de l'exercice du droit à l'auto-détermination.

Des institutions revues
Le schéma institutionnel actuel (congrès de la Nouvelle-Calédonie, provinces et gouvernement) connaîtrait deux modifications substantielles. Le président du gouvernement serait directement désigné par le congrès, dont le nombre d'élus serait revu à la baisse (32 au lieu de 54), et surtout dont la composition serait modifiée. 

La proportion d'élus en provenance des provinces Nord et des îles Loyauté, à majorité indépendantiste, légèrement surreprésentées depuis l'accord de Nouméa, baisserait au profit de la province Sud, dans un souci de rééquilibrage politique.

Pas de nouveau référendum à court terme
C'est sans doute le point le plus décrié par les indépendantistes: sans fixer de date, le document n'envisage pas de nouveau scrutin d'autodétermination "avant deux générations, à compter du prochain accord". A l'issue de ce délai, le congrès, "à la majorité des deux tiers", pourra décider de proposer un nouvel accord, soit à l'État soit au vote des Calédoniens.

Une manière de tuer le droit à l'autodétermination, selon les indépendantistes, puisque la nouvelle composition du congrès leur rendra cette majorité moins accessible.

Les transferts de compétence entérinés
L'accord de Nouméa a institué un transfert progressif de compétences à la Nouvelle-Calédonie (hors domaine régalien, comme la justice, la défense ou la monnaie). Le territoire bénéficie donc aujourd'hui d'une très large autonomie sur laquelle le gouvernement ne souhaite pas revenir. 

"Les partenaires réaffirment solennellement leur attachement à la méthode, aux principes et aux orientations tracées dans le préambule de Nouméa", écrivent les rédacteurs du projet. Or, ce préambule prévoyait que "les compétences transférées ne pourront revenir à l'État."  

Une partie des non-indépendantistes, réunis dans la coalition "Les Loyalistes", souhaite pour sa part la possibilité de revenir sur ces transferts.

Le nouveau texte prévoit toutefois deux exceptions: en cas de carence, la sécurité civile pourra revenir à nouveau à l'État. Une disposition permettrait aussi aux Calédoniens de bénéficier d'un numéro de Sécurité sociale mais les indépendantistes y sont opposés, puisque cela donnerait à l'État français l'accès au registre de l'état civil coutumier, ce qu'ils considèrent comme un retour de fait sur le transfert de cette compétence.

le Mardi 26 Septembre 2023 à 06:08 | Lu 1224 fois