Fuites de WikiLeaks: réaction et révélations.


WASHINGTON, 30 novembre 2010 (AFP) - Les fuites de 250.000 notes diplomatiques américaines orchestrées par WikiLeaks provoquaient lundi la consternation dans les chancelleries du monde entier, tandis que la Maison Blanche a réagi en qualifiant cette opération de "crime grave".

WikiLeaks et ceux qui disséminent ces informations "sont des criminels", a dénoncé Robert Gibbs, porte-parole de la présidence américaine, jugeant que ces fuites constituent "de graves violations de la loi et une menace grave pour ceux qui mènent et aident notre politique étrangère".

De son côté, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton a évoqué une "attaque contre la communauté internationale".

Elle s'était auparavant entretenue avec son homologue turc Ahmet Davutoglu, qualifié dans certains télégrammes diplomatiques "d'exceptionnellement dangereux" par un informateur des diplomates américains en poste à Ankara.

Au cours de leur rencontre, tous deux "ont discuté du problème de WikiLeaks et le ministre des Affaires étrangères (turc) a apprécié les commentaires directs et francs de la secrétaire" d'Etat, a déclaré à la presse le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley.

M. Davutoglu, au côté de Mme Clinton, a déclaré que son pays maintenait "un partenariat stratégique" avec Washington.

Les documents, récupérés par WikiLeaks et communiqués à plusieurs grands médias, jettent une lumière crue sur les coulisses de la diplomatie américaine.

On y apprend pêle-mêle que le roi Abdallah d'Arabie saoudite s'est prononcé auprès de Washington pour une attaque contre l'Iran, que les diplomates américains voient en Nicolas Sarkozy un homme "susceptible et autoritaire", ou que la Russie serait un "Etat mafieux virtuel".

Lundi, les partenaires de Washington reprenaient la rhétorique empruntée par les Etats-Unis, en vilipendant les méthodes du site internet.

La France a déploré une divulgation "délibérée et irresponsable".

En Italie, le ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, a dit craindre un "11-Septembre de la diplomatie mondiale".

Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien mis sur le même plan qu'Adolf Hitler dans certaines notes américaines, a jugé ces documents "sans valeur", expliquant dans un même souffle que ces publications "font partie d'une campagne de guerre d'information" contre Téhéran, orchestrée par les Etats-Unis.

Mais les dirigeants raillés ou mis en cause dans ces notes se sont empressés d'assurer que ces "ragots", selon Guido Westerwelle, ministre allemand des Affaires étrangères, ne portaient pas atteinte à leurs relations avec Washington. Et un porte-parole du Premier ministre britannique David Cameron a assuré que son pays continuerait à "travailler étroitement avec les Etats-Unis".

L'Afghanistan ne pense pas non plus que ses relations avec les Etats-Unis subiront des dommages, en dépit de documents décrivant le président Hamid Karzaï comme "faible" et son frère Ahmed Wali comme un baron de la drogue corrompu.

Au Proche-Orient, un haut responsable israélien estime qu'Israël "s'en tire à très bon compte", les fuites confirmant la position officielle d'Israël en faveur d'une grande fermeté à l'égard de Téhéran.

Côté américain, la riposte s'articule autour de deux axes: poursuites judiciaires et prévention contre de nouvelles fuites.

Le ministre de la Justice Eric Holder a rappelé qu'une "enquête pénale est en cours, nous ne sommes pas en position pour l'instant de donner des résultats, mais l'enquête est en cours".

La Maison Blanche a annoncé avoir ordonné un passage en revue des procédures de sécurité pour éviter de nouvelles révélations.

Mais Sarah Palin, figure des ultra-conservateurs américains, a estimé sur sa page Facebook que les fuites "soulevaient de graves questions quant à l'incompétence de l'administration Obama dans la gestion de cet énorme fiasco".

Elle a néanmoins qualifié Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, "d'agent anti-américain qui a du sang sur ses mains".

En Amérique latine, le président vénézuélien Hugo Chavez a demandé à Mme Clinton de démissionner, estimant que "l'empire (américain) est mis à nu".

Et son allié, l'Equateur, s'est dit prêt à accueillir Julian Assange, qui vit caché depuis qu'il est dans le collimateur de Washington.

bur-gde/bar/cn/ple

WikilLeaks: révélations du mardi 30 novembre

30/11/2010 06h16 - USA-MÉDIAS-INTERNET-DIPLOMATIE-DOC - Monde (FRS) - AFP

PARIS, 30 novembre 2010 (AFP) - Voici les principales révélations faites mardi dans l'affaires des fuites de télégrammes diplomatiques américains divulgués par WikiLeaks:

LA CHINE MECONTENTE DE LA COREE DU NORD, MAIS IMPUISSANTE

- un diplomate chinois dont le nom n'a pas été divulgué a estimé que la Corée du Nord "est allée trop loin" en procédant à un deuxième essai nucléaire. Selon lui, "des officiels chinois ont fait part de leur mécontentement à leurs homologues nord-coréens en pressant (la Corée du nord) de retourner à la table des négociations" sur son programme nucléaire. "Malheureusement, ces protestations n'ont pas eu d'effets".

KOWEIT : POUR LES SUSPECTS DE GUANTANAMO, LA MORT

- en février 2009, cheikh Jaber Al-Khalid Al-Sabah, ministre de l'Intérieur du Koweït, lance à un diplomate américain à propos de quatre prisonniers koweïtiens du camp de Guantanamo : "Laissez-les mourir. S'ils sont pourris, ils sont pourris (...) Vous les avez capturés en Afghanistan, renvoyez-les là-bas en pleine zone de guerre".

ARABIE SAOUDITE : GUANTANAMO, LES FAUCONS ET LES PURS SANG

- John Brennan, conseiller antiterroriste de Barack Obama, évoque en mars 2009 avec le roi Abdallah d'Arabie saoudite 99 Yéménites encore détenus à Guantanamo et devant être libérés.

Le souverain suggère d'implanter sur eux une puce électronique permettant de les pister "via Bluetooth". "On fait ainsi avec les chevaux et les faucons". John Brennan rétorque que "les chevaux n'ont pas de bons avocats".

EGYPTE : MOUBARAK VEUT UN DICTATEUR EQUITABLE POUR L'IRAK

- le président égyptien Hosni Moubarak évoque la situation en Irak en 2008 devant des parlementaires américains : "Renforcez les forces armées, relâchez votre emprise, et il y aura un coup d'Etat. Alors vous aurez un dictateur, mais quelqu'un d'équitable. Oubliez la démocratie, les Irakiens sont par nature trop durs".

LIBERATIONS PRESIDENTIELLES AFGHANES :

- le président afghan Hamid Karzaï et le procureur général d'Afghanistan, Muhammad Ishaq Alko, ont ordonné la libération sans procès des dizaines de criminels, ex-suspects de Guantanamo et trafiquants de drogue arrêtés par les forces internationales. "Les libérations avant procès ont continué bien que nous ayons protesté et exprimé nos inquiétudes auprès du gouvernement afghan", selon l'ambassade américaine à Kaboul. D'autres télégrammes déjà publiés lient le frère de M. Karzaï au trafic de drogue.

PRESIDENT CAMELEON POUR HAITI :

- le président haïtien sortant René Préval a un "caractère de caméléon" avec lequel il est difficile de coopérer et se montre "têtu et soupçonneux" selon un télégramme de juin 2009, sept mois avant le séisme.

bur/so/jls

Rédigé par Par Guillaume DECAMME le Lundi 29 Novembre 2010 à 20:50 | Lu 1014 fois