Fritch veut “laisser les mains libres aux Marquisiens”


Tahiti, le 23 avril 2023 – Alors qu'il compte sur le vote des Marquisiens pour grapiller des voix à Tahiti, Édouard Fritch a offert son accord aux hakaiki pour leur demande de communauté d'archipel.
 
Les Marquises viennent aujourd'hui au secours des îles du Vent pour le Tapura ?

“Ils ont effectivement estimé qu’on devrait pouvoir faire mieux, puisque comme vous le savez il y a ici à Tahiti une forte délégation de Marquisiens qui votent. La proposition a été spontanée et ils m’ont envoyé un message mardi ou mercredi, pour dire qu'ils vont descendre en force pour essayer de nous soutenir et d’inviter les Marquisiens de Tahiti à voter pour la liste du Tapura. C’est un geste de solidarité et effectivement ce sont les plus petits qui sont venus au secours des plus grands. (…) Je crois qu’il y a une communauté d’un peu moins de 20 000 Marquisiens qui vit sur Tahiti. Je pense que leurs voix devraient venir en tous les cas augmenter le score obtenu par le Tapura. Toutes les voix sont bonnes à prendre et chaque voix a son importance. Une seule suffit pour faire basculer la majorité dans un camp ou dans l’autre.”
 
Vous disiez qu'il n'est plus question pour Tahiti d’imposer un schéma de développement pour les Marquises ?

“Vous avez remarqué lors de leurs discours respectifs que ce qu’ils ont compris des relations entre les Marquisiens et le gouvernement polynésien, c’est qu’il y a un véritable échange. La Codim que nous avons soutenue a effectivement beaucoup avancé dans la conception, dans la vision du développement des Marquises. Et bien sûr ce n’est pas toujours facile pour nous d’accepter, parce que lorsque l'on fait des projections on n'est pas tout à fait en adéquation avec eux.”
 
Ce n’est pas parce qu'il y a les élections que vous avez entendu et compris et Marquisiens ?

“Non, c’est eux qui le disent. Cela fait dix ans qu’ils essaient de se réunir. De se mettre ensemble pour défendre les projets marquisiens. Ce n’est pas un travail de court terme. Cela fait bien quatre ans où, sérieusement, nous nous sommes mis autour de la table. Regardez ou re-visionnez mes voyages aux Marquises. J’ai essayé de comprendre leur motivation, leur vision. Je n’ai pas tout compris encore. Mais je crois avoir perçu le sens de leur vision sur les Marquises de demain. Bien sûr, ils veulent profiter de l’autonomie pour se développer et essayer de faire mieux avec ce qu’ils ont aujourd’hui. Ils veulent faire revenir leur population chez eux, car ils ont besoin de mains pour avancer. Aujourd’hui, il y a une espèce d’harmonie dans les visions des uns et des autres sur le développement des Marquises.”
 
Il a aussi été question de l’aéroport international à Nuku Hiva ?

“Cela fait deux ans que nous y travaillons. Bien sûr, aujourd’hui cela prend des proportions importantes à cause des élections. Et comme je l’ai dit aujourd’hui, un aéroport international aux Marquises, on peut estimer que c’est un petit peu trop tôt. Car faire poser des Boeings, des avions à Nukuataha suppose que, derrière, il y ait des infrastructures. Car un avion, c’est 150 à 200 places. On a un petit hôtel et quelques pensions de familles. Mais franchement on ne serait pas aujourd’hui capables de recevoir tout ce monde. Ce qui est souhaité, c’est un développement dans le temps. L’autre thèse qui vient soutenir cet aéroport aux Marquises, c’est le réchauffement planétaire avec la montée des eaux à très court terme. Et lorsque vous regardez les cinquante aéroports de Polynésie, ils sont tous au niveau de la mer et peuvent être mis en péril en cas de tsunami, de montée des eaux. Il faut à mon avis qu’on construise un aéroport en hauteur. Aujourd’hui on va allonger cette piste de Nukuataha, on va l’élargir et on mettra les moyens.”
 
Lors de la demande initiale des hakaiki pour mettre en place la communauté des archipels, vous n'étiez pas trop d'accord avec ce projet de développement. Qu’en-est-il aujourd’hui ? Ne craignez-vous pas qu'ils demandent plus d'indépendance ou d’autonomie par rapport à Tahiti ?

“Je crois qu’il ne faut pas penser indépendance des îles Marquises par rapport à Tahiti. La Polynésie est un ensemble uni d’îles et de populations. Il ne faut pas qu’il y ait de séparation d’un des archipels. Mais c’est la raison pour laquelle j’ai bien compris qu’il faut leur laisser les mains libres. Il faut les accompagner et surtout il faut à terme augmenter leurs recettes propres. Attention, car aujourd’hui la solidarité joue dans l’autre sens. Tous nos Marquisiens qui vivent là-bas et qui sont au RSPF, c’est ici à Tahiti qu’on ramasse une grande partie des impôts qui sert à exercer la solidarité envers ces îles lointaines. Donc, il y a là un chantier important à faire.”
 
Vous disiez aujourd'hui que “le bonheur en politique c’est quand les paroles sont en accord avec les actes”. Est-ce que ce n'est pas un peu l'inverse qu'on vous a reproché ?

“Cela fait quelques temps que je mets cela en action. Cela fait cinquante ans qu’on dit ‘il faut que les Polynésiens accèdent à leur foncier’. Le bonheur du Polynésien, c’est d’être chez lui. Effectivement, on n’a jamais mis cela en route. Nous sommes le premier gouvernement à donner la possibilité aux Polynésiens de réaccéder à leurs terres. Les terrains qui sont gérés par le Pays, je les restitue. C’est ce qui s'est passé aux Australes. Je vais le faire aux Gambier, car il y a un vrai problème sur les titres de propriété. Et je vais surtout le faire aux Marquises. Oui, il faut lier les paroles aux actes pour qu’on ait le bonheur en point de mire. L'idéal n’est jamais atteint, mais j’aurai la conscience tranquille et je pense l’avoir aujourd’hui dès lors où effectivement on transforme en acte ces paroles ou ces engagements. Ce n’est jamais facile. On ne tient pas tous ses engagements, je le reconnais, mais avec le temps je pense pouvoir réaliser l’essentiel pour la population. (…)”
 
Est-ce qu'on ne vous reproche pas également d'avoir eu un comportement trop hautain ?

“Non, ce n’est pas ça. Il faut comprendre que pendant deux ans je n’ai pas eu le travail facile. J’ai été condamné à être méchant. (…) J'ai eu des maux de ventre terribles. Lorsqu’on demande aux gens de ne plus se réunir, de ne plus passer Noël ensemble, de ne plus passer les fêtes ensemble… C'est meurtrier pour moi. Donc effectivement j’étais le porteur de messages de mauvais augures. Tout ce que j’ai fait pendant deux ans, je suis conscient que cela a été de protéger ma population mais par des mesures qui ont été effectivement très impopulaires.”
 
Que vous-même n’avez pas respecté ?

Mais tout le temps j’ai respecté. J’ai été covidé comme tout le monde. J'ai toujours respecté. Vous m’avez suivi pendant deux ans. Le mariage, c’est une journée. C'est vrai qu'on n'a pas été très exemplaires. J'ai reconnu. J'ai demandé pardon. Est-ce que à cause de ça qu'on va dire que je n'ai rien fait ? Qu'on va dire que je suis te’ote’o, que je suis orgueilleux ? Non, je ne crois pas. J’aime mon peuple. Je le dis toujours. J’aime surtout mon pays et sa population.”
 

​Le rassemblement des hakaiki peu suivi à Tahiti

Particulièrement fidèle au vote Tapura lors de ce premier tour des territoriales, les six hakaiki des Marquises sont venus à Tahiti ce week-end pour tenter de convaincre la communauté marquisienne des îles du Vent de voter rouge et blanc. “Le projet de ce rassemblement, c’est nous les hakaiki qui l’avons initié”, affirme le maire de Nuku Hiva, Benoît Kautai. “On voulait rencontrer nos familles qui vivent ici à Tahiti. Ils sont à peu près 20 000. C’est le double des Marquisiens qui sont dans l’archipel. C'est énorme. Ils peuvent même élire un Marquisien à la tête du Pays.” Pour autant, samedi matin à Punaauia, l'appel au rassemblement n'a pas eu l'air de beaucoup fonctionner. Sur les 1 000 Marquisiens attendus, seuls 200 ont fait le déplacement. “Je pense que ceux qui étaient présents ont peut-être quand même été touchés dans leur cœur”, poursuit Benoît Kautai. “Beaucoup de Marquisiens ne sont pas venus, mais peut-être qu'au travers des live ce message passera. On le disait tout à l’heure : c’est une première mais ce ne sera pas la dernière. On souhaite organiser une réunion au moins une fois par an ici à Tahiti avec les Marquisiens concernant les projets qui concernent l’archipel.”
 
Des voix contre un statut
 
À l'occasion de ce rassemblement, les hakaiki ont néanmoins obtenu d'Édouard Fritch des garanties de soutien à leur projet de communauté d'archipels. Pour le maire de Nuku Hiva et président de la communauté de communes des îles Marquises (Codim), c'est grâce à l'union des hakaiki qui “parlent d'une même voix” aujourd'hui. L'occasion également samedi d'insister sur les projets structurants pour l'archipels. “Un aéroport de dégagement en cas de difficulté” ou encore une marina pour remplacer “le petit port actuel de Nuku Hiva qui est devenu trop petit.” Des projets pour lesquels les Marquises auront besoin du soutien “du Pays et de l'État”. D'où la défense de l'autonomie.
 
Car pour le président de la Codim, rien n'assure que le parti indépendantiste poursuivra les projets marquisiens engagés par le gouvernement. “C’est ce que j’explique dans toutes nos réunions à Nuku Hiva et même au niveau des Marquises. Nous, on ne sait pas ce que vont devenir tous ces projets avec le Tavini”, affirme Benoît Kautai, qui n'a pas l'air pressé de s'enquérir de la réponse à cette interrogation. “La question, il faut la leur poser. Mais beaucoup de projets sont en avance. Des crédits sont inscrits dans les budgets de cette année. Il y a des projets qui peuvent démarrer là. Et malheureusement je ne peux pas dire quel sera l’avenir de nos projets avec le Tavini."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Dimanche 23 Avril 2023 à 18:01 | Lu 3028 fois