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Fritch et Hollande signent "l'accord de l'Elysée"


Edouard Fritch et François Hollande ont signé la "convergence de vue" entre l'Etat et le Pays sur la rédaction de l'accord de Papeete, vendredi à 17 heures au palais de l'Elysée à Paris.
Edouard Fritch et François Hollande ont signé la "convergence de vue" entre l'Etat et le Pays sur la rédaction de l'accord de Papeete, vendredi à 17 heures au palais de l'Elysée à Paris.
PARIS, 17 mars 2017 - Le président de Polynésie française et le président de la République ont tous deux salué un accord politique qui "rapproche la Polynésie et la France". Le texte doit maintenant être adopté par les assemblées élues du fenua.

Le prince et la princesse de la couronne britannique avaient mis le Palais de l'Elysée en émoi. "Mais c'est maintenant l’événement le plus important de la journée", a tenu à préciser François Hollande, président de la République française, en invitant le président Fritch à prendre la parole.

Entourés de plusieurs ministres, de parlementaires et d'officiels de tout l'outre-mer, les deux hommes se sont réunis afin de "parapher" l'Accord de Papeete - acte qu'un huissier a d'ailleurs désigné comme "l'Accord de l’Élysée pour le développement de la Polynésie française". Engagement pris par François Hollande lors de sa visite dans le Pacifique, en 2016, le document précise les orientations stratégiques des décennies à venir, en ce qui concerne les relations de la Polynésie avec la France. "C'est un accord politique plus que juridique : il met pleinement la Polynésie française dans la république", s'est félicité François Hollande, avant de préciser que l'accord et ses dispositions concrètes - qui prévoient notamment des investissements prioritaires dans certains secteurs comme le désenclavement des territoires lointains ou l'amélioration de l'offre de soins – améliorera selon lui la qualité de vie des Polynésiens.

> Lire aussi : Accord de Papeete : la "convergence de vue" devient "accord de l’Elysée"

Edouard Fritch a longuement remercié son hôte et les élus qui ont participé à la rédaction du projet d'Accord de Papeete. Juste avant d'apposer sa signature sur le document, il a tenu à rappeler dans un discours que "l'accord que nous signons récapitule de nombreuses avancées obtenues par la Polynésie au cours de ce quinquennat et va au-delà".

Au premier rang de ce que le président de Polynésie estime avoir "obtenu" il y a la reconnaissance du fait nucléaire et l'indemnisation des victimes des essais. Ces points figurent d'ailleurs en tête de la "convergence de vue" signée ce vendredi.

Pour commencer ce nouveau chapitre, envisagé dans les relations entre la France et la collectivité du Pacifique, un accord qui découle directement du premier a été signé avec la ministre de la Culture, Audrey Azoulay. "Depuis trop longtemps, nous manquons d'un accord-cadre dans ce domaine", s'est émue la ministre. "Cette convention est la marque d'un respect profond envers la culture polynésienne et permettra de mieux la préserver ainsi que de mieux la diffuser à travers la création d'un Centre culturel de la Polynésie française, à Papeete".
Un expert du ministère de la Culture sera également détaché dans le Pacifique afin d'appliquer la convention de la manière la plus efficace possible. Comme le précédent document, la convention culturelle a été paraphée par les membres du gouvernement et les deux présidents réunis sous les ors du Palais de l'Elysée.

Discours du président Edouard Fritch

Signature de l’Accord Etat-Pays pour le développement de la Polynésie française - Palais de l’Elysée


Monsieur le Président de la République,
Madame la ministre de la Culture et de la communication,
Madame la ministre des Outremer
Madame la sénatrice de Polynésie française,
Monsieur le député de la Polynésie française,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil économique, social et culturel de Polynésie française,
Chers amis de Polynésie française,
Mesdames et messieurs


C’est un immense honneur et une grande joie pour moi d’être parmi vous aujourd’hui pour concrétiser, Monsieur le Président, un des engagements de votre quinquennat. Tous ici partageons cette joie.

Il y a un peu plus d’un an, le 22 février 2016, vous étiez à Papeete, pour souligner votre attachement à cette partie de la France au milieu du Pacifique.

Votre visite s’inscrivait dans un contexte de confiance mutuelle retrouvée entre l’Etat et la Polynésie française.

Dès le début de votre quinquennat, vous avez fait preuve d’écoute à notre égard et les gouvernements de Messieurs Ayrault puis Vals, comme actuellement avec Monsieur Cazeneuve, ont toujours marqué leur volonté de travailler en concertation avec nos élus nationaux et le gouvernement de la Polynésie française. Je tiens ici à remercier vos Premiers ministres.

Pour exemple de cette continuité d’action au sein de vos gouvernements, je citerai l’aboutissement de l’installation d’un tribunal foncier à Papeete, dont la première pierre est posée aujourd’hui même par Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la justice, et l’inauguration du tout nouveau centre pénitentiaire de Papeari qui aura lieu lundi.

En tant que député en 2012, je faisais partie de ceux qui ont voulu renouer le dialogue avec l’Etat, suite à près de dix années d’instabilité politique en Polynésie française.

Ce dialogue s’est intensifié sous ma gouvernance à la présidence de la Polynésie française depuis septembre 2014, avec la pleine implication des parlementaires polynésiens, Maina Sage, Jean-Paul Tuaiva, Lana Tetuanui et Nuihau Laurey.

Ensemble, nous avons pu mettre en œuvre une nouvelle dynamique en faveur du développement de la Polynésie française, qui s’est traduite notamment par la signature de deux nouveaux contrats de projets, avec un contrat spécifique pour les communes.

Nous avons pu également acter la rétrocession des terrains militaires aux communes au travers du contrat de redynamisation des sites de défense.

Vous avez accepté de revenir pour 3 ans au financement du Régime de solidarité de la Polynésie française, soulageant d’autant la contribution de l’ensemble des Polynésiens, alors qu’il leur a déjà été demandé beaucoup pour le redressement des finances de notre Pays. C’est le retour de la solidarité nationale qui, un temps, avait fait défaut.

Je sais, Monsieur le Président, que vous vous êtes impliqué pour rétablir le montant de la Dotation globale d’autonomie (DGA) à son niveau de 2011, après qu’elle ait subit quelques coups de rabot budgétaire. Cette dotation, je le rappelle, vient au soutien de la reconversion économique de la Polynésie suite à l’arrêt des essais nucléaires.




Je souhaite aussi souligner l’implication de la France dans le Pacifique, que vous avez confirmée en novembre 2015 à Nouméa devant les chefs d’Etat des pays du Pacifique, puis lors de votre visite officielle en Australie. La Polynésie française est un des maillons de la présence nationale dans cette zone, et c’est à juste titre que vous avez soutenu notre intégration en tant que membre à part entière du Forum des îles du Pacifique.

Dans ce contexte, je tiens à remercier le gouvernement français, au nom de la Polynésie, mais également au nom de mes partenaires, la Nouvelle-Zélande, les îles Cook, Niue et Samoa, pour la forte implication du ministère des Affaires étrangères dans la concrétisation de l’accord intergouvernemental relatif au câble sous-marin Manatua que je viens de signer à Papeete, si important pour notre développement et notre insertion régionale.

Monsieur le Président, je ne vais pas revenir en détail sur les avancées dont a pu bénéficier la Polynésie française durant votre mandat.

L’Accord que nous allons signer fait état de toutes ces avancées et va bien au-delà en préparant l’avenir de notre collectivité au sein de la République française.

Cet accord, c’est vous qui l’avez voulu ! Vous nous avez proposé de travailler à sa rédaction lors de votre visite à Tahiti. A aucun moment, et je souhaite le souligner, vous n’avez cherché à nous imposer votre vision. Cet accord émane prioritairement des propositions faites par la Polynésie française, débattues, amendées, améliorées pour arriver au consensus transcrit dans ce document.

Je souhaite ici remercier la ministre des Outremer, Mme Ericka Bareigts, et ses collaborateurs pour leur implication dans l’aboutissement de cet Accord.


Au-delà, mes remerciements vont bien entendu vers tous les ministres et leurs cabinets qui ont contribué à répondre à nos attentes, mais surtout à Marc Vizy, votre conseiller outremer, qui a été pour nous un interlocuteur éclairé, au bon sens du terme, sur les problématiques de la Polynésie française.

Je suis heureux que cette nouvelle page, qui marque le renouvellement du Pacte républicain entre l’Etat et la Polynésie française, s’ouvre très symboliquement sur la reconnaissance du fait nucléaire et de ses conséquences.

Je vous l’avais dit, et je sais que vous y avez été sensible, la question du nucléaire était un sujet majeur de tension réelle entre l’Etat et les Polynésiens.

Vous nous avez entendus ! Très récemment nous venons de franchir une nouvelle étape positive avec la suppression de la notion de risque négligeable dans la loi Morin pour l’indemnisation des victimes du nucléaire. Je sais que vous êtes intervenu pour qu’il en soit ainsi après le vote à l’unanimité de la commission mixte paritaire. Soyez-en remercié vivement. Et je veux remercier ici la grande solidarité des élus ultramarins et le soutien de tous les parlementaires lors du vote de la loi Egalité réelle.

Plus largement, cet Accord prend en compte tous les secteurs prioritaires du développement de la Polynésie française, la valorisation de notre environnement économique, l’aménagement du territoire, la santé, l’éducation, la jeunesse, les communications ou l’insertion dans la région Pacifique.

Ainsi, nous disposons d’un socle sur lequel nous pourrons capitaliser pour l’avenir des Polynésiens.

Bien sûr, cette signature arrive à la fin de votre mandature, Monsieur le Président. Mais il n’en reste pas moins que l’Accord est un texte fondateur, concrétisant l’engament commun de l’Etat et de la Polynésie française.

C’est un Pacte républicain qui servira, sur des bases claires, la poursuite du dialogue avec ceux qui auront la charge de la Nation dans un proche avenir.

Quels qu’ils soient, je n’ai aucun doute sur leur volonté de s’inscrire dans la continuité des constats, des acquis et des propositions contenues dans cet Accord.


Pour lui donner encore plus de force, nous le soumettrons très rapidement à la discussion de nos instances représentatives, le Conseil économique, social et culturel (CESC), émanation de la société civile polynésienne, dont je salue la présence de son président ici, et l’Assemblée de la Polynésie française.

Les maires, réunis au sein du Syndicat pour la promotion des communes, qui ont également travaillé à sa rédaction, ont déjà largement approuvé les termes de cet Accord, même s’ils auraient voulu plus d’avancées concernant les communes, tout en étant conscients que toutes leurs propositions ne pouvaient être reprises.

***
Monsieur le Président,

C’est avec grand plaisir également que nous allons pouvoir signer la nouvelle convention Culture.

Comme vous le savez, la dernière convention entre l’Etat et la Polynésie française remonte à 1993 et s’est achevée en 2004. Depuis, aucun accord cadre n’avait été mis en œuvre dans ce domaine.

C’est chose faite, grâce au travail commun entre le ministère de Madame Azoulay et le ministère polynésien de la culture de M. Heremoana Maamaatuaiahutapu.

Cette convention est un signe fort pour la reconnaissance par l’Etat de la diversité culturelle de la Polynésie française. Elle réaffirme les liens qui nous unissent, tout en respectant notre spécificité.

La Polynésie française pourra ainsi bénéficier de l’expertise technique d’une grande Nation culturelle et cet accompagnement nous permettra à la fois de mieux protéger notre patrimoine, mais aussi de transmettre à nos enfants toute la richesse, toute l’unicité de nos multiples expressions culturelles.

Monsieur le Président, ce lien renoué honore l’engagement solennel que vous avez pris à Taputapuatea, ce marae, ce temple sacré du monde polynésien, centre de gravité du triangle polynésien dont les sommets sont Hawaï, l’île de Pâques et la terre de nos cousins maori de Nouvelle-Zélande.

C’est pour moi le symbole d’un profond respect de nos valeurs qui vient graver dans l’avenir le cœur de nos ancêtres et l’espoir des générations futures.

Monsieur le Président, je tiens pour conclure à vous remercier pour tout l’intérêt et l’appui constant que vous avez personnellement porté à la Polynésie française durant votre quinquennat.

Au-delà, vous avez pris à bras le corps l’avenir des Etats et territoires insulaires du Pacifique sud en nous permettant ainsi de faire valoir nos inquiétudes face aux effets du réchauffement climatiques lors de la COP 21. Je porte les remerciements et la gratitude de tous les chefs d’Etat du Pacifique que j’ai rencontré au Forum, tout dernièrement aux Etats fédérés de Micronésie.

Les Polynésiens se rappelleront de votre mandature comme étant celle d’un Président de la République qui a compris leurs aspirations et qui a été à leurs côtés. Il n’y en a pas eu beaucoup.

Vous avez su renouer ce lien avec nous et les décisions qui ont été prises sous votre impulsion participent pleinement de la construction de l’avenir de la Polynésie française.

Encore une fois, soyez-en chaleureusement remercié.
Vive la République française, Vive la Polynésie française


Rédigé par Julien Sartre, à Paris le Vendredi 17 Mars 2017 à 09:03 | Lu 3403 fois