French Blue annonce un premier vol sur Tahiti le 11 mai 2018


PAPEETE, 10 novembre 2017 - C'est un entretien exclusif. La rédaction de Tahiti Infos a contacté Marc Rochet, le P-dg de French Blue afin d'en savoir un peu plus sur l'offre commerciale que projette la compagnie aérienne low-cost, sur le tronçon Paris-Tahiti avec escale à l'aéroport international de San Francisco. French Blue projette de faire un premier vol en direction de Tahiti le 11 mai 2018 et annonce l'ouverture de sa commercialisation "dans les semaines qui viennent".

Sur quels critères commerciaux votre compagnie se fonde-t-elle pour ouvrir une route aérienne Paris-Tahiti en passant par San Francisco ?

Marc Rochet : D’abord, je voudrais dire deux mots sur l’histoire de French Blue. Nous sommes une compagnie nouvelle qui est actuellement équipée d’avions Airbus A330 et A350 que nous avons acquis neufs. Cela nous a permis d’ouvrir un nouveau mode de commercialisation, puisque nous avons choisi de nous positionner sur le créneau du low-cost long-courrier avec une cabine Eco de qualité, une cabine Eco Premium mais pas de classe Business. Ces deux avions sont actuellement en activité sur l'île de La Réunion.
Nous avons conforté notre analyse de ce business model aérien, nous sommes sur le point d’enrichir notre flotte d’un nouvel Airbus A350 au mois d’avril 2018 : il nous fallait continuer à faire de la croissance et du développement. Nous avons, dans ce contexte, analysé plusieurs routes, en particulier dans l’Océan indien et vers les Etats-Unis, et la route sur Papeete via les Etats-Unis. Pourquoi Papeete ? Parce qu’on pense que les conditions sont réunies pour répondre aux besoins de la population tahitienne et des touristes qui désirent se rendre à Tahiti. Nous pensons que notre modèle est porteur de croissance et peut apporter un trafic supplémentaire, notamment en direction de la Polynésie française. Et ce, à condition de proposer un service de qualité à des prix plus compétitifs. C’est ce que nous allons faire. On pense que nous avons de bonnes chances de réussir, comme nous réussissons actuellement sur l’île de La Réunion
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Marc Rochet, P-dg de French Blue.
Le projet d’ouverture de cette ligne sur Tahiti n’est-il pas consécutif aux difficultés provisoires de trafic vers Saint-Martin, après l’ouragan Irma ?

Marc Rochet : Pas du tout. D’abord cette desserte Paris-Saint-Martin est réalisée par Air Caraïbes (également détenue par le groupe Dubreuil, NDLR) et non pas French Blue. Ensuite, alors que nous avions arrêté la desserte de Saint-Martin pendant les cyclones, nous revolons aujourd’hui vers cette destination, à la différence d’Air France. Nous sommes contents d’avoir rouvert cette route, parce qu’au-delà du trafic touristique qui a été impacté par ces événements climatiques, beaucoup de résidents de Saint-Martin ont besoin de se déplacer dans ces situations difficiles. Nous avons actuellement un vol, et je peux vous dire que nous augmenterons notre fréquence à partir de début janvier.

Comment intégrez-vous dans votre business model de route vers Tahiti, l’annonce par la compagnie Norwegian, géant du low-cost, de commercialiser quatre vols hebdomadaires Paris-San Francisco ? Cela n'affecte-t-il pas la viabilité de votre projet ?

Marc Rochet : Non, parce que Norwegian a sa propre stratégie. Cette compagnie opère sur des avions différents des nôtres ; de très bons appareils certes, notamment des Boeing 787. Mais ces avions sont plus petits. Nous pensons que nous avons des éléments qui distinguent notre offre de la leur, en particulier le fait que nous partions de Paris-Orly, par exemple, alors qu’ils partent de Roissy. Nous avons en outre un service différent à bord, plus personnalisé. Nous sommes une compagnie – soyons clair – française, basée en France, avec des équipages dont la langue française est la langue naturelle… Donc, il me semble que, pour les clients que nous visons, nous avons des atouts vis-à-vis de Norwegian.
Ensuite, je ne cherche pas à prendre des clients à Norwegian. Ce qui nous intéresse, c’est d’offrir aux Tahitiens des conditions de voyage plus économiques. On sait que c’est un archipel éloigné de tout et que voyager coûte cher. La population va bénéficier de meilleurs tarifs. Nous cherchons aussi à développer l’activité sur le segment des touristes français, européens et américains qui souhaitent aller à Tahiti.


Justement, sur quel effectif annuel de passagers votre compagnie a-t-elle fondée son étude de marché pour l’ouverture d’une route vers Tahiti ?

Marc Rochet : Pas la première année, puisque nous démarrons en mai, mais c’est une ligne sur laquelle on pense que nous atteindrons facilement les 45 000 passagers par an à partir de 2019.

On parle bien d’une fréquence de deux vols par semaine sur Tahiti ?

Marc Rochet : Deux vols en base et trois vols en pointe. Nous allons opérer deux vols à l’ouverture. On passera à trois vols par semaine à partir de la mi-juin jusqu’à fin août. Il y aura une petite période à deux vols avant que nous revenions à trois à partir de début décembre, pour la fin d'année.

Un trafic de 45 000 passages en année pleine sur le tronçon Paris-Papeete, c’est rentable commercialement ?

Marc Rochet : Nous sommes une compagnie qui sait gagner de l’argent. On progressera ; et nous n’avons pas l’intention d’échouer. Je peux vous dire que sur La Réunion, nous avons ouvert il y a un peu plus de quatre mois et nous faisons aujourd’hui 80 % de remplissage après avoir pris 15 % des parts de marché.

Vous annoncez un premier vol French Blue sur Tahiti en mai 2018. Avez-vous une date plus précise ?

Marc Rochet : Nous avons calé les choses sur un premier vol le 11 mai 2018. On confirmera cela dès l’ouverture des ventes.
En attendant, je salue la décision du gouvernement de la Polynésie française qui nous a autorisé à pratiquer ces vols. Je suis convaincu que cela sera bénéfique pour la population locale et que nous apporterons des touristes. On le voit partout ailleurs, la concurrence ça a du bon : ce n’est pas sur les marchés un peu trop statiques que se développent la qualité et les prix que cherchent les consommateurs. Nous sommes des professionnels. Nous venons certes pour gagner de l’argent, mais aussi pour offrir une prestation de qualité à nos clients. Et c’est ce qui fait notre succès jusqu’à présent. Nous avons la conviction absolue que cela marchera aussi sur la Polynésie.

Que pensez-vous des craintes exprimées ces jours-ci par certains politiques locaux à propos d’une déferlante de visiteurs bas-de-gamme, dont vous seriez la cause ?

Marc Rochet : Je ne crois pas du tout à ce genre d’analyse. Dans le monde, il y a un nombre très important de destinations touristiques, pour lesquelles des tarifs très attractifs sont pratiqués. Et ce n’est pas pour autant que des "backpackers", comme on les appelle, voyagent d’un bout du monde à l’autre. Malheureusement, les gens qui sont dans ces situations, parfois socialement difficiles, ont plutôt tendance à rester là où ils sont que d’aller à l’autre bout de la planète, voire aussi loin que Tahiti. Nous ne l’avons pas vu ailleurs, il n’y a aucune raison que ça se produise aujourd’hui.
Mais j’ai une autre raison de penser que ça n’arrivera pas : il y a de nombreuses années, alors que j’étais président de la compagnie AOM, j’avais un concurrent qui s’appelait Corsair. Il est arrivé à Tahiti avec un très gros porteur, plus gros que les avions actuels, le Boeing 747. Il a amené à Tahiti des touristes qui ont fait bénéficier les pensions de famille d’un vrai regain d’activité. Cette situation de concurrence entre AOM et Corsair a permis de faire baisser les prix. Elle a permis aux Polynésiens de voyager en profitant d’une meilleure gamme tarifaire. Ce n’est pas pour autant que Tahiti a été submergé par les "backpackers". Et j’irai même plus loin : souvenez-vous que c’est M. Gaston Flosse lui-même qui avait été chercher Corsair. Je ne vois pas pourquoi aujourd’hui, 25 ans après alors que le monde change, évolue, son parti adopte une position si différente de celle qu’il avait dans les années 90.


À ce propos, justement, pouvez-vous nous parler de vos offres commerciales ?

Marc Rochet : Nous vendons de la classe économique, comme en vendent toutes les compagnies aériennes et notamment celles qui desservent actuellement Tahiti. Je souhaite qu’avec notre arrivée les choses évoluent. Notre produit va être un avion neuf, avec des sièges de dernière technologie, avec des écrans et des distractions à bord de grande qualité… Nous mettons en avant un Airbus A350 tout neuf avec les derniers cris de la technologie. Je suis content de constater, d’ailleurs, qu’Air Tahiti Nui projette de mettre en place, quelques mois après nous, un Boeing 787 qui est un avion remarquable. Les Tahitiens pourront ainsi bénéficier d'appareils avec de nouveaux aménagements. La classe Eco mérite plus de confort et plus de technologie qu’aujourd’hui. (…)
Nous avons aussi une classe Premium, à l’avant de nos avions. Ce n’est pas une classe Affaire, à l’instar de ce que proposent nos concurrents : chacun son segment de clientèle. Cette classe Premium Eco s’adresse aux passagers qui veulent voyager dans de meilleures conditions de confort.
Nous avons annoncé des gammes tarifaires qui seront de l’ordre de -15 % à -20 % par rapport à l’offre actuelle sur le tronçon. Il me semble que c’est normal parce que les avions modernes sont plus performants, que le coût du carburant a baissé et que nous cherchons à optimiser l’efficacité de notre produit. Je précise d’ailleurs que nous ne sommes pas du tout là pour faire du dumping. Cette accusation, que j'ai lu dernièrement, m’a fait bondir. Je suis une filiale d’un groupe familial privé, qui s’appelle le groupe Dubreuil. Ce groupe nous soutient avec beaucoup de convictions. Il n’est pas question que l’on perde de l’argent. Air Caraïbes et French Blue gagnent de l’argent. Nous sommes même parmi les compagnies françaises les plus profitables. Nous ne sommes pas là pour faire du dumping mais pour offrir un produit de qualité à son juste prix.


En France, avez-vous des accords de partenariat avec des transporteurs terrestres nationaux ?

Marc Rochet : Nous avons déjà des accords "TGV-Air" et nous pratiquons depuis longtemps de façon quasi-automatique les connexions avec le réseau TGV, ce qui nous permet de commercialiser des billets en continuité sur le réseau ferroviaire.

Votre offre Premium Eco fera-t-elle bénéficier à ses passagers d’un traitement distinctif à l’enregistrement, l’embarquement et pendant les escales ?

Marc Rochet : Nous dissocions bien sûr les services au sol à l’attention des clients Premium. Les prestations en vol sont également différentes. Je précise d’ailleurs que c’est pour des raisons de qualité de service que nous avons choisi de faire escale à San Francisco, plutôt qu’à Los Angeles. L’aéroport international de San Francisco nous permet d’offrir une qualité de services au sol que nous n’aurions pas été en mesure de proposer sur Los Angeles.

A quoi tiennent les autorisations que vous attendez actuellement sur la plateforme de San Francisco ?

Marc Rochet : Il s’agit d’une formalité réglementaire. Notre compagnie envisage de desservir San Francisco et nous avons dû présenter un dossier auprès de l'US Department of transportation (DOT), en lien avec les autorités américaines. Le DOT impose des procédures à respecter. En particulier, nous n’avons pas le droit de donner des prix, de commercialiser et d’engager des campagnes de publicité commerciale tant que l'administration américaine n’a pas analysé notre dossier.
Cependant, nous sommes sur des accords de ciel ouvert et j’attends en toute sérénité l’approbation des autorités américaines pour mettre en vente, ce que nous ferons dans quelques semaines.


Cette autorisation n’est donc qu’une question de temps ?

Marc Rochet : Oui, nous sommes dans le cadre d’un accord Etats-Unis-Europe de ciel ouvert. C’est une question administrative. Il nous faut respecter ce cheminement et c’est ce que nous faisons. Je suis 100 % sûr d’obtenir cette autorisation.

Dans la perspective de votre installation à Tahiti, envisagez-vous l’ouverture d’une agence et des recrutements ?

Marc Rochet : Exact.

Combien pensez-vous créer d’emplois ?

Marc Rochet : Nous avons pour habitude, chez Air Caraïbes et French Blue de recruter des personnels locaux pour une partie de notre activité. On pense qu’il est important de participer à l’économie locale. C’est une politique constante du groupe auquel j’appartiens. Nous allons lancer dans les jours qui viennent les premiers appels à candidature. Les premiers recrutements concerneront des hôtesses et des stewards, probablement des pilotes aussi.
Pour l’instant je n’ai pas de chiffres précis à annoncer ; mais la première fourchette de recrutement devrait concerner 25 à 30 personnes. Notre équipe commerciale en agence sera en nombre réduit, parce que nous contrôlons nos coûts et nous ne voulons pas "surstaffer" la compagnie en personnels administratifs. Nous sommes une entreprise moderne et nous fonctionnons avec une très forte digitalisation de nos process.

French Blue en bref

La compagnie French Blue a débuté ses opérations en 2016. Elle est une filiale du Groupe Dubreuil, propriétaire d'Air Caraïbes. French Blue exploite aujourd'hui deux avions de marque Airbus, un A330-300 de 378 places dont 28 en classe Eco Premium, et un A350-900 de 411 places dont 35 en classe Premium. La compagnie low-cost doit agrandir sa flotte d'un nouvel A350-900 neuf en avril 2018 et d'un A350-1000 en 2020. French Blue est dirigée par Marc Rochet et basée sur la plateforme aéroportuaire de Paris-Orly.

L'A330-300 de French Blue a effectué son premier vol commercial le 1er juillet 2016 pour le compte d'Air Caraïbes, en reliant Paris à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Le premier vol commercial sous sa propre marque a eu lieu le 10 septembre 2016 à destination de Punta Cana (République dominicaine). French Blue propose aujourd'hui huit à neuf vols par semaine vers La Réunion depuis le 16 juin 2017. Tous les vols de French Blue sont opérés en partage de code avec Air Caraïbes.

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Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 10 Novembre 2017 à 13:02 | Lu 23210 fois