Frédéric Riveta : "Il n’a jamais été question d’importer du miel de Chine"


Papeete, le 6 août 2015 - Le ministère de l’Agriculture, Frédéric Riveta, a autorisé l’importation de miel et de semences d’abeilles sous certaines conditions sur le Territoire. Des dispositions peu appréciées par certains apiculteurs qui ont appelé à manifester samedi matin. Suite aux allégations portées à son encontre, Frédéric Riveta a tenu à s’exprimer.

Les apiculteurs sont en colère suite aux mesures que vous avez prises. Qu’avez-vous à leur dire ?

Frédéric Riveta : On va même jusqu’à demander ma tête ! Je suis parti d’un constat : l’importation de miel a été fermée en 2012 pour des raisons sanitaires et depuis, on a remarqué énormément d'importation frauduleuse. Rien que cette année, qui n’est pas encore terminée, nous avons déjà stoppé 945 kilos de miel à la douane. Si l’on continue la loque américaine va revenir en force.
En ouvrant les frontières, nous pourrons contrôler l’arrivée de miel sur le territoire. Nous manquons de miel : avec les 240 apiculteurs qui ont 3 800 ruches, on ne produit que 70 tonnes de miel. Notre consommation annuelle est de 130 tonnes, que faire ? Il ne faut pas que les consommateurs pâtissent de cette pénurie. Le miel est devenu un produit de luxe
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Que va permettre l’importation de miel ionisé que vous avez autorisé ?

Frédéric Riveta : L’importation de miel ionisé va diminuer les effets pervers comme l’arrivée "sous le manteau" de miel des autres pays. Le consommateur n’en ramènera pas s'il en trouve sur les étals. De plus, les agents de l’aéroport pourront désormais ouvrir les valises, c’est une disposition que nous avons demandée et qui a été introduite dans la modernisation du droit d’Outre-mer adoptée en juillet dernier par l’Assemblée nationale à Paris.

Quels pays sont en mesure de fournir un miel traité par irradiation ?

Frédéric Riveta : En Europe, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et la France peuvent faire des traitements appropriés, par ionisation. Nous, nous regardons du côté de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie. Mais, ça ne va pas se faire du jour au lendemain. Nous voulons appliquer un traitement par ionisation préconisé par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Cela permet de traiter les bactéries et conserver un peu plus longtemps les produits. Pour le miel, on trouve déjà ce traitement au Canada et il en existe aussi pour le matériel apicole. L'UE autorise le recours à la ionisation des aliments, je me base beaucoup sur les textes européens. L’objectif est bien de tuer les souches de loque américaine, apparemment cette maladie ne résiste pas à ce traitement donc nous allons le faire.

Quels sont les impacts sur la santé humaine de l'ionisation ?

Frédéric Riveta : Je pense qu'on peut valablement autoriser le recours à cette procédure dans la mesure où elle existe déjà dans l’Union européenne et qu’il n’y a pas eu de retour d'impact sur la santé. L’Europe dit que c’est autorisé dans la mesure où on ne rend pas un aliment consommable alors qu’il était inconsommable.

Certains apiculteurs disent pourtant que la loque américaine a disparu sur Tahiti et Moorea. Faut-il vraiment continuer le principe de précaution ?

Frédéric Riveta : Non, il y a toujours de la loque sur le territoire. Nous attendons encore des résultats d’analyses. Là, Raiatea vient d'être infestée par la loque. Qui me dit que les miels importés frauduleusement ne sont pas à l'origine de ça ?

Avec l’ouverture des importations, les consommateurs et les apiculteurs ont peur de l’arrivée massive de miel chinois, de mauvaise qualité voire de synthèse.

Frédéric Riveta : La polémique est partie sur la Chine, il n'a jamais été question d'importer du miel de Chine ! Ils ne connaissent pas notre modèle de certificat sanitaire. Nous n’allons autoriser que les importations des pays où les autorités sanitaires nous garantissent un certificat. La Chine ne reconnaît pas ce certificat, elle ne pourra donc pas répondre à cette prescription.

20 A 25 TONNES DE MIEL IMPORTE

Combien de tonnes de miel allez-vous importer ?

Frédéric Riveta : Pour répondre à la demande, on veut importer 20-25 tonnes de miel. On est en train de travailler avec la direction générale des affaires économiques (DGAE) pour pouvoir fixer les quotas.

En parallèle de l’importation de miel, vous allez relancer la production ?

Frédéric Riveta : Oui, nous voulons atteindre les 130 tonnes de miel par an. Nous avons inclus dans le contrat de développement 45 millions pour l'apiculture sous cocoteraie. Il faudrait installer d'ici à 2020, 1 000 à 1 500 ruches pour atteindre 22 à 27 tonnes de production en plus. Nous avons le budget pour relancer la filière.

Vous avez autorisé l’importation de semences d’abeilles mais seulement celles provenant de pays indemne des varroa (parasite des abeilles). Le problème c’est qu’il y a très peu de pays indemnes…

Frédéric Riveta : J'ai mis en place un arrêté permettant de faire venir des semences de l'extérieur avec toujours des garanties sanitaires. Dans les pays qui ont le varroa, il y a des entreprises avec un service de protection des végétaux agréés. Si dans les élevages un certificat permet de dire que tel ou tel élevage est indemne de varroa, c’est possible d’importer des semences. Nous nous assurons que les Etats ont un niveau de garantie suffisant, cela explique que des pays comme la Chine sont exclus.

Dans votre plan pour la filière apicole vous dites que "l’état de saturation des ruchers sur Tahiti doit encourager la création et l’extension des exploitations dans les îles éloignées". Mais, par exemple, aux Marquises, il y a une pénurie de miel alors qu’une coopérative a été mise en place à Nuku Hiva.

Frédéric Riveta : Je n’étais pas dans ce projet de coopérative à Nuku Hiva. Là, j'ai pris la décision de transférer le matériel de cette coopérative à celle de Ua Pou, beaucoup plus active. En Polynésie, la coopération c’est compliqué, on demande de tenir des comptabilités, d’avoir des informations sur la production… C’est difficile.

La Polynésie a un statut sanitaire élevé par rapport aux autres pays, comment justifiez-vous cela ?

Frédéric Riveta : C’est vrai, nous sommes conscients que la Polynésie a un statut sanitaire élevé. On est relativement très protégé par rapport à ce qui se passe dans le Pacifique mais les maladies sont à nos portes.

Pas de miel chinois dans les importations

Dans la note aux apiculteurs datée du 4 août 2015 du ministère de l’Agriculture il est écrit : "le miel, le pollen, la propolis et la gelée royale ayant été traitée par irradiation peuvent être importés avec un certificat vétérinaire. Les négociations vont prochainement débuter avec les autorités de la France, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie. La Chine n’est pas un pays éligible car les autorités sanitaires de ce pays n’utilisent que le modèle de certificat européen, lequel n’est pas conforme aux exigences de la Polynésie Française". Cette note vise à rassurer les apiculteurs qui craignent que du miel de Chine, de mauvaise qualité soit importé.

Manifestation des apiculteurs

Les apiculteurs polynésiens en colère appellent à manifester ce samedi 8 août, place Tarahoi à partir de 8 heures. Le dress code sera jaune et noir.


Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Jeudi 6 Aout 2015 à 16:41 | Lu 2879 fois