Frais de bouche de Bruno Marty : le parquet général récidive


Bruno Marty et son avocat Me Mourad Mikou, apprenant la relaxe en première instance. (Archives)
PAPEETE, le 12 janvier 2017 - Un an de prison ferme, 5 ans d'interdiction d'exercer dans la fonction publique et 5 ans de privation des droits civiques ont été requis ce jeudi, en appel, contre le directeur de la SEM Laboratoire des travaux publics de la Polynésie française. Bruno Marty avait été relaxé en première instance.


Relaxé en première instance des poursuites en détournement de fonds publics engagées contre lui par le procureur de la République de Papeete en juillet 2015, Bruno Marty a de nouveau été appelé à la barre ce jeudi matin dans le cadre de cette affaire de frais de bouche, le parquet ayant fait appel de la décision du tribunal correctionnel. Procureur à l'époque, José Thorel avait en effet requis 6 mois de prison ferme et 500 000 francs d'amende. Avocat général à la cour d'appel aujourd'hui, le magistrat a récidivé en proposant à la juridiction de second degré d'infliger 12 mois de prison ferme, 5 ans de privation des droits civiques et 5 ans d'interdiction d'exercer dans la fonction publique à celui qui a été reconduit, malgré ses déboires, à la direction de la SEM Laboratoire des travaux publics de la Polynésie française. La cour rendra son arrêt le 8 mars prochain.

Bruno Marty avait été renvoyé en justice, soupçonné d'avoir détourné à son profit, en 2014, près de 2,4 millions de francs des caisses de la SEM Laboratoire des travaux publics au débit de la carte bancaire rattachée à la direction générale de la société. Des notes de restaurant essentiellement, mais aussi des courses au supermarché et des retraits d'espèces "injustifiés" et "à des fins personnelles", avait jugé le parquet. Les faits avaient été dénoncés par le commissaire aux comptes de la société dans un rapport communiqué au procureur de la République.

Fonds publics, pas publics ?

L'avocat de l'ancien ministre des Transports, Me Mourad Mikou, avait quant à lui dénoncé une véritable chasse à l'homme, soulignant que son client, qui a rapidement remboursé les dépenses litigieuses, avait bénéficié de cette carte bancaire en compensation des indemnités mensuelles légales de frais de représentation que le conseil d'administration de la SEM aurait "omis" de lui octroyer : "Il y a peut-être eu des négligences, mais pas d'intention ni de détournement de fonds publics dans cette affaire".

L'avocat qui s'est aussi appuyé, ce matin, sur la décision du tribunal correctionnel qui avait estimé lors de la relaxe en première instance que la SEM n'était de toute façon pas directement rémunérée sur fonds publics mais grâce à ses activités commerciales, fussent-elles avec la collectivité de la Polynésie française pour près de la moitié de ses marchés.

Un point de vue que ne partage toujours pas l'accusation, considérant pour sa part que la finalité même de cette société d'expertises et d'études d'impact, créée sur délibération de l'assemblée de la Polynésie française pour l'aide à la réalisation des grands travaux et ayant le Pays comme principal actionnaire, est de servir l'intérêt général et la collectivité pour le compte de la puissance publique.

Le président de la SEM et le Pays, en la personne du ministre Albert Solia, lui-même entendu par la police à l'époque dans le cadre de cette affaire, n'avaient pas déposé plainte. La carte bleue pour frais de représentation a aujourd'hui été remplacée par une indemnité mensuelle forfaitaire de 120 000 francs.

Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 12 Janvier 2017 à 14:47 | Lu 4962 fois