Foncier : amendes avec sursis pour les généalogistes "clandestins" (Màj)


Les affaires foncières, un sujet sensible au fenua et propice à de nombreux dérapages. (Illustration)
PAPEETE, le 27 octobre 2016 - Une douzaine de sexagénaires étaient jugés le 20 septembre dernier pour avoir, pendant cinq ans, exercé illégalement la profession de généalogiste. Forts de leur expérience personnelle, ils s'étaient mis à monter par eux-mêmes des dossiers pour des tiers et facturaient cher leur travail, parfois jusqu'à 500 000 francs. Sans rien déclarer. Le jugement avait été mis en délibéré au 27 octobre, ils ont tous finalement écopé ce jeudi de peines d'amende de 100 000 à 200 000 francs avec sursis. Ci-dessous notre compte-rendu de l'audience du mois dernier.


Ils ont tous autour de 60 ans et une passion commune, la généalogie. Tombés dedans par la force des choses pour gérer leurs propres affaires de terres, ces ayant-droits, pour la plupart, étaient renvoyés ce mardi devant le tribunal correctionnel pour avoir monnayé hors de tout cadre légal leur prétendue expérience à des familles un peu perdues dans le labyrinthe des procédures foncières. Et évidemment sans rien déclarer de leur activité clandestine à la CPS ou au service des contributions.

"Ils approchaient le plus souvent des gens peu instruits, des polynésiens des îles, ou maîtrisant mal le français", note le président du tribunal, donnant lecture des conclusions de l'enquête de la Direction des affaires foncières (DAF). Une activité menée de façon totalement opaque, puisqu'aucun n'avait de patente appropriée, et encore moins d'autorisation administrative nécessaire à l'activité d'agent d'affaires, dans laquelle venait se loger l'activité de généalogiste. Certains étaient retraités à la ville, d'autres travaillaient par ailleurs, l'un des prévenus émargeait parallèlement au régime de solidarité territorial (RST).

Jusqu'à 500 000 francs le dossier

Renvoyé devant la justice pour "exécution d'un travail clandestin", entre les années 2007 et 2011, les généalogistes improvisés ont globalement reconnu les faits à la barre du tribunal. Comme chez eux à la DAF, où ils géraient leurs propres affaires depuis plus de vingt ans pour certains, les généalogistes de l'ombre sortaient sans peine des fiches pour leurs clients, qu'ils leur surfacturaient ensuite, constituaient des dossiers. Une douzaine par an pour l'un, jusqu'à 89 pour un autre, des prestations facturées autour de 50 000 francs, 120 000 francs, et même 500 000 francs selon les cas.

"Je reconnais ne pas avoir été formé pour cela mais ayant moi-même beaucoup travaillé sur ma généalogie familiale, je pensais avoir quelques compétences en la matière, je reconnais avoir fait une erreur", confesse l'un des prévenus. "Je ne me suis jamais posé la question", répond benoitement un autre à la question de savoir pourquoi il n'a jamais déclaré son activité. "Je prenais ces sommes comme des remerciements pour mes recherches", enchaîne un troisième, qui assure que ses "clients" le payait sans qu'il n'ait jamais rien eu à leur demander. "Avant, on rentrait à la DAF comme ça, on ne nous demandait pas si on avait une patente, et puis un jour ça c'est compliqué, trop de personnes venaient soi-disant chercher des papiers qui ne concernaient pas leur dossier".

C'est effectivement la direction de la DAF qui avait déclenché toute l'affaire en décidant de mettre le holà sur un certain nombre de mauvaises habitudes prises au fil des ans. Dans un rapport transmis aux autorités, l'administration dénonçait un nombre croissant de "généalogistes" aperçus en train de démarcher jusque dans ses locaux, de monnayer à des prix exorbitants des documents normalement accessibles au comptoir pour quelques francs. Ces derniers allaient jusqu'à s'accaparer les bureaux et les outils informatiques mis à disposition des usagers, et même menacer le personnel selon les extraits de la plainte dévoilés par le président du tribunal.

Partie civile dans le dossier, et puisqu'il n'existe aucun moyen d'évaluer précisément le chiffre d'affaire et les revenus tirés de leur activité par les prévenus, la caisse de prévoyance sociale (CPS) leur a réclamé le remboursement "a minima" des cotisations non-perçues au titre de ces années de travail clandestin. Aucune "victime" ne s'est constituée partie civile. Le parquet, quant à lui, a requis des peines d'amende avec sursis s'échelonnant de 400 à 500 000 francs. Le jugement a été mis en délibéré au 27 octobre et les généalogistes ont finalement écopé ce jeudi de peines d'amendes avec sursis comprises entre 100 000 et 200 000 francs.


Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 27 Octobre 2016 à 18:13 | Lu 8570 fois