FireChat : Une app gratuite pour rester connecté...même en cas de cyclone


ARUE, le 16 octobre 2015 - FireChat, une application de messagerie mobile qui fonctionne même en cas de coupure totale du téléphone et d'internet, est déployée en Polynésie, à commencer par Arue. Cet outil développé après le printemps arabe pourra être utilisée pour coordonner la population après un cyclone.

Scénario catastrophe, un cyclone a ravagé Tahiti. Les lignes téléphoniques sont tombées un peu partout, il n'y a plus d'appels, de sms ou d'internet. Les militaires ont leurs radios pour ce genre de cas. Mais les citoyens n'ont plus aucun moyen de communiquer avec leurs proches, les communes ne peuvent plus parler à leurs administrés et les secours civils sont lourdement restreints.

Mais depuis quelques années, les nouvelles technologies ont une réponse à ce cas de figure. Des "réseaux maillés", où chaque smartphone relaie les messages des appareils proches à leurs destinataires sans nécessiter d'infrastructures (voir encadré).

Une jeune pousse américaine nommée OpenGarden a développé une solution de ce type, l'application smartphones et tablettes FireChat qui connait une croissance fulgurante dans le monde. La start-up a décidé de déployer FireChat à grande échelle en Polynésie et d'utiliser notre territoire comme plateforme de développement pour pousser la technologie du réseau maillé. Le but est de faire de nous une vitrine technologique. "Ce n'est plus une expérience à l'échelle d'une ville. La Polynésie va être le premier à la lancer à l'échelle d'un pays" vante le directeur de Smart Tahiti Networks, le partenaire local de la start-up américaine. L'entreprise a même pour ambition d'aider les gens à installer des relais avec leurs vieux routeurs non utilisés, ainsi recyclés pour renforcer le "réseau citoyen".

Le lancement officiel de FireChat a été fait le jeudi 15 octobre lors du forum de l'emploi à Arue, commune qui a adopté l'application dans ses services. C'est avant tout pour pouvoir encore communiquer en cas de coupure des réseaux que la commune a été séduite, alors que le risque cyclonique est maximal cette année.

Phylip Schyle : maire de Arue et un des premiers utilisateurs polynésiens

Le maire de Arue est très impliqué dans le lancement de l'application en Polynésie. "Moi ce qui m'avait interpellé quand j'ai découvert cette application lorsque j'étais à San Francisco et sur le point de rencontrer ses créateurs, c'était l'opportunité de pouvoir communiquer en cas de catastrophe alors que la Polynésie venait d'être placé sous un risque cyclonique important. Pour coordonner les secours de la commune, et surtout pour communiquer : qu'on puisse se dire où il y a des difficultés, contacter nos proches. Ça a été ma première motivation.

Je pense que tous mes collaborateurs ainsi que mes élus ont installé l'application FireChat, en plus elle est gratuite. Nous invitons la population à faire de même. Et on est en train de réfléchir à un développement peut-être plus important de l'application, mais pour l'instant je ne peux pas en dire plus."

Thierry Lehartel et Marc Collins, co-fondateurs de Smart Tahiti Networks qui lance FireChat en Polynésie ; Philip Schyle le maire de Arue qui déploie l'application dans sa commune.
Premier projet d'un futur opérateur polynésien

Pour l'entreprise qui organise ce lancement en Polynésie l'objectif est aussi économique, comme nous l'explique le directeur général de Smart Tahiti Networks, Thierry Lehartel. Smart Tahiti Networks est le partenaire local d'OpenGarden pour le lancement de FireChat dans nos îles. C'est surtout le nouveau nom de l'entreprise NiuTV, qui propose depuis deux ans des boitiers de "smart TV" regorgeant d'applications Web. La société a changé d'enseigne et car elle a désormais pour ambition de "créer un opérateur internet alternatif. Il faut changer tous les modèles locaux en termes de service d'accès" affirment ainsi Thierry Lehartel et son associé, Marc Collins.

"Notre premier projet est FireChat," expliquent les deux co-fondateurs, "pour montrer quelles sont les possibilités pour arriver à des coûts de communication moins chers et pour qu'on utilise les forces de notre environnement. Nous sommes insulaires, 80% de la population se trouve à Tahiti et même dans quelques communes pendant les heures de travail. Nous avons 40% de smartphones, mais la plupart n'ont pas de 3G parce que les gens ne peuvent pas se la payer. Il y a moyen de mobiliser cette infrastructure humaine en créant le premier réseau citoyen, en commençant par Firechat."

Plus de nouvelles sur ce nouvel acteur du net dans quelques mois. En attendant, nous avons testé FireChat pour vous. Il il y a quelques bugs sous Android, des plantages intempestifs, la batterie n'aime pas trop et une difficulté lors de la création du compte (utilisez un mail plutôt que l'option SMS). Mais elle est efficace et fonctionne effectivement sans internet. C'est aussi une bonne application de messagerie, c'est d'ailleurs grâce à elle que nous avons contacté Mrs Lehartel et Collins pour ce papier, car ils ne répondaient pas à nos appels téléphoniques…


FireChat : SMS et Messenger sans opérateur

C'est la version la plus high-tech de radio-cocotier : FireChat est une application pour iPhone et Android qui peut se passer totalement de l'internet. Cet outil de messagerie instantanée, d'échange de photos et de salle de discussion en ligne utilise la connectivité wifi et bluetooth de nos téléphones modernes pour échanger directement les messages de la communauté entre les appareils. S'il y a suffisamment d'utilisateurs dans la zone, un message fait rapidement le tour de la communauté. Depuis son lancement en 2014, FireChat s'est déjà fait une place dans le top 10 des applications de messagerie les plus utilisées et est applaudie par la presse high-tech américaine. Son principal concurrent est l'application Serval Mesh, qui est open source.

La nécessité pour ce genre de technologie basée sur les concepts et les protocoles des réseaux peer-to-peer comme bittorrent a été établie lors des printemps arabes en 2011. Alors que les foules défiaient les dictateurs de la région, la réponse des autorités a souvent été de couper les réseaux téléphoniques et internet. Ces outils de coordination et d'organisation des foules étaient trop puissants dans les mains des protestataires… Depuis, de premiers projets contre cette censure du net ont démontré leur utilité lors de catastrophes naturelles, en premier l'ouragan Sandy qui avait coupé les réseaux de communication à New York. Alors, seul Commotion Wireless, un projet open source antérieur à FireChat, était debout et permettait de communiquer.

FireChat de son côté est une application propriétaire mais gratuite sortie en 2014. Elle a prouvé son utilité en Irak lors de restrictions du gouvernement à l'accès à internet, puis à Hong Kong lors de la longue protestation étudiante.




Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 16 Octobre 2015 à 11:09 | Lu 5789 fois