Tahiti, le 30 janvier 2025 - Le Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Polynésie française (Cesec) a rendu un avis réservé sur le projet de loi portant sur le Schéma territorial de prévention et de gestion des déchets (STPGD). En cause : un financement jugé incertain, une gouvernance floue et des solutions techniques coûteuses, dont un incinérateur controversé. Un signal d’alerte qui invite le gouvernement à revoir sa copie.
La question des déchets en Polynésie est un serpent de mer qui revient régulièrement sur la table des institutions locales. Avec ses contraintes logistiques et ses enjeux environnementaux, mais aussi l’éclatement géographique du territoire, la gestion des déchets constitue un défi colossal pour le Pays. Le Schéma territorial de prévention et de gestion des déchets (STPGD), censé apporter une réponse stratégique et durable, fait l’objet d’un projet de loi soumis à l'avis du Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Polynésie française (Cesec). Mais loin d’être convaincu, l’organe consultatif a rendu un avis réservé, pointant du doigt les lacunes majeures du dispositif, notamment sur son financement. Une prise de position qui met en lumière les failles structurelles de la politique environnementale du territoire.
Un projet ambitieux
Dévoilé en 2019 et fruit de plusieurs années de concertation avec les collectivités locales, le STPGD ambitionne de structurer la prévention et la gestion des déchets en Polynésie autour de cinq axes principaux : l’optimisation de la gouvernance ; la prévention et la réduction des déchets ; la valorisation des déchets ; le stockage et l’enfouissement ; l’optimisation de la gestion des déchets dangereux.
Pour débuter, le Cesec ne remet pas en cause la pertinence de ces orientations stratégiques, reconnaissant même leur importance. Le document permettrait d'installer un cadre général et d'apporter une cohérence dans les politiques locales de gestion des déchets. “On ne peut pas se prononcer non favorablement”, a d'ailleurs admis l'un des rapporteurs du projet d'avis, Marotea Vitrac. Mais là où le bât blesse, c’est sur les moyens financiers prévus pour concrétiser ces ambitions.
Financement hasardeux et projections floues
Le coût estimé du STPGD s’élèverait entre 42 et 50 milliards de francs sur une période de dix ans (2025-2035). Un montant colossal qui repose sur des sources de financement à la fois incertaines et hétéroclites : des recettes fiscales (TEEI, TERV, TEAP) insuffisantes et déjà partiellement affectées à d’autres politiques publiques ; l’instauration de nouveaux dispositifs fiscaux (taxes incitatives, taxe environnementale sur le tourisme, etc.), qui pourraient peser sur le pouvoir d'achat des Polynésiens ; un recours à l’emprunt non détaillé ; l’espoir de financements extérieurs via des fonds nationaux et européens.
Le Cesec souligne l'absence d'une vision claire sur la soutenabilité de ces financements. Surtout, l’absence d’un support consolidant les multiples sources budgétaires dédiées à la gestion des déchets empêche toute transparence sur la destination des fonds et la réelle efficacité des mesures. “Il faut un financement attribué et direct”, a soulevé Christophe Plée, membre du collège des entrepreneurs du Cesec, lors des débats. “Je suis sceptique”, a également déclaré Patrick Galenon, membre du collège des syndicats, de l'autre côté de l'hémicycle.
Clarifier la gouvernance
Autre point de friction : la répartition des compétences entre le Pays et les communes. Actuellement, le cadre juridique manque de clarté et entretient une confusion entre les notions d'“ordures ménagères” et de “déchets des ménages”, ce qui complique la gestion et le financement des infrastructures.
Le Cesec recommande une harmonisation du droit, un cadre définissant précisément les types de déchets et les obligations respectives des communes et du Pays. De même, il plaide pour une mutualisation des moyens entre les collectivités afin d’éviter une gestion en silos inefficace.
Bombe à retardement financière et environnementale
Parmi les mesures les plus controversées du projet figure l'installation d'une Unité de valorisation énergétique (UVE) – un incinérateur prévu d'être installé à Tahiti, pour transformer les déchets en énergie. Un investissement pharaonique estimé à plus de 20 milliards de francs, soit près de la moitié du budget du STPGD. Outre les incertitudes liées au coût de fonctionnement et à la gestion des résidus toxiques, l’impact environnemental et sanitaire d’une telle infrastructure suscite des interrogations.
Les incinérateurs génèrent des émissions polluantes et des particules fines nocives pour la santé, et leur transparence de gestion pose problème. Le Cesec recommande un encadrement strict de ces installations et la mise en place de contrôles indépendants. Mais surtout, il s’interroge sur la pertinence d’un tel projet au regard des volumes limités de déchets produits en Polynésie, et plaide pour un renforcement de la prévention et du recyclage avant toute solution technologique coûteuse.
Une politique à revoir
Si le Cesec reconnaît le besoin impératif d'une politique ambitieuse en matière de gestion des déchets, il estime que le projet de loi présenté reste trop flou sur les moyens concrets de sa mise en œuvre. Entre un financement bancal, une gouvernance mal définie et des solutions technologiques coûteuses aux impacts incertains, le STPGD semble plus être une déclaration d’intentions qu'un plan d’action réellement opérationnel.
En l’état, le Cesec ne peut qu’émettre des réserves et recommander une refonte du projet, sous peine de voir la Polynésie continuer à être engluée dans une gestion des déchets inefficace et sous-financée. Une mise en garde qui pourrait bien contraindre le gouvernement local à revoir sa copie.
La question des déchets en Polynésie est un serpent de mer qui revient régulièrement sur la table des institutions locales. Avec ses contraintes logistiques et ses enjeux environnementaux, mais aussi l’éclatement géographique du territoire, la gestion des déchets constitue un défi colossal pour le Pays. Le Schéma territorial de prévention et de gestion des déchets (STPGD), censé apporter une réponse stratégique et durable, fait l’objet d’un projet de loi soumis à l'avis du Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Polynésie française (Cesec). Mais loin d’être convaincu, l’organe consultatif a rendu un avis réservé, pointant du doigt les lacunes majeures du dispositif, notamment sur son financement. Une prise de position qui met en lumière les failles structurelles de la politique environnementale du territoire.
Un projet ambitieux
Dévoilé en 2019 et fruit de plusieurs années de concertation avec les collectivités locales, le STPGD ambitionne de structurer la prévention et la gestion des déchets en Polynésie autour de cinq axes principaux : l’optimisation de la gouvernance ; la prévention et la réduction des déchets ; la valorisation des déchets ; le stockage et l’enfouissement ; l’optimisation de la gestion des déchets dangereux.
Pour débuter, le Cesec ne remet pas en cause la pertinence de ces orientations stratégiques, reconnaissant même leur importance. Le document permettrait d'installer un cadre général et d'apporter une cohérence dans les politiques locales de gestion des déchets. “On ne peut pas se prononcer non favorablement”, a d'ailleurs admis l'un des rapporteurs du projet d'avis, Marotea Vitrac. Mais là où le bât blesse, c’est sur les moyens financiers prévus pour concrétiser ces ambitions.
Financement hasardeux et projections floues
Le coût estimé du STPGD s’élèverait entre 42 et 50 milliards de francs sur une période de dix ans (2025-2035). Un montant colossal qui repose sur des sources de financement à la fois incertaines et hétéroclites : des recettes fiscales (TEEI, TERV, TEAP) insuffisantes et déjà partiellement affectées à d’autres politiques publiques ; l’instauration de nouveaux dispositifs fiscaux (taxes incitatives, taxe environnementale sur le tourisme, etc.), qui pourraient peser sur le pouvoir d'achat des Polynésiens ; un recours à l’emprunt non détaillé ; l’espoir de financements extérieurs via des fonds nationaux et européens.
Le Cesec souligne l'absence d'une vision claire sur la soutenabilité de ces financements. Surtout, l’absence d’un support consolidant les multiples sources budgétaires dédiées à la gestion des déchets empêche toute transparence sur la destination des fonds et la réelle efficacité des mesures. “Il faut un financement attribué et direct”, a soulevé Christophe Plée, membre du collège des entrepreneurs du Cesec, lors des débats. “Je suis sceptique”, a également déclaré Patrick Galenon, membre du collège des syndicats, de l'autre côté de l'hémicycle.
Clarifier la gouvernance
Autre point de friction : la répartition des compétences entre le Pays et les communes. Actuellement, le cadre juridique manque de clarté et entretient une confusion entre les notions d'“ordures ménagères” et de “déchets des ménages”, ce qui complique la gestion et le financement des infrastructures.
Le Cesec recommande une harmonisation du droit, un cadre définissant précisément les types de déchets et les obligations respectives des communes et du Pays. De même, il plaide pour une mutualisation des moyens entre les collectivités afin d’éviter une gestion en silos inefficace.
Bombe à retardement financière et environnementale
Parmi les mesures les plus controversées du projet figure l'installation d'une Unité de valorisation énergétique (UVE) – un incinérateur prévu d'être installé à Tahiti, pour transformer les déchets en énergie. Un investissement pharaonique estimé à plus de 20 milliards de francs, soit près de la moitié du budget du STPGD. Outre les incertitudes liées au coût de fonctionnement et à la gestion des résidus toxiques, l’impact environnemental et sanitaire d’une telle infrastructure suscite des interrogations.
Les incinérateurs génèrent des émissions polluantes et des particules fines nocives pour la santé, et leur transparence de gestion pose problème. Le Cesec recommande un encadrement strict de ces installations et la mise en place de contrôles indépendants. Mais surtout, il s’interroge sur la pertinence d’un tel projet au regard des volumes limités de déchets produits en Polynésie, et plaide pour un renforcement de la prévention et du recyclage avant toute solution technologique coûteuse.
Une politique à revoir
Si le Cesec reconnaît le besoin impératif d'une politique ambitieuse en matière de gestion des déchets, il estime que le projet de loi présenté reste trop flou sur les moyens concrets de sa mise en œuvre. Entre un financement bancal, une gouvernance mal définie et des solutions technologiques coûteuses aux impacts incertains, le STPGD semble plus être une déclaration d’intentions qu'un plan d’action réellement opérationnel.
En l’état, le Cesec ne peut qu’émettre des réserves et recommander une refonte du projet, sous peine de voir la Polynésie continuer à être engluée dans une gestion des déchets inefficace et sous-financée. Une mise en garde qui pourrait bien contraindre le gouvernement local à revoir sa copie.