Fifo : quatre prix pour une "belle édition"


Crédit : Fifo/Suliane FavennecNEC
TAHITI, le 15 février 2021 - Le festival international du film documentaire océanien s’est achevé hier. Les prix ont été décernés vendredi soir lors d’une cérémonie de remise diffusée en ligne. Le grand prix du jury a été attribué à Loimata, the sweetest tears, le prix spécial à Freeman et le prix du jury à Makatea, la terre convoitée. Selon les premiers chiffres, le Fifo 2021 a été une "belle édition".

"Le premier constat", a indiqué le ministre de la Culture, Heremoana Maamaatuaiahutapu lors de l'ouverture de la cérémonie de remise des prix du Fifo, "c’est que ce festival remporte toujours le même succès auprès du public".

La cérémonie a eu lieu à huis-clos vendredi soir. Elle a été retransmise en direct sur Facebook. "Si les chiffres se confirment, le Fifo 2021 est au-delà de nos espérances. C’est une belle édition !" La 18e édition du festival a été à 100% numérique.

Les internautes ont pu visionner l’ensemble des films du 6 au 14 février. Il a été très suivi en Polynésie française mais également en métropole et en Nouvelle-Calédonie, selon Miriama Bono, présidente de l’Afifo.

"Nous nous sommes demandés un temps si le Fifo allait avoir lieu. La question s’est posée étant donné les conditions sanitaires", s’est rappelé Moana Brotherson. La décision a été prise de maintenir l’événement en numérique.

"Il devait se tenir pour continuer à faire rêver." Il devait avoir lieu pour mener à bien ses missions, celles d’alerter, de s’interroger, de rapprocher les peuples. Tout a été dématérialisé. Les organisateurs, professionnels n’ont pas pu se rencontrer. "Ce qui nous a manqué, c’est sûr, le hongi, le souffle de vie partagé est important pour nous, Océaniens."

Pour autant, la question se pose d’ores et déjà de maintenir une version numérique, même si les conditions sanitaires s’amélioraient et que le festival pouvait se tenir à nouveau en présentiel.

Un festival résilient

Le ministre de la Culture, co-fondateur du Fifo avec Wallès Kotra, directeur exécutif chargé de l’Outre-mer au sein du groupe France Télévisions, a poursuivi : "Le terme est à la mode, mais depuis le début, le festival fait preuve de résilience. Il prouve notre capacité à nous adapter."

Le Fifo est l'une des très rares manifestations culturelles qui ont pu avoir lieu depuis mars 2020, en Polynésie française mais également dans tout le Pacifique. Le festival est apprécié pour la qualité de sélection de ses documentaires, pour ses colloques, ses entretiens, ses tables rondes.

Ses prix sont attendus. Public et jury se sont exprimés. Ils ont pu voter presque comme les années précédentes. Le public a pu, après avoir visionné les films, voter directement sur la plateforme numérique.

Court-métrage océanien : Deux films ex-aequo !

Au cours du Off, le Fifo embarque ses spectateurs dans la Nuit de la fiction depuis 12 ans et depuis 4 ans dans Fenêtres-sur-courts qui propose des courts documentaires.

En 2021, dix fictions océaniennes ont été présentées venant principalement de Hawaii, mais aussi de Nouvelle-Calédonie, de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Sept courts-métrages documentaires ont permis une plongée dans les eaux néo-zélandaises surtout, mais aussi américaines, hawaïennes et polynésiennes.

Le prix, a souligné Mareva Leu, a "pour la première fois" été remis à deux films arrivés ex-aequo. Il s’agit de About last night pour les fictions et de Pa’ari pour les courts-documentaires.

Prix du public, le prix coup de cœur

Le très attendu prix du public des films documentaires en compétition a été remis par Moana Brotherson, fidèle membre du comité de présélection qui compte au total 12 personnes. Ce comité a visionné un peu plus de 100 films envoyés pour participer à l’édition 2021 du Fifo.

Le prix du public est un prix spécial, c’est le prix du cœur, souvent différent de celui du jury. Il a été décerné à Makatea, la terre convoitée de Claire Perdrix. "Je n'osais rêver de ce prix-là, le plus précieux souvent pour nous", a-t-elle réagi. "Je suis surtout super heureuse que l'histoire de Makatea ait touché les gens..."

Freeman, "Une belle histoire"

Le jury, embarqué sur la pirogue du Fifo, a voyagé en Océanie, vivant "toutes sortes d’émotions". Il est allé à Makatea, aux Samoa, en Nouvelle-Calédonie avant de s’arrêter en Australie où "nous avons apprécié l’histoire d’une jeune Aborigène rappelant qu’il y a eu de la souffrance dans ce pays. C’est une belle histoire".

Le prix spécial du jury a été décerné par Stella Taaroamea, responsable des programmes de Polynésie la 1ère à Freeman de Laurence Billiet. Seule membre présente physiquement à Tahiti, elle était en plateau prenant la parole au nom du jury.

"C’était une semaine magnifique, le numérique est dans l’ère du temps, il impose de nouveaux codes", a-t-elle résumé. Des codes que la "famille" jury a réussi à trouver malgré le décalage horaire et la situation des uns et des autres aux quatre coins du monde car "quand on est passionné, on ne compte pas".


Enfin, le Grand prix Fifo – France Télévisions a été remporté par Loimata, The Sweetest Tears. Il a été remis en direct d’Australie par Julia Overton, productrice. Selon elle, les films ont plu au jury pour "leur diversité", leur "qualité" et leur "profondeur".

Les histoires, peignant des situations dans différentes parties du monde, ont suscité d’intenses discussions. "Les réalisateurs ont été braves et courageux, mais finalement nous avons retenu ce film magnifique qui aborde les problèmes culturels et familiaux."

C’est sur ces mots que s’est terminée la cérémonie de remise des prix en comité restreint et en format réduit. Les organisateurs donnent rendez-vous en 2022, du 5 au 13 février, à tous les amoureux du festival avec l’espoir de pouvoir à nouveau recevoir les professionnels du secteur et le public. "Vous nous manquez, notre plus grand plaisir est de vous accueillir."



Grand prix Fifo – France télévisions

Loimata, the sweetest tears : l’homme a plus de racines qu’un arbre

Emma Siope est un roc, un repère, un pilier. Elle est le guide d’une famille samoane émigrée en Nouvelle-Zélande. Elle est grande, et forte, malgré la maladie qui la ronge. Elle est en phase terminale de cancer. Mais elle aussi pleine de blessures pansées. Des blessures révélées au fil de ce documentaire co-réalisé par Anna Marbrook.

Les parents d'Emma ont quitté les Samoa pour la Nouvelle-Zélande où ils ont fondé leur famille. Anna Marbrook suit Emma, ses parents, frères et sœurs qui font le trajet inverse pour revenir à leurs origines. Le documentaire est une aventure sur l’humanité, sur la communauté, la relation homme-femme, sur la connexion. "Ce n’est pas un film sur la maladie, je ne le souhaitais pas et Emma non plus", insiste la co-réalisatrice. "Ce n’est pas un film sur la mort, c’est un film sur l’éveil, le réveil, la vie qui continue. Nous avons voulu montrer l’espoir et les possibilités. Ce film est un voyage vers la lumière."

Prix spécial du jury

Freeman : "j’avais l’impression de voler"

Cathy Freeman dit être née dans une famille "aimante" mais "là où j’ai démarré, les gens ne sont pas de grands rêveurs".

Elle l’était, rêveuse, battante, persévérante. Cathy Freeman est une athlète australienne qui a emporté la finale du 400 mètres des Jeux Olympiques de l’an 2000, à Sydney.

Marie-José Perec, qui devait participer à cet événement historique, a finalement abandonné car "ce n’était pas une course contre Cathy Freeman, mais une course contre une nation qui avait des problèmes à régler, moi, j’étais préparée pour le 400 mètres".

Le documentaire raconte l’histoire de l’athlète et en filigrane de l’Australie, il montre dans une forte tension et une grande esthétique ce moment de grâce, ce moment d’unité de la nation australienne. Il montre la force et la beauté de l’instant.

Prix du public

Makatea, la terre convoitée : David contre Goliath

La réalisatrice, Claire Perdrix, s'est rendue à Makatea en 2019, dans le cadre d'une série de documentaires sur les Gens de la terre.

Elle a suivi ses habitants dans leur quotidien alors que l'île doit faire un choix cornélien : revenir à l'extraction du minerai qui, au début du XXe siècle, avait permis de créer de l'emploi, de construire cinéma, théâtre, des bars, des magasins, de faire vivre 4000 personnes mais qui a laissé l'île exsangue ou bien imaginer un développement durable, travailler la terre extrêmement riche et fertile grâce au phosphate, imaginer un tourisme modéré pour protéger les ressources. "Ce n'est ni une enquête, ni un film militant ou historique, ce n'est pas un film à charge contre quiconque, c'est un film qui montre ceux qui vivent de la terre. Ce qui n'est pas un choix archaïque, bien au contraire", assure la réalisatrice.


Prix du meilleur court-métrage océanien : attribué à deux films arrivés ex-aequo

Pa’ari, des services sociaux à la lumière du ring

Ce documentaire de Toarii Pouira dure 13 minutes. Il suit Henri Burns, un boxeur polynésien fier de son sport et qui se bat pour gagner. Il raconte comment les sports de combat l’ont choisi et comment s’est construite son histoire. Comme lui, l’enfant des services sociaux, l’enfant harcelé est devenu champion.

About last nigtht : l’engrenage

Nouméa, les folles nuits de la ville… La vie va basculer en une soirée pour trois jeunes : une livraison illégale d’alcool, une fête trop arrosée et un petit groupe de garçons prêts à une anarque brutale. Auraient-ils pu échapper à cet engrenage ?’ Une fiction calédonienne de 27 minutes.


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 15 Février 2021 à 08:21 | Lu 867 fois