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Fifo 2025 : “Merci à tous !”


Tahiti, le 9 février 2025 - Le Festival international du film documentaire océanien s’est achevé ce dimanche après la projection pendant le week-end des films primés lors de la cérémonie de remise des prix, vendredi soir. C’est le documentaire australien The Dark Emu Story qui a emporté le grand prix du Fifo 2025. Fier.e.s a obtenu le 2e prix spécial du jury ainsi que le très apprécié prix du public.
 
En ouvrant le Festival international du film documentaire océanien, lundi 3 février, Wallès Kotra, cofondateur, insistait sur l’importance pour les îles du Pacifique de “résister”. Vendredi, lors de la cérémonie de remise des prix, il s’est félicité, car le Fifo relève le challenge. Selon lui, l’engament des acteurs de l’audiovisuel, la présence du public, “la joie, les mots et les applaudissements” sont autant de manifestations qui le prouvent.
 
Humilité et simplicité
 
Pour autant, “on reste un petit festival”, et on “doit le rester” : “On doit garder humilité et simplicité.” Il a rappelé qu’en Océanie, “les choses les plus importantes de la vie ne se crient pas. Elles se chuchotent”. Aussi, le Fifo doit-il rester un lieu d’échange, un lieu “où l’on pourra se dire les choses avant de les crier au monde”.
 
Heremoana Maamaatuaiahutapu, lui aussi cofondateur du festival, a saisi l’occasion de la remise des prix pour rappeler qu’à l’heure où les Gafam ont “investi la présidence d’un grand pays de plus en plus totalitaire, nous devons garder notre intelligence collective !” Il a insisté sur le rôle que les îles du Pacifique avaient à jouer dans un contexte d’urgence climatique : “Ce n’est pas la planète qui est en danger, c’est l’humanité.” Le tout nouveau prix décerné au Fifo, Demain Ananahi (voir encadré), participe de cette volonté d’exemplarité.
 
Un palmarès qui célèbre la différence
 
Vendredi soir, sept prix ont été attribués. Le public en a décerné trois : le Prix du Public pour les films en compétition, le prix du meilleur court-métrage documentaire et le prix du meilleur court-métrage de fiction (voir encadré). Le jury, lui, a attribué le grand prix du Fifo, un 1er et un 2e prix spécial. Son palmarès célèbre la différence.
 
Le 1er prix a été attribué à Trans & Pregnant de Ramon Tewake, “une belle histoire d’amour” a décrit le jury. Il a été reçu avec un enthousiasme contagieux par Ramon Tewake en personne : “merci ! Vous jetez la lumière sur la vie des trans sans craindre de faire une telle déclaration. C’est pour moi une dédicace à tous les trans. Cette histoire – une banale histoire en fait – montre deux personnes amoureuses, et nous enseigne beaucoup sur l’amour. Avec elle, il y a beaucoup à découvrir, des aspects sociaux, politiques mais aussi médicaux ! Nous avons encore beaucoup de travail !” S’adressant à l’équipe du documentaire Fier.e.s, de Raynald Mérienne, Ramon Tewake a ajouté : “Je n’en reviens pas de partager tout ça avec vous !”
 
Car Fier.e.s a aussi été récompensé. Doublement récompensé d’ailleurs. Il a reçu le 2e prix spécial du jury et le prix du public. Un prix toujours très apprécié par les réalisateurs, il est celui du cœur. Visiblement émue, l’équipe est montée à deux reprises sur scène. “Ce film que vous avez choisi apportera, j’espère, la justice”, a indiqué le réalisateur. “C’est pour vous, public, que nous écrivons ce genre d’aventures.” À ses côtés, Karel Luciani, président de l’association Cousins Cousine qui a été embarquée dans l’aventure, s’est réjoui. “Jusqu’alors, je me sentais un peu seul dans mon combat, et je suis fatigué”, a-t-il avoué. L’association créée en 2007 est représentative des homosexuel(le)s, transgenres & autres identités LGBTQIA+. Elle œuvre à leur intégration et leur reconnaissance par la société polynésienne. Raynald Mérienne a dédié le prix du public à l’association. Seul, on n’y arrive pas ; avec des gens sensibles, les choses pourront changer, a conclu Karel Luciani.
 
Le grand prix du jury a été décerné, lui, au film australien The Dark Emu Story d’Allan Clarke. Ce film plonge dans la controverse. Il offre une plateforme au peuple premier de l’Australie pour partager ses histoires remarquables et éclaire notre compréhension de l’histoire australienne. Allan Clarke, heureux, a remercié le jury pour ce qu’il a décrit comme un honneur”. Je ne sais pas quoi dire ! C’est absolument incroyable. Je suis tellement reconnaissant envers la communauté aborigène de m’avoir autorisé à aller chez eux et à parler de leur histoire ! Il a expliqué : Il est tellement important que les Aborigènes aient voix au chapitre, c’est leur histoire. Ce film a été fait pour les générations futures.
 
Le voyage continue
 
Le Fifo, cette “aventure qui laisse des traces indélébiles”, selon Xavier Marotel, le secrétaire général au haut-commissariat, qui reste comme “un phare dans nos esprits”, est terminé. “Nous avons ri, beaucoup ; pleuré, souvent ; rêvé, toujours”. Les professionnels et particuliers, le grand public et les scolaires ont partagé des instants de vie. “La soirée de clôture n’est pas une fin !” Le cinéma sera toujours là pour “voir autrement, aimer différemment, rêver immensément.” Pour le ministre de l’Éducation et de la Culture, Ronny Teriipaia, le Fifo est “une célébration de nos peuples et de leurs histoires. La 22e édition est terminée, mais le voyage continue !”
Les films du Fifo restent accessibles en ligne jusqu’au 16 février.
 

Le jury 2025 passé de 7 à 6
Le président du jury 2025, Ben Salama, s’est exprimé en toute transparence, justifiant une décision d’importance prise au début de la semaine du festival. Citant Corneille, il a annoncé : “Nous partîmes à sept, mais en raison d’un événement imprévu, nous nous vîmes six pour délibérer et voter.”
 
Il a salué la qualité des films en compétition avant d’expliquer : “Il se trouve qu’en arrivant, un des membres du jury s’est aperçu qu’il avait un lien très lointain avec l’un des films en compétition. C'est la raison pour laquelle nous avons pris une décision unanime au sein du jury et sans en informer l’organisation : de ne voter qu’à 6. Il a insisté : “Nous avons fait sérieusement notre travail.
 
Avant de choisir, des débats nourris ont eu lieu, des débats professionnels et humains parce que nous avons des origines différentes et des parcours professionnels différents ce qui fait que les débats ont été extrêmement denses. Pour tous, cela a été une expérience extrêmement enrichissante.
 
Il a remercié l’ensemble des réalisateurs, et s’est excusé, admettant une nouvelle fois qu’un palmarès restait “injuste”. “Il a fallu faire des choix ! Prendre des décisions cornéliennes. Pardon.“Le fait d'être là, le fait d’être engagé c’est déjà une récompense.
 
 

Te Puna Ora, la source de vie, un film qui “prend aux tripes”

C’est la première fois que ce prix est donné. À l’initiative de la directrice du pôle outremer France TV, Sylvie Gengoul, il vient récompenser les films qui traitent de sujets touchant de près ou de loin à l’environnement. Selon la directrice les trois bassins Atlantique, Indien et Pacifique partagent une vulnérabilité sans pareil. La population des outremers est en première ligne des questions et enjeux écologiques. Leur fragilité leur confère une mission, “une mission que partage le service public qui se doit d’informer, de partager et d’alerter”. Ce prix s’inscrit dans cette optique.
 
Le prix a été décerné par un jury de cinq personnes, spécialement constitué pour l’occasion. Winiki Sage, membre de ce jury, dit avoir été particulièrement touché par le film de Virginie Tetoofa, Te Puna Ora, la source de vie, par le combat des femmes que la réalisatrice a mis en lumière. “Ce film prend aux tripes.”
 
Le prix Demain Ananahi sera également attribué au Fifoi et au Fifac. Le Fifo est le premier des trois festivals à le donner.
 

Palmarès de la 22e édition

Le Grand Prix du Fifo – France Télévisions : The Dark Emu Story – Allan Clarke
1er Prix Spécial du Jury : Trans & Pregnant – Ramon Tewake
2e Prix Spécial du Jury : Fier.e.s, la voix du Pacifique – Raynald Mérienne
Prix du Public : Fier.e.s, la voix du Pacifique – Raynald Mérienne
Prix du Meilleur Court-Métrage Documentaire : Dear Aloha – Cris Romento
Prix du Meilleur Court-Métrage de Fiction : La cachette – Nyko PK16
Prix Demain / Ananahi : Te Puna Ora, la source de vie – Virginie Tetoofa
 

Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 9 Février 2025 à 15:23 | Lu 698 fois