Fierté mā'ohi sur les Champs-Élysées


Matteo, prêt à défiler à Paris.
Paris, le 14 juillet 2022 - Ils figurent parmi les 9 000 militaires sélectionnés pour le défilé du 14-Juillet, sur les Champs-Élysées, à Paris : De nombreux hommes et femmes ont quitté le fenua pour rejoindre l'armée française. Tahiti-Infos est allé à leur rencontre.
 
L'Arc de triomphe, la “plus belle avenue du monde”, la monumentale place de la Concorde, la Seine, l'obélisque et le jardin des Tuileries qu'on devine : le décor a de quoi impressionner. Il a ému aux larmes l'élève-gendarme Georges Olivier, qui le découvrait pour la première fois à l'occasion des répétitions générales du défilé militaire. 
 
Avec pas moins de 9 000 militaires “défilants” –plus de 12 000 personnels de l'armée en comptant la logistique et l'organisation– 25 hélicoptères, 65 avions, 221 véhicules, ce défilé constitue le point d'orgue de la fête nationale, en France. Juste après avoir assisté au défilé depuis la tribune d'honneur, sur la place de la Concorde, le président de la République Emmanuel Macron accordera une interview télévisée. L'Élysée fait savoir que le défilé et la fête nationale sont “un moment privilégié pour mettre en avant [la] solidarité stratégique avec les alliés”, à l'heure de la guerre en Ukraine, aux confins de l'Europe.
 
La guerre en Ukraine, tous les militaires qui défileront l'auront en tête. “Lorsque la guerre a éclaté, j'ai d'abord pensé à ma famille : dans le Pacifique, la famille c'est le plus important, confie le soldat de première classe Turere, du 48e régiment de transmissions d'Agen, originaire de Tahiti. Je me suis dit que j'allais peut-être devoir être déployé sur un théâtre d'opérations en Ukraine. Et cela m'éloignerait encore davantage de ma famille.” L'éloignement de leur fenua est la première et la plus grande difficulté que rencontrent les engagés polynésiens dans l'armée.
 

​“Le chemin de nos ancêtres”

David est caporal-chef dans le 5e régiment interarmes d'Outre-mer, basé à Djibouti, dans un centre d'aguerrissement du désert. Originaire de Tahiti, lui aussi défile aujourd'hui sur les Champs-Élysées pour la première fois. Il sert dans l'armée depuis 18 ans et “ce défilé est un moment important parce qu'on est désignés, choisis, c'est un moment important dans la carrière militaire.” Avec ses camarades, il s'entraîne depuis plus d'un mois pour cet instant complexe, où des milliers d'hommes et de véhicules doivent être à l'unisson, parfaitement coordonnés.
 
“Pour moi qui viens de très loin, c'est un grand honneur et une grande fierté, dit encore Matteo, sergent dans l'armée de l'air, rattaché à la base aérienne de Rochefort. Quelques amis sont venus me voir pour la répétition générale et cela fait beaucoup de stress aussi. On veut être le plus beaux et faire le mieux possible, montrer que l'armée de l'air et de l'espace tient son rang pour le 14-Juillet !”
 
Matteo, comme les autres Polynésiens que Tahiti Infos a rencontré, fréquente des camarades originaires du fenua. Chaque année, plus de 600 Polynésiens s'engagent sous les drapeaux. En rapport avec la population des archipels, c'est une proportion considérable. Le contingent formé par les Polynésiens est ainsi comparable au personnel fourni par des régions très peuplées de France. D'où viennent toutes ces vocations ? Matteo tente une explication. Pour lui, “dans toutes les armées il y a beaucoup de Polynésiens, Wallisiens et Polynésiens de Nouvelle-Calédonie parce que pour nous, servir notre pays est quelque chose de grand. Nous voulons aussi montrer notre culture. Et puis, l'armée représente une opportunité pour gagner bien sa vie. Enfin, nous suivons le chemin de nos ancêtres qui se sont battus pour ce pays.”
 

Georges, élève gendarme dans la 4e compagnie de Dijon, 24 ans, originaire de Punaauia

Georges, 24 ans, de Punaauia.
 
Que vous inspire le fait de défiler sur les Champs-Élysées, à Paris, au milieu des 9 000 militaires français ?
 
“C'est la première fois que je défile et c'est la première fois que je viens en métropole. C'est incroyable. D'abord, réussir le concours, intégrer l'école de gendarmerie et savoir que l'on va défiler, les Champs-Élysées, c'est très impressionnant ! Incroyable !”
 
Est-ce que c'est une fierté pour la France ou bien une fierté pour le fenua ?

“Pour tous les deux. C'est une fierté de défiler pour la France, devant le président, devant les officiers généraux, devant toute la gendarmerie. Et tout ça pour l'école. Mais c'est surtout une fierté pour la Polynésie. Cela fait quelque chose de partir à 18 000 kilomètres de chez soi ! Tellement de choses sont différentes ici : au niveau culture, au niveau politique, au niveau de la scolarité aussi. Alors, je défile avant tout pour la Polynésie.”
 
Il y a un esprit de corps dans votre unité ? Vous avez trouvé des gens sur qui vous appuyer, ici ?
 
“Je suis quelqu'un d'une nature assez réservée mais le statut militaire m'a permis d'affronter cette timidité. Je parle aux gens, à mes camarades et j'ai rencontré des Polynésiens à l'école. Trouver des gens du fenua m'a beaucoup aidé. Ça a été dur pour moi au début, surtout les mots en français parce que je parlais tahitien à Tahiti. Cela a été dur. Il a fallu tenir le coup !”
 

Rédigé par Julien Sartre le Jeudi 14 Juillet 2022 à 11:47 | Lu 2359 fois