Festival Te Vevo, l’art de dire


Guillaume Gay de la compagnie du Caméléon.
TAHITI, le 21 février 2023 - Le festival Te Vevo revient pour une troisième année de spectacles et de projections. Il durera trois semaines, du 2 au 19 mars, et se déclinera en pièces de théâtre, soirées cinéma et débats. À chaque semaine sa thématique.

La compagnie du Caméléon organise le festival Te Vevo. Comme lors de ses deux précédentes éditions, cet événement culturel souhaite apporter un éclairage et susciter la réflexion sur des sujets de société choisis. Guillaume Gay, de la compagnie, rappelle que Te Vevo signifie l’écho. “Le festival se fait donc l’écho de faits de société polynésiens.” L’idée n’est pas “de juger mais bien de mettre en débat” ; elle n’est pas “d’apporter une réponse aux questions posées”, mais de proposer “un faisceau de réflexions”. Les réponses viennent ensuite, quand cela est possible.

Pour remplir sa mission, Te Vevo propose des pièces de théâtres et des films qui sont toutes et tous suivis de débats en présence des artistes et de personnes ressources issues de la société polynésienne. Les pièces sont jouées 2, 3 ou 4 fois pour le grand public (des représentations pour les scolaires sont également prévues), les films sont projetés une seule fois. Les personnes ressources invitées à débattre sont différentes à chaque soirée.
Pour la troisième édition de l’événement, trois sujets seront abordés : les secrets de famille ; les conséquences du nucléaire ; l'accompagnement des matahiapo.

Secrets de famille

Te Vevo s’ouvrira le 2 mars avec la toute nouvelle pièce de la compagnie du Caméléon. Intitulée Keshi, elle raconte l’histoire de Hereau, un jeune Polynésien qui, pour réussir à se tenir droit à l’intérieur d’une famille hantée par les silences, doit découvrir quelles sont ses racines. Il part en quête de son identité et, ce faisant, va provoquer l’émergence de la parole. “Cette pièce sonde les silences, les secrets enfouis qui mènent aux tensions dans les familles, amènent la violence, apportent les traumas”, décrit Guillaume Gay. Il est l’un des acteurs. Keshi repose sur des récits de vie, des témoignages récoltés à l’occasion d’action socioéducatives menées en prison, dans des foyers… Ceux-ci ont nourri l’écriture de Solenn Denis qui est l’auteure de Keshi. En 2017, elle était déjà venue à Tahiti avec sa pièce Sandre.

Cette thématique du non-dit sera également abordée avec la projection du film Secrets And Lies de Mike Leigh, palme d’or au festival de Cannes en 1996. Ce film suit Hortense, une jeune femme noire issue d’un milieu confortable qui, à la suite du décès de sa mère adoptive, va partir à la recherche de sa mère biologique. Ailleurs, Cynthia, une femme ouvrière blanche vit dans un quartier populaire avec sa fille. Mère et fille ont de sérieux problèmes relationnels. L’arrivée de l’enfant caché va mettre au jour les secrets et mensonges qui minent la cellule familiale.

Le nucléaire et ses conséquences

C’est la pièce Les Champignons de Paris qui a été choisie pour explorer la seconde thématique du festival : les conséquences du nucléaire. La pièce illustre les rêves de progrès et de prospérité promis par la France puis relaie la parole de témoins. Elle est bien connue sur le territoire où elle a déjà été jouée de nombreuses fois. “Nous avons souhaité l’intégrer pour permettre un débat plus étoffé.” En effet, à l’issue de chacune des représentations, la parole prévoit d’être donnée au public en présence des acteurs. Pour Te Vevo, ce débat sera animé par un journaliste et réunira sur la scène des personnalités de la société civile.

La Terre outragée est le film choisi pour apporter un éclairage supplémentaire à cette thématique. Ce film date de 2012 et démarre à Pripiat en avril 1986, à quelques kilomètres de Tchernobyl. Ce jour-là, la vie suit son cours. Anya et Piotr célèbrent leur mariage. Valery et son père, plantent un pommier. Le garde forestier Nikolaï fait sa tournée. Et la catastrophe se produit. Dix ans plus tard, Anya est guide dans la zone d’exclusion de la centrale aujourd’hui. Un site aujourd’hui aménagé en un étrange lieu de tourisme. L’espoir d’une nouvelle vie est-il permis ? “Ce film interroge sur la survie, le sens que l’on peut donner à la vie après une catastrophe”, commente Guillaume Gay.

Home, ou le dernier round de la vie

La pièce de théâtre Home permettra d’aborder la thématique des matahiapo, les aînés, “de nous interroger sur notre rapport aux séniors, au jeunisme, au temps”, détaille Guillaume Gay. Interprétée par trois jeunes comédiens, cette pièce embarque le public auprès de trois matahiapo, dans leur quotidien et leurs pensées. Elle propose également une véritable performance technique puisque les trois acteurs usent de la méthode du lip sync, ou synchronisation labiale. Ils doivent caler leur jeu sur les voix des matahipao. “Cela donne un côté extraordinaire à la pièce, dans le sens où elle sort vraiment de l’ordinaire”, constate Guillaume Gay. Home est pleine de finesse, de poésie et de sensibilité. Une pièce qui n’est pas, non plus, dépourvue d’humour.

En amont, c’est le film The Father sera projeté pour introduire la thématique. Ce drame de Florent Zeller, interprété notamment par Anthony Hopkins (Oscar 2021 du meilleur acteur) et Olivia Colman, raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans dont la réalité se brise, lorsqu’il se voit atteint de la maladie d’Alzheimer. L’œuvre dit aussi les tourments de sa fille qui tente de l’accompagner.

Faire bouger les lignes

La première édition de Te Vevo avait eu lieu en 2019, la deuxième en 2020. Différents sujets ont d’ores et déjà été abordés comme l’exclusion sociale, la violence, la pédophilie, la place de la femme, l’alimentation… Difficile de dire comment, pour le grand public, le festival peut faire bouger les lignes. Mais cet événement n’est pas sans effet. Il permet, au-delà des réflexions individuelles, de créer une transversalité. Des professionnels d’horizons variés sont invités à discuter et mettre en commun leurs expériences, savoirs et savoir-faire. Sur le sujet particulier de la pédocriminalité, Te Vevo a permis de donner naissance à un guide de sensibilisation à destination du public concerné. Il devrait sortir dans les prochaines semaines.


Pratique

Du 2 au 19 mars au Petit théâtre de la Maison de la culture.
Au total il y aura trois soirées cinéma et 12 représentations théâtrales qui toutes seront suivies de débats.

À partir de 4 500 Fcfp pour une place au théâtre et 1 000 Fcfp pour une soirée cinéma. Les billets sont en vente dans les magasins Carrefour, à Radio 1 et en ligne.



Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 21 Février 2023 à 14:47 | Lu 845 fois