Ferme aquacole de Hao : tapis rouge pour le projet chinois


La première pierre de la ferme aquacole de Hao a été déposée en mai 2015. Depuis, les premiers travaux ont commencé très doucement. La fin des formalités administratives pourrait accélérer le processus.
PAPEETE, le 9 avril 2018 - Ce sont 32 milliards de francs d'investissements chinois qui viennent d'être agréés par le Pays. C'était la dernière étape nécessaire pour faire sortir de terre la ferme aquacole de Hao. En échange de ses milliards, Tahiti Nui Ocean Foods ne paiera pas d'impôts et de taxes pendant la construction, et sera même exonérée d'une grosse partie de la fiscalité qui touche les sociétés polynésiennes pendant 10 à 30 ans.

Par un arrêté du Conseil des ministres publié au Journal Officiel du 6 avril, le gouvernement a accordé son agrément au projet de ferme aquacole de Hao. Cette formalité d'à peine deux pages vient mettre en œuvre l'ensemble des avantages fiscaux votés précédemment pour encourager les investissements étrangers. A noter qu'aucuns des travaux réalisés avant cette publication ne bénéficiera des exemptions fiscales prévues, ce qui peut expliquer la lenteur du projet au démarrage (en plus d'un litige judiciaire entre l'investisseur et un de ses fournisseurs locaux).

Le total des investissements listés dans l'arrêté porte sur 32 milliards de francs, qui doivent être réalisés dans les cinq ans. Bien moins que les 150 milliards dont on parlait entre 2012 et 2015, alors que le projet était encore en négociation, et toujours moins que les 80 à 100 milliards de francs annoncés par Edouard Fritch en avril 2016, à son retour du dernier tour de discutions de haut niveau en Chine.

Malgré tout, 32 milliards de francs d'investissements extérieurs représentent une plus grosse somme que l'ensemble des investissements reçus par la Polynésie en 2013, 2014, 2015 et 2016 combinés (ces années ont cumulé 23,9 milliards de francs d'investissements directs extérieurs en Polynésie selon l'IEOM, dont beaucoup de rachats d'hôtels). D'autres investissements liés à ce projets pourront être ajoutés plus tard.

Exempté de taxes et d'impôts, mais la ferme paiera ses cotisations CPS

Le programme est situé en Zone de développement prioritaire dans l'archipel des Tuamotu (ZDP2), et dépasse le seuil de 30 milliards de francs investis, tel que prévu par la loi du Pays n° 2017-43 du 22 décembre 2017 "portant incitations fiscales à la réalisation de grands investissements en Polynésie française". La loi offre 30 ans l'exemptions de taxes à l'importation et d'impôt foncier à l'investisseur, pour compenser le surcoût de monter une activité dans les archipels. Le même projet à Tahiti n'aurait eu droit à une exemption que pour la durée des travaux. La loi prévoit aussi toute une série d'autres exemptions fiscales très généreuses, pour des durées plus courtes (voir encadré).

Pour bénéficier de ces avantages, l'investisseur s'est engagé sur exactement 31 934 867 000 francs d'investissements, ce qui le place largement au-dessus du seuil de 30 milliards et lui permet de créer une sorte de zone franche juste pour le projet. Cependant le Pays se réserve le droit de retirer son agrément "si les investissements ne sont pas réalisés dans les conditions prévues par le ou les arrêtés d'agrément", ce qui retirerait tout ou partie de ces avantages fiscaux.

L'investisseur reste redevable d'une "taxe forfaitaire de solidarité" de 2 % sur toutes ses importations. Sur 32 milliards de francs d'investissements, ce sont tout de même 640 millions de francs qui iront dans les caisses du Pays. Le Pays qui aura pour seuls frais dans ce projet la construction de la route qui contournera le complexe, pour un coût de 500 millions de francs. Aucune subvention ou défiscalisation du Pays ou de l’État ne sera versée.

A noter enfin que, contrairement aux premiers projets de zone franche imaginés pour le Mahana Beach, le droit du travail restera presque entièrement de droit commun. Tous les salariés, exploitants indépendants de parcs à poisson et fournisseurs de la ferme aquacole seront soumis aux cotisations sociales à la CPS et à toute la législation en vigueur (sauf les techniciens étrangers qui pourraient intervenir pour la construction et l'installation de la ferme, qui sont exemptés de la retenue à la source). En 2015, le maire de Hao, Théodore Tuahine, annonçait que "durant la phase de construction des installations, 450 à 500 personnes vont travailler sur l'atoll durant près de trois ans. (Puis pendant la phase d'exploitation) on parle de 250 personnes sur terre à la transformation et de 200 aquaculteurs." Le président Édouard Fritch, lui, parlait de 400 emplois en avril 2016.

Shen Zhiliang, le consul de Chine en Polynésie française que nous avons interviewé la semaine dernière, affirme que les investisseurs ne viendront pas avec leur propre main d’œuvre : "Quand les entreprises chinoises investissent à l’étranger, elles respectent vraiment ce principe de localiser les ressources, d’utiliser la main d’œuvre locale. Sur le projet aquacole de Hao, il n’y aura que des techniciens qui viendront de Chine. Pour les premier travaux qui sont en cours, de terrassement, ils ont utilisé la main d’œuvre locale. (...) Sur ce projet tout particulièrement, nous sommes basés sur le principe gagnant/gagnant. Nous allons créer des emplois locaux, faire avancer l’économie locale, mais en retour, les entreprises chinoises vont exporter les produits aquacoles vers la Chine."


Quels avantages a obtenu Tahiti Nui Ocean Foods ?

coupé de ruban avec Cheng Wang, le Pd-g de Tahiti Nui Ocean Foods, Edouard Fritch le président du Pays et Théodore Tuahine, le tavana de Hao
La société Tahiti Nui Océan Foods est exonérée, pendant 30 ans à partir d'aujourd'hui :
- des droits et taxes à l'importation pour l'ensemble des marchandises liées au programme d'investissement agréé. Ces exonérations sont étendues aux constructions préfabriquées et au gazole.

Pendant 30 ans à partir de la fin des travaux :
- de l'impôt foncier sur les propriétés bâties, à l'exception des centimes additionnels communaux

Pendant 10 ans à partir de la fin des travaux :
- de la contribution des patentes, sauf centimes additionnels communaux
- d'impôt sur les bénéfices des sociétés
- de contribution supplémentaire à l'impôt sur les bénéfices des sociétés
- d'impôt minimum forfaitaire
- d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers

Pendant 5 ans à partir d'aujourd'hui
- des droits d'enregistrement et de transcription

Jusqu'à la fin des travaux :
- de la retenue à la source sur le revenu des non-résidents pour toutes les prestations qu'elle commande pour les besoins des travaux

Tahiti Nui Océan Foods reste assujettie :
- à la redevance aéroportuaire
- à une taxe forfaitaire de solidarité spéciale pour les "grands projets", égale à 2% de la valeur en douane des importations exonérées des autres taxes
- aux centimes additionnels communaux (c'est la part destinée aux communes sur la taxe foncière et sur la contribution des patentes)
- enfin elle paiera toutes les taxes et charges sociales sur ses salariés locaux


Que contiennent ces 32 milliards de francs d'investissements ?

Vue d'architecte du projet
L'arrêté précise que les investissements agréés pour l'implantation et l'exploitation de cette ferme aquacole sur l'atoll de Hao comprennent notamment :
- des unités d'écloserie
- des unités de pré-grossissement
- des parcs à poissons pour élevage en extérieur
- des unités de stockage (eau, carburant, nourriture, déchets)
- des unités de découpe et de conditionnement
- des navires de traitement et de transport comprenant 125 navires légers pour le nourrissage en
lagon, 2 transporteurs frigorifiques pour le fret entre Papeete et Hao, 5 bateaux plate-forme pour l'installation et la maintenance de cages et l'approvisionnement de la nourriture
- une base administrative et de vie
- un centre d'hébergement
- des installations énergétiques
- une station d'épuration et de désalinisation
- un centre de recherche et de développement scientifique
- un poste d'accueil et de gardiennage

>>> Voir notre article "Comment va fonctionner l'usine aquacole de Hao"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 9 Avril 2018 à 16:08 | Lu 4143 fois