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Féminicide en Alsace: l'accusé condamné à 29 ans de réclusion


Crédit OLIVIER MORIN / AFP
Crédit OLIVIER MORIN / AFP
Strasbourg, France | AFP | vendredi 26/01/2024 - Bruno Peter a été condamné à 29 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat en 2020 de son ex-conjointe Christine Bailly, vendredi par la cour d'assises du Bas-Rhin, à Strasbourg.

Ce verdict, rendu après un peu plus d'une heure de délibéré, est en-deçà des réquisitions de l'avocate générale, Eve Nisand, qui avait réclamé 30 ans de réclusion et 20 ans de sûreté.

A l'énoncé du verdict, l'accusé est resté impassible. Les proches de la victime se sont approchés du banc des parties civiles et ont longuement fixé Bruno Peter, qui regardait fixement le sol.

"Je regrette profondément mon geste", avait lancé aux jurés cet ancien technicien de maintenance de 53 ans, avant qu'ils ne se retirent pour délibérer.

Bruno Peter a commis un "crime de possession" prémédité "méticuleusement", il a tué Christine "parce que son objet lui échappait", qu'elle "avait osé le quitter", avait martelé l'avocate générale Eve Nisand. "Il l'a tuée parce qu'elle avait décidé de fréquenter un autre" homme. Il est "dangereux  (...) la société a besoin d'être protégée de Bruno Peter".

"Terroriste" 

La victime, qui avait pourtant rompu "de façon très transparente" début juin 2020, a "refusé d'être enfermée dans la cage dans laquelle (Bruno Peter) voulait la mettre", avait poursuivi la magistrate, selon laquelle la préméditation est clairement établie.

Christine Bailly, aide-soignante de 58 ans, avait été retrouvée le 26 septembre 2020 au sous-sol de sa maison de Wissembourg (Bas-Rhin) gisant dans une mare de sang, la gorge tranchée et le corps lardé de coups de couteau. Bruno Peter, en fuite, avait été interpellé deux jours plus tard dans le Sud-Est.

Signature de la préméditation, selon Mme Nisand : il a acheté une bombe lacrymogène pour "gazer" Christine et le couteau pour la tuer; il a laissé une lettre dans laquelle il annonçait avoir "décidé de (la) tuer"; il a préparé en amont et "au cordeau" sa cavale en retirant une forte somme d'argent en liquide et en remplissant le coffre de sa voiture d'affaires pour pouvoir "durer".

Pour l'avocate générale, "la date clé, c'est le 18 septembre 2020": c'est là qu'une voisine, l'une des personnes à qui l'accusé avait demandé de surveiller son ex-conjointe, "donne l'information cruciale", celle que le nouveau compagnon vient de passer la nuit chez elle.

Alors, Bruno Peter "bascule, considère que c'est une trahison", explique la magistrate, balayant l'hypothèse d'un passage à l'acte sous l'effet d'un anxiolytique, évoquée par l'accusé mais récusée par des experts.

"On vous a demandé une peine de terroriste", fustige en défense Matthieu Dulucq, exhortant les jurés "à ne pas mal condamner" son client mais à prononcer une "peine juste". Oui, Bruno Peter "a tué" Christine Bailly et "a tout préparé", comme il l'a reconnu. Il l'a tuée "parce qu'il souffrait trop (...) A la passion s'est substituée la haine et la confusion mentale dans laquelle il était".

Jeudi, M. Peter avait dit avoir tué son ex-compagne et préparé son geste mais soutenu qu'il n'était "pas décidé" à commettre le crime lorsqu'il est arrivé chez elle, au motif de récupérer un barbecue. Il aurait ensuite "disjoncté".

"Soleil noir" 

"Mais il a oscillé entre +je veux qu'elle meure+ et +je ne veux pas qu'elle meure+. Et il a été surpris de l'avoir fait", a expliqué Me Dulucq.

Christine Bailly n'a pas été "tuée par un médicament", a poursuivi le conseil, déplorant toutefois qu'une expertise pharmacologique lui ait été refusée durant l'instruction alors que son client souffrait d'une affection du foie qui aurait pu altérer sa réceptivité au médicament.

Christine Bailly était "comblée" mais "il a fallu que le soleil noir et glacial de l'effroi et de la mort se lève sur (sa) maison", a lancé Francis Metzger, avocat des deux enfants de la victime.

"Ce soleil noir, c'est vous", a-t-il lancé à l'accusé, voyant en lui, "de bout en bout, un assassin lucide et déterminé".

En moyenne, un féminicide survient tous les trois jours en France. Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a récemment avancé le chiffre de 94 féminicides en 2023, contre 118 en 2022, baisse accueillie avec prudence par les associations féministes.

Rédigé par RB le Vendredi 26 Janvier 2024 à 06:27 | Lu 693 fois