Favoriser l’accès au droit des Marquisiens de façon pérenne


Nuku Hiva - À l’occasion de la tenue des audiences foraines aux Marquises Sud, les intervenants du Conseil de l’accès au droit de Polynésie française sont allés à la rencontre des justiciables des îles du sud pour les aider à mieux connaître leurs droits et les accompagner dans leurs démarches juridiques parfois si abstraites. Un déplacement indispensable que chacun voudrait voir pérennisé.
 
Depuis sa création en 2022, le Conseil de l’accès au droit de la Polynésie française (CADPF), mis en place par la présidente du tribunal de première instance de Papeete, Laure Camus, œuvre pour que chaque citoyen du Fenua ait un accès au droit de qualité.
 
“En effet, le CADPF a pour mission principale de favoriser l’accès au droit pour tous et ce gratuitement”, explique Cécile Brunet-Ludet, présidente de la section détachée des îles Marquises (juge des Marquises). “Et ce notamment pour les personnes résidant dans les îles éloignées : c’est le droit qui se déplace dans les archipels. Il a vocation également à permettre à chacun de mieux connaître ses droits et ses obligations ainsi que d’être accompagné dans ses démarches juridiques.”
 
C’est dans ce cadre que cinq permanences gratuites d’accès au droit pour les justiciables des îles Marquises ont été tenues depuis décembre 2022, assurées par des avocats et une juriste de Papeete.

150 personnes venues s’informer

Ce mois-ci, pour la première fois, le dispositif a été étoffé puisque pour compléter l’activité juridictionnelle de la section détachée du tribunal des Marquises menée par Cécile Brunet-Ludet dans les îles du sud de l’archipel (tribunal forain), le CADPF a envoyé une délégation élargie composée d’une avocate-médiatrice foncière, Me Caroline Fong, d’un notaire, Me Gaël Sinjoux, et d’une juriste, Teahiti Bijou Moe-Vermersch. Se sont également joints à cette délégation deux mandataires judiciaires de l’association Tutelger (en charge des personnes placées sous tutelle judiciaire), l’assistante sociale du sud des Marquises et deux gendarmes de la brigade de Hiva Oa.
 
Ainsi, après une information générale en faveur des justiciables donnée dans chaque île (Nuku Hiva, Hiva Oa, Tahuata et Fatu Hiva), il s’agissait de répondre aux problématiques de droit de toutes natures : médiations familiales et foncières, affaires de terres, contrats, troubles de voisinage, accès à l’aide juridictionnelle, actes de notoriété, testaments, actes de vente, donations, partages à l’amiable devant notaire, etc.
 
Des consultations qui se sont faites gratuitement de façon individuelle et confidentielle. Elles ont donné lieu à des conseils et des orientations à destination de près de 150 personnes venues s’informer. Il faut dire que l’archipel des Marquises ne compte aucun notaire, aucun juriste et ni même aucun avocat. Il est donc habituellement très fastidieux, voire impossible, pour les habitants des villages reculés de l’archipel de s’informer de façon optimale.

La médiation foncière pour des résolutions à l’amiable

“Nous avons bien vu que cette mission correspondait vraiment à une attente de la population des Marquises”, indique l’avocate-médiatrice foncière, Me Caroline Fong. “Pour ma part, je venais aussi et surtout pour développer la médiation, et notamment en ce qui concerne les affaires de terre qui préoccupent beaucoup les populations locales et qui peuvent parfois durer des années. Depuis 2017, grâce à un mouvement national, les procédures sont plus rapides puisque la mise en place de la médiation foncière favorise le dialogue et la recherche de résolutions à l’amiable gagnant-gagnant pour toutes les parties. Une issue plus satisfaisante qu'une action en justice coûteuse et à l'issue incertaine, dont les populations marquisiennes n’avaient jusqu’à lors pas forcément les codes.”
 
Ce premier déplacement pluridisciplinaire dans les îles Marquises Sud ayant été un franc succès, il apparaît particulièrement souhaitable et même nécessaire d’envisager sa pérennisation et son déploiement dans l’ensemble de l’archipel, comme l’explique la juge des Marquises, Cécile Brunet-Ludet : “C’est un travail essentiel que de faire se rejoindre le quotidien des gens des archipels éloignés qui sont sur des référents culturels et institutionnels de service public complétement abstraits, et notre quotidien à nous dont c’est le travail. On pense parfois que les choses sont évidentes pour les gens et en réalité, non, elles ne le sont pas. Par ailleurs, je me suis rendu compte que si cette qualité de conseil, d’information et d’orientation était donnée en amont et si elle s’accompagnait, à chaque fois que c’est possible, de médiation, c’est autant de cas qui n’encombreraient pas la justice. Pour moi, en tant que juge, le travail qui a été fait par le CADPF lors de cette mission est essentiel.”
 
Les intervenants du Conseil de l’accès au droit devraient se rendre dans l’archipel des Gambier en novembre prochain. Leur prochain déplacement aux Marquises n’est en revanche pas encore prévu.

Rédigé par Marie Laure le Mercredi 29 Mai 2024 à 20:01 | Lu 3358 fois