(Archives La Dépêche de Tahiti)
PAPEETE, le 4 septembre 2017 - Le 4 septembre 1987, les horreurs perpétrées à Faaite étaient découvertes. Trois décennies se sont écoulées depuis. Quelles marques a laissé cet événement? Comment vivent les habitants? Éléments de réponse.
Un album rouge aux bords écornés et aux pages jaunies par le temps. Des souvenirs indélébiles. Christian Morhain regarde ce livre. Il en tourne les pages. Il y a trente ans, il était directeur d'école à Faaite. A l'intérieur, les photos sont intactes. Les couleurs des dessins d'enfants sont toujours aussi vives. Les pages respirent l'insouciance, toutes les pages respirent l'insouciance, à l'exception d'une. Sur celle-ci apparaît la Une de la Dépêche du 7 septembre 1987 qui titre "Faaite, l'horreur". Cette coupure de journal fait aussi partie des souvenirs.
En janvier 1987, Christian Morhain débarque sur l'atoll de Faaite à l'âge de 23 ans comme directeur adjoint de l'école du village, la valise pleine d'espoir et de bonne volonté. Après une coupure hivernale, il y revient en août 1987 et endosse cette fois le costume de directeur. Deux autres instituteurs l'épaulent dans sa tâche. La vie coule tranquillement, ou presque. "J'ai senti que quelque chose avait changé chez les habitants. Les enfants étaient très fatigués, ils ne suivaient plus très bien. Ils priaient tout le temps en dehors de la classe", se souvient l'ancien instituteur.
En cette période, les habitants, très croyants, suivent les recommandations de trois femmes arrivées début août sur l'atoll. Elles se revendiquent du Renouveau charismatique, un mouvement naissant au sein de l'église catholique, et constituent des groupes de prière. A la fin du mois, elles repartent vers Fakarava. Les jours suivant, toutes les figures de l'autorité quittent elles aussi Faaite. Le maire délégué, Michel Teata, accompagné du muto'i se rend à Tahiti pour le congrès des communes.
"En effet, après ces quelques jours d'endoctrinement, une partie de la population fut convaincue que le Diable se trouvait sur l'île et qu'il fallait à tout prix l'en déloger. Le maire, absent, aucune véritable autorité ne se trouvait sur place afin de ramener le calme et la raison dans des esprits qui avaient soudain perdu tout discernement. Des jeunes âgés de 20 à 30 ans, lesquels s'étaient vus confier une mission divine par les trois prêtresses, se mirent en quête de chasser le diable", explique Denis Hermann, en 1997, dans un article pour Tahiti Pacifique. Le 29 août, les jeunes du village commencent des séances d'exorcisme sur les habitants qu'ils croient possédés. S'en suivent plusieurs jours d'horreurs.
Un album rouge aux bords écornés et aux pages jaunies par le temps. Des souvenirs indélébiles. Christian Morhain regarde ce livre. Il en tourne les pages. Il y a trente ans, il était directeur d'école à Faaite. A l'intérieur, les photos sont intactes. Les couleurs des dessins d'enfants sont toujours aussi vives. Les pages respirent l'insouciance, toutes les pages respirent l'insouciance, à l'exception d'une. Sur celle-ci apparaît la Une de la Dépêche du 7 septembre 1987 qui titre "Faaite, l'horreur". Cette coupure de journal fait aussi partie des souvenirs.
En janvier 1987, Christian Morhain débarque sur l'atoll de Faaite à l'âge de 23 ans comme directeur adjoint de l'école du village, la valise pleine d'espoir et de bonne volonté. Après une coupure hivernale, il y revient en août 1987 et endosse cette fois le costume de directeur. Deux autres instituteurs l'épaulent dans sa tâche. La vie coule tranquillement, ou presque. "J'ai senti que quelque chose avait changé chez les habitants. Les enfants étaient très fatigués, ils ne suivaient plus très bien. Ils priaient tout le temps en dehors de la classe", se souvient l'ancien instituteur.
En cette période, les habitants, très croyants, suivent les recommandations de trois femmes arrivées début août sur l'atoll. Elles se revendiquent du Renouveau charismatique, un mouvement naissant au sein de l'église catholique, et constituent des groupes de prière. A la fin du mois, elles repartent vers Fakarava. Les jours suivant, toutes les figures de l'autorité quittent elles aussi Faaite. Le maire délégué, Michel Teata, accompagné du muto'i se rend à Tahiti pour le congrès des communes.
"En effet, après ces quelques jours d'endoctrinement, une partie de la population fut convaincue que le Diable se trouvait sur l'île et qu'il fallait à tout prix l'en déloger. Le maire, absent, aucune véritable autorité ne se trouvait sur place afin de ramener le calme et la raison dans des esprits qui avaient soudain perdu tout discernement. Des jeunes âgés de 20 à 30 ans, lesquels s'étaient vus confier une mission divine par les trois prêtresses, se mirent en quête de chasser le diable", explique Denis Hermann, en 1997, dans un article pour Tahiti Pacifique. Le 29 août, les jeunes du village commencent des séances d'exorcisme sur les habitants qu'ils croient possédés. S'en suivent plusieurs jours d'horreurs.
DES FLAMMES DANS LA NUIT NOIRE
Christian Morhain.
Le 2 septembre 1987, Christian Morhain reçoit la visite des deux autres instituteurs, inquiets. Un bûcher de fortune a été érigé près de l'église. Des flammes enragées de plusieurs mètres consument la nuit noire. Selon les différents témoignages, le premier adjoint au maire a fait une crise épilepsie quelques jours plus tôt. Pour les jeunes de l'atoll, il ne faisait aucun doute que c'était la manifestation du diable. Ces derniers ont déclaré le premier adjoint au maire "possédé". Ils ont entrepris de chasser le malin par des bains d'eau de mer, des cuillères de pétrole dans la bouche et des coups. Des sévices dignes du moyen-âge. "Ils m'ont indiqué qu'il y avait eu un premier décès suivi d'un feu pour brûler son corps. Je ne les ai pas pris au sérieux mais ils ont insisté et ma consœur avait les larmes aux yeux alors je me suis rendu sur place. A 100 mètres, je voyais déjà des flammes. Évidemment, nous avons été pris de panique", se souvient Christian Morhain.
Les instituteurs se regroupent dans le logement de fonction du directeur. Le lendemain, Christian Morhain décide d'avertir le maire délégué de Faaite, Michel Teata. "Je suis allé jusqu'à La Poste pour passer cet appel, là où se trouvait le seul téléphone de l'île. J'ai pu avertir la femme du maire, par un message un peu codé, que quelque chose ne tournait pas rond à Faaite. Puis le téléphone a coupé. Les jeunes m'ont averti par la suite de ne pas me mêler de ces affaires."
A Faaite, l'hystérie est collective. Certains habitants se croient possédés et demandent à ce qu'on fasse sortir le diable d'eux. D'autres ont peur et préfèrent se ranger du côté des exorcistes. Quant à ceux qui osent s'opposer, ils se retrouvent sur le bûcher.
A Tahiti, les différents coups de téléphone en provenance de Faaite se succèdent. Il faut agir. Le père Hubert Coppenrath, accompagné du maire délégué, affrète un avion pour se rendre sur l'atoll. Le 4 septembre, après avoir atterri à Fakarava, ils rejoignent Faaite en bateau. Le père Hubert met fin aux "exorcismes".
Pendant ces deux jours et deux nuits de folie, six personnes auront été tuées. "Je pense que si cela avait duré plus longtemps, nous serions sûrement morts nous aussi", glisse Christian Morhain, une pointe d'émotion dans la voix.
Le 8 septembre, après l'arrivée des autorités, le directeur de l'école et les deux autres instituteurs ont été évacués. Depuis, l'ancien directeur a tout gardé en mémoire : ces jours funestes, la peur et le visage des protagonistes qui voulaient chasser le diable.
Les instituteurs se regroupent dans le logement de fonction du directeur. Le lendemain, Christian Morhain décide d'avertir le maire délégué de Faaite, Michel Teata. "Je suis allé jusqu'à La Poste pour passer cet appel, là où se trouvait le seul téléphone de l'île. J'ai pu avertir la femme du maire, par un message un peu codé, que quelque chose ne tournait pas rond à Faaite. Puis le téléphone a coupé. Les jeunes m'ont averti par la suite de ne pas me mêler de ces affaires."
A Faaite, l'hystérie est collective. Certains habitants se croient possédés et demandent à ce qu'on fasse sortir le diable d'eux. D'autres ont peur et préfèrent se ranger du côté des exorcistes. Quant à ceux qui osent s'opposer, ils se retrouvent sur le bûcher.
A Tahiti, les différents coups de téléphone en provenance de Faaite se succèdent. Il faut agir. Le père Hubert Coppenrath, accompagné du maire délégué, affrète un avion pour se rendre sur l'atoll. Le 4 septembre, après avoir atterri à Fakarava, ils rejoignent Faaite en bateau. Le père Hubert met fin aux "exorcismes".
Pendant ces deux jours et deux nuits de folie, six personnes auront été tuées. "Je pense que si cela avait duré plus longtemps, nous serions sûrement morts nous aussi", glisse Christian Morhain, une pointe d'émotion dans la voix.
Le 8 septembre, après l'arrivée des autorités, le directeur de l'école et les deux autres instituteurs ont été évacués. Depuis, l'ancien directeur a tout gardé en mémoire : ces jours funestes, la peur et le visage des protagonistes qui voulaient chasser le diable.
UN SUJET TABOU
(Archives La Dépêche de Tahiti)
Le drame de Faaite a marqué au fer rouge l'histoire de la Polynésie. Le nom de ce petit atoll perdu au milieu du Pacifique résonne jusqu'à Tahiti et au-delà. Personne n'a vraiment oublié même si beaucoup ont posé un voile sur cet événement. "Tu sais, je préfère ne pas en parler. Nous sommes passés à autre chose, la vie continue…", souffle un homme de Faaite. La vie a repris son cours.
Les habitants ont fait vœu d'amnésie à peine le drame terminé. Christian Morhain l'a constaté à son retour sur Faaite le 27 septembre, en compagnie de deux nouveaux instituteurs. Face à la difficulté de trouver un directeur pour cette école, la direction de l'enseignement lui avait demandé de continuer sa mission en attendant de trouver un remplaçant.
L'ancien directeur se rappelle : "On sentait déjà qu'une chape de plomb était tombée. Tout le monde voulait repartir d'un bon pied. Je suis retourné dans un endroit où l'ambiance était très calme, très sereine. La population voulait que les choses redémarrent, que les plaies soient pansées."
Après avoir été arrêtés et incarcérés, les protagonistes ont été jugés en mars 1990. Les peines infligées s'étalaient de quatre années de prison avec sursis à 14 ans ferme. Certains sont revenus à Faaite après avoir purgé leur peine. "30 ans après, tout le monde a retrouvé la paix, affirme Monseigneur Hubbert Coppenrath, administrateur de Maria no Te Hau et responsable du Renouveau charismatique au sein du diocèse de Papeete en 1987. La dernière fois que je suis allé à Faaite, c'était en 2008 pour l'inauguration de la nouvelle église. Je suis allé bénir cette église. Tout le monde était dans la joie. Il y a eu beaucoup d'efforts pour que ce drame soit oublié."
Les gens ont rangé les événements dans un coin de leur mémoire et avancent dans leur quotidien, un sourire aux lèvres. "Ici, nous n'en parlons pas du tout. Les gens évitent d'aborder le sujet, ce que je comprends. Tout le monde cohabite tranquillement", affirme Léonard Brown, actuel directeur de l'école de Faaite, sur place depuis quatre ans. Ce dernier aurait souhaité avoir une pierre commémorative. "On m'a dit qu'il y en avait une mais qu'elle avait été déplacée…"
Depuis le drame, l'île s'est dotée d'un aérodrome. Le téléphone, la télévision et internet se sont aussi développés. Le directeur d'école, se plaît sur l'atoll où vivent 401 âmes à ce jour. Il souhaite y rester encore quelques années pour assurer sa mission d'instituteur. Il rassure : "Il fait bon vivre à Faaite." Le quadragénaire espère qu'un jour, la page de ces malheureux souvenirs sera définitivement tournée.
Les habitants ont fait vœu d'amnésie à peine le drame terminé. Christian Morhain l'a constaté à son retour sur Faaite le 27 septembre, en compagnie de deux nouveaux instituteurs. Face à la difficulté de trouver un directeur pour cette école, la direction de l'enseignement lui avait demandé de continuer sa mission en attendant de trouver un remplaçant.
L'ancien directeur se rappelle : "On sentait déjà qu'une chape de plomb était tombée. Tout le monde voulait repartir d'un bon pied. Je suis retourné dans un endroit où l'ambiance était très calme, très sereine. La population voulait que les choses redémarrent, que les plaies soient pansées."
Après avoir été arrêtés et incarcérés, les protagonistes ont été jugés en mars 1990. Les peines infligées s'étalaient de quatre années de prison avec sursis à 14 ans ferme. Certains sont revenus à Faaite après avoir purgé leur peine. "30 ans après, tout le monde a retrouvé la paix, affirme Monseigneur Hubbert Coppenrath, administrateur de Maria no Te Hau et responsable du Renouveau charismatique au sein du diocèse de Papeete en 1987. La dernière fois que je suis allé à Faaite, c'était en 2008 pour l'inauguration de la nouvelle église. Je suis allé bénir cette église. Tout le monde était dans la joie. Il y a eu beaucoup d'efforts pour que ce drame soit oublié."
Les gens ont rangé les événements dans un coin de leur mémoire et avancent dans leur quotidien, un sourire aux lèvres. "Ici, nous n'en parlons pas du tout. Les gens évitent d'aborder le sujet, ce que je comprends. Tout le monde cohabite tranquillement", affirme Léonard Brown, actuel directeur de l'école de Faaite, sur place depuis quatre ans. Ce dernier aurait souhaité avoir une pierre commémorative. "On m'a dit qu'il y en avait une mais qu'elle avait été déplacée…"
Depuis le drame, l'île s'est dotée d'un aérodrome. Le téléphone, la télévision et internet se sont aussi développés. Le directeur d'école, se plaît sur l'atoll où vivent 401 âmes à ce jour. Il souhaite y rester encore quelques années pour assurer sa mission d'instituteur. Il rassure : "Il fait bon vivre à Faaite." Le quadragénaire espère qu'un jour, la page de ces malheureux souvenirs sera définitivement tournée.
"Le procès le plus difficile qu'ait jamais connu cette juridiction d'assises"
L'audience en cours d'assises s'est ouverte en mars 1990, près de trois ans après les faits. 24 prévenus comparaissaient au tribunal de Papeete, dans "une salle trop petite", selon le livre de Bruno Fouchereau paru en 1994 (Les bûchers de Faaite), où "les parents des victimes, les témoins et les familles des accusés se mélangent de manière surréaliste". L'auteur qualifie ainsi cette audience : "Le procès le plus difficile qu'ait jamais connu cette juridiction d'assises."
"C'était affreux!"
Une des jurés, Vainamu Salmon, se souvient de ce procès comme si c'était hier.
Comment avez-vous appris que vous étiez juré à ce procès?
Les gendarmes sont arrivés avec ma convocation. Je ne voulais pas être juré dans cette affaire, parce que j'en avais entendu parler et cela m'avait bouleversé de savoir que des gens avaient été jetés au feu. Mon père m'avait expliqué qu'un jour je pouvais être tiré au sort pour être juré. Je lui disais que je ne voulais surtout pas de viol et j'ai été choisie pour ce massacre là…
Comment s'est déroulé le procès?
Il y avait beaucoup de monde. Les témoignages sont arrivés petit à petit. Ce qui m'a le plus choquée, c'est lorsque le médecin légiste est venu expliquer toutes les différentes morts. C'était affreux! Les différents meurtres étaient détaillés. Je suis tombée malade à la fin de la première semaine de procès. Mon médecin m'a mis en arrêt, je n'ai pas pu y retourner. Cela a été la chose la plus atroce que j'ai eu à faire.
Aujourd'hui, comment vous sentez-vous par rapport à cette histoire?
Je suis toujours autant perturbée. Pourtant, je n'ai aucun lien avec ces personnes. Je me demande comment ils ont pu faire ça : un fils jeter sa mère au feu.
Comment avez-vous appris que vous étiez juré à ce procès?
Les gendarmes sont arrivés avec ma convocation. Je ne voulais pas être juré dans cette affaire, parce que j'en avais entendu parler et cela m'avait bouleversé de savoir que des gens avaient été jetés au feu. Mon père m'avait expliqué qu'un jour je pouvais être tiré au sort pour être juré. Je lui disais que je ne voulais surtout pas de viol et j'ai été choisie pour ce massacre là…
Comment s'est déroulé le procès?
Il y avait beaucoup de monde. Les témoignages sont arrivés petit à petit. Ce qui m'a le plus choquée, c'est lorsque le médecin légiste est venu expliquer toutes les différentes morts. C'était affreux! Les différents meurtres étaient détaillés. Je suis tombée malade à la fin de la première semaine de procès. Mon médecin m'a mis en arrêt, je n'ai pas pu y retourner. Cela a été la chose la plus atroce que j'ai eu à faire.
Aujourd'hui, comment vous sentez-vous par rapport à cette histoire?
Je suis toujours autant perturbée. Pourtant, je n'ai aucun lien avec ces personnes. Je me demande comment ils ont pu faire ça : un fils jeter sa mère au feu.
"Ce n'est pas donné à n'importe quel avocat d'être acteur d'un tel dossier"
Maitre Lau était l'avocat d'un des protagonistes de cette affaire. Le drame de Faaite était le premier dossier qu'il a défendu en cour d'assises.
En quoi ce procès était un procès hors du commun pour vous?
Un procès de ce genre là avec les victimes et les prévenus côte à côte, je n'avais jamais vu ça. Il n'y a jamais eu un tel contexte. Ils étaient tous, quelque part, acteurs de ce drame. Il n'y avait qu'une partie civile. Quand le verdict a été rendu, une voix s'est élevée dans la salle. Quelqu'un a demandé s'il pouvait récupérer ce qu'il se trouvait le scellé au milieu de cette cour d'assises.Dans cette boîte se trouvaient les restes des personnes tuées.
Vous avez très mal vécu le verdict. Qu'en pensez-vous aujourd'hui?
Pour ma part, j'étais persuadé qu'ils étaient irresponsables pénalement. Mon client pensait vraiment ne pas faire du mal. Il pensait sauver son atoll. Mais je comprends le verdict. Il ne fallait pas que le cas de Faaite reste impuni.
Vous avez plus de 20 ans de carrière derrière vous. Que ressentez-vous par rapport à ce dossier?
Je reste marqué par cette histoire. Ce n'est pas donné à n'importe quel avocat d'être acteur d'un tel dossier. C'était mon premier dossier en cour d'assises et j'ai appris qu'il fallait toujours composer avec le droit et l'environnement.
En quoi ce procès était un procès hors du commun pour vous?
Un procès de ce genre là avec les victimes et les prévenus côte à côte, je n'avais jamais vu ça. Il n'y a jamais eu un tel contexte. Ils étaient tous, quelque part, acteurs de ce drame. Il n'y avait qu'une partie civile. Quand le verdict a été rendu, une voix s'est élevée dans la salle. Quelqu'un a demandé s'il pouvait récupérer ce qu'il se trouvait le scellé au milieu de cette cour d'assises.Dans cette boîte se trouvaient les restes des personnes tuées.
Vous avez très mal vécu le verdict. Qu'en pensez-vous aujourd'hui?
Pour ma part, j'étais persuadé qu'ils étaient irresponsables pénalement. Mon client pensait vraiment ne pas faire du mal. Il pensait sauver son atoll. Mais je comprends le verdict. Il ne fallait pas que le cas de Faaite reste impuni.
Vous avez plus de 20 ans de carrière derrière vous. Que ressentez-vous par rapport à ce dossier?
Je reste marqué par cette histoire. Ce n'est pas donné à n'importe quel avocat d'être acteur d'un tel dossier. C'était mon premier dossier en cour d'assises et j'ai appris qu'il fallait toujours composer avec le droit et l'environnement.
La chronologie des événements
- 3 août 1987 : débarquement des femmes, les trois prêtresses, à Faaite;
- 27 août 1987 : départ des trois femmes pour Fakarava puis Tahiti;
- 29 août 1987 : les exorcismes commencent;
- 2 septembre : une première victime a été brûlée. Appels vers Tahiti;
- 3 septembre : les "exorcismes" continuent;
- 4 septembre : arrivée du Père Hubert Coppenrath accompagné du maire délégué, Michel Teata;
- 8 septembre : les instituteurs sont évacués de l'atoll;
- 1989 : délibération de l'assemblée territoriale en faveur de la construction d'une piste d'aérodrome à Faaite;
- 27 mars 1990 : ouverture du procès en assises;
- 27 août 1987 : départ des trois femmes pour Fakarava puis Tahiti;
- 29 août 1987 : les exorcismes commencent;
- 2 septembre : une première victime a été brûlée. Appels vers Tahiti;
- 3 septembre : les "exorcismes" continuent;
- 4 septembre : arrivée du Père Hubert Coppenrath accompagné du maire délégué, Michel Teata;
- 8 septembre : les instituteurs sont évacués de l'atoll;
- 1989 : délibération de l'assemblée territoriale en faveur de la construction d'une piste d'aérodrome à Faaite;
- 27 mars 1990 : ouverture du procès en assises;
Le drame de l'isolement
Bruno Saura, sociologue, a publié un livre intitulé Les bûchers de Faaite en 1990. i["Le drame de Faaite est d'abord celui de l'isolement […]",]i explique l'auteur dans la préface. Il revient sur la place de l'institution catholique dans la vie de cet atoll et de ses 183 habitants de l'époque.
Pour le sociologue, ce qui s'est déroulé à Faaite aurait pu avoir lieu au centre des Etats-Unis comme "dans les confins d'une campagne française".
L'auteur continue: "Faaite est un atoll isolé, un espace clos qui a pu "basculer" dans l'hérésie religieuse comme il pourrait, un beau jour et dans un autre domaine, basculer politiquement du tout au tout, du gaullisme à l'indépendantisme. C'est cela la loi des milieux fermés. Les évolutions y sont rares. Elles peuvent être rapides et ne son guères prévisibles."
Maitre James Lau rejoint l'analyse de Bruno Saura. L'isolement de l'atoll de Faaite peut, en partie, expliquer le drame. Mais l'avocat va plus loin : "Le rôle de l'Etat dans cette affaire a été important. Il a été défaillant dans la protection des gens. Aujourd'hui encore, il y a des atolls où l'Etat n'a quasiment jamais mis les pieds. Cela peut être dangereux car il y a des endroits où les gens vivent très fermés. Dans ces cas-là, certains peuvent s'investir comme chefs et faire des choses abusives." De fait, selon lui, un tel drame est encore possible aujourd'hui. "C'est une tragédie dont il faut tirer les leçons."
Monseigneur Hubert Coppenrath, aujourd'hui administrateur de Maria No Te Hau, approuve lui aussi l'analyse du sociologue. Depuis, l'Eglise est encore plus vigilante aux dérives et aux comportements de ses fidèles. "Depuis ce drame, nous avons demandé de refuser les gens qui vont dans les îles s'ils ne sont pas envoyés officiellement par les communautés. Quelques fois, ça arrive encore. Il faut donc être très prudent", met en garde Monseigneur Coppenrath.
Pour le sociologue, ce qui s'est déroulé à Faaite aurait pu avoir lieu au centre des Etats-Unis comme "dans les confins d'une campagne française".
L'auteur continue: "Faaite est un atoll isolé, un espace clos qui a pu "basculer" dans l'hérésie religieuse comme il pourrait, un beau jour et dans un autre domaine, basculer politiquement du tout au tout, du gaullisme à l'indépendantisme. C'est cela la loi des milieux fermés. Les évolutions y sont rares. Elles peuvent être rapides et ne son guères prévisibles."
Maitre James Lau rejoint l'analyse de Bruno Saura. L'isolement de l'atoll de Faaite peut, en partie, expliquer le drame. Mais l'avocat va plus loin : "Le rôle de l'Etat dans cette affaire a été important. Il a été défaillant dans la protection des gens. Aujourd'hui encore, il y a des atolls où l'Etat n'a quasiment jamais mis les pieds. Cela peut être dangereux car il y a des endroits où les gens vivent très fermés. Dans ces cas-là, certains peuvent s'investir comme chefs et faire des choses abusives." De fait, selon lui, un tel drame est encore possible aujourd'hui. "C'est une tragédie dont il faut tirer les leçons."
Monseigneur Hubert Coppenrath, aujourd'hui administrateur de Maria No Te Hau, approuve lui aussi l'analyse du sociologue. Depuis, l'Eglise est encore plus vigilante aux dérives et aux comportements de ses fidèles. "Depuis ce drame, nous avons demandé de refuser les gens qui vont dans les îles s'ils ne sont pas envoyés officiellement par les communautés. Quelques fois, ça arrive encore. Il faut donc être très prudent", met en garde Monseigneur Coppenrath.