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Extraction minière sous-marine: appels à la prudence pour ne pas bâcler les règles


Crédit Philippe LOPEZ / AFP
Crédit Philippe LOPEZ / AFP
Nations unies, États-Unis | AFP | lundi 17/03/2025 - De nombreux Etats et ONG ont appelé lundi à la prudence face aux pressions de l'industrie minière sous-marine, à quelques mois du dépôt attendu de la première demande de contrat d'exploitation de minerais convoités dans les eaux internationales.

A l'ouverture de la session de printemps de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) en Jamaïque, plusieurs pays réclamant un moratoire sur cette activité accusée de menacer les écosystèmes marins se sont inquiétés des risques de finir à la hâte le "code minier", qui doit réguler cette nouvelle activité.

"Nous sommes encore loin du consensus pour parvenir à un code minier finalisé", a commenté l'ambassadeur français Olivier Guyonvarch, alors que le dernier projet de texte consolidé est rempli de centaines de parenthèses mettant en lumière les désaccords.

"Tant que nous n'avons pas d'informations scientifiques suffisantes et un cadre légal qui garantit que tout plan d'exploitation sera basé sur de véritables données scientifiques et des règles solides, nous avons besoin d'une pause de précaution sur toute activité", a insisté le représentant du Costa Rica.

Une position qui gagne du terrain mais qui est loin de faire l'unanimité au sein des 169 Etats membres de l'AIFM.

"La protection de l'environnement ne veut pas dire abandonner l'exploitation", a ainsi insisté le représentant chinois, estimant que l'exploitation permettrait de récolter plus d'informations pour éventuellement prendre des "mesures ciblées" et mieux protéger l'environnement.

En vertu de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer, l'AIFM, basée à Kingston en Jamaïque, est chargée d'organiser les activités liées aux minéraux convoités du plancher océanique en dehors des juridictions nationales, tout en protégeant ces écosystèmes isolés et mal connus.

Son Conseil, qui pour l'instant n'attribue que des contrats d'exploration, négocie depuis plus de dix ans un code minier pour fixer les règles d'une éventuelle exploitation du nickel, cobalt ou cuivre qui, selon certains industriels, sont capitaux pour la transition énergétique.

- Calendrier modifié ? -

Ces discussions se sont accélérées ces dernières années en raison de l'activation d'une clause juridique qui permet depuis 2023 à tout entreprise sponsorisée par un Etat de déposer une demande de contrat d'exploitation même en l'absence de ce code.

Alors que l'AIFM s'est fixée l'objectif de finaliser le code minier cette année, le groupe Afrique a lui aussi dénoncé "plusieurs problèmes" dans les négociations du code minier. 

Alors que les ressources du plancher océanique dans les eaux internationales sont classées "patrimoine commun de l'humanité", les pays africains s'inquiètent de ne pas en profiter et même d'en être victimes. Il ne faut pas que l'extraction sous-marine se fasse "aux dépens des économies africaines basées sur les minerais et de leurs aspirations à un développement durable".

L'industrie dénonce à l'inverse des "délais" dans l'élaboration des règles. Dans une lettre envoyée à l'AIFM en janvier, plusieurs entreprises, disant avoir investi collectivement plus de 2 milliards de dollars dans l'exploration et le développement de technologies nécessaires, avaient ainsi mis en avant les "risques juridiques et financiers" auxquelles elles font face.

Parmi elles, Nori (Nauru Ocean Resources Inc.), filiale de l'entreprise canadienne The Metals Company, qui prévoit de déposer en juin la première demande de contrat pour exploiter des nodules polymétalliques dans le Pacifique.

Dans ce contexte, Nauru, petit Etat insulaire du Pacifique qui sponsorise Nori, réclame que le Conseil se prononce lors de cette session de deux semaines sur les règles d'examen de la future demande de contrat, en l'absence de code minier.

Une demande contestée alors que le Conseil, divisé, avait difficilement décidé en 2023 qu'il ne déciderait de ces modalités qu'après le dépôt d'une telle demande.

"Les Etats membres de l'AIFM doivent résister à la pression inacceptable d'une industrie qui risque de causer des dommages irréparables à notre océan et d'exacerber la crise planétaire", a plaidé Sofia Tsenikli, du groupement d'ONG Deep Sea Conservation Coalition.

Les ONG espèrent beaucoup de la nouvelle secrétaire générale de l'Autorité, l'océanographe brésilienne Leticia Carvalho.

Cette dernière, insistant sur son attachement à la science, a appelé lundi les négociateurs à faire "des progrès significatifs" dans les négociations cette année, tout en évoquant l'éventualité d'adopter un calendrier "actualisé".

le Mardi 18 Mars 2025 à 03:58 | Lu 163 fois